Sonic Visions 2014 – 21 Novembre 2014 – Conférences

Sonic Visions 7 par Matthieu Henkinet

En ce froid mois de novembre, alors que les marchés de Noël s’installent dans de nombreuses villes, à Esch sur Alzette ce sont les installations des Sonic Visions qui ont fait leur apparition pour trois jours de conférences et de concerts de qualité.

C’est le 21 novembre 2014 que je rejoins le festival. En remontant la fameuse avenue du Rock’n’roll, je ne peux échapper aux stickers apposés sur le sol et indiquant la direction des conférences. Ces dernières ont cette année quitté le M&R de la Rockhal pour s’installer de l’autre côté de la rue dans une ancienne usine, revalorisée en musée, Massenoire. Le cadre est séduisant, historique, et l’organisation a fait en sorte de se l’accaparer par des éclairages et des visuels adaptés.

Sonic Visions par Matthieu Henkinet

Le premier à prendre la parole ce matin, est Matthias Brinkmann, chef du marketing digital chez Believe Digital. Au programme, deux heures et demi de conseils sur les stratégies de promotion digitales et de marketing Do It Yourself (« fais le toi-même »).

Le speaker vise large et évoque tous les moyens dont disposent les groupes pour promouvoir leur musique en ligne. Particulièrement il s’attarde sur les divers labels misant sur le produit dématérialisé, avant de prendre le temps de détailler les plateformes sur lesquelles il fait bon déposer sa musique. Suit un long passage sur les différents réseaux sociaux et l’usage qu’il faut en faire afin de créer la meilleure relation possible avec les fans. Chaque sujet est mesuré, avec ses avantages, ses défauts mais aussi des règles spécifiques à suivre. La phrase particulière que j’en retiens pour ma part est la suivante : « It’s not good if it’s not fun ».

L’allocution se termine à 13h30, et laisse à tous une demi-heure pour digérer les nombreuses informations recueillies avant de passer aux workshops consacrés à l’organisation de concerts dans les pays frontaliers.

Le premier à prendre la parole est Laurent Sabatier, directeur du Nouveau Casino à Paris, pour expliquer le fonctionnement et les lois françaises. Et il y a de quoi faire puisque la législation française n’est pas la plus avantageuse pour les groupes venus de l’étranger. Il faut notamment être légalement employé en France pour y travailler, contraignant à faire appel à des tourneurs ou associations locales. De plus il existe une rémunération minimale de 80€ par artiste dont il faut s’acquitter ce qui pour des groupes de 5 personnes représente déjà 400€, cela refroidit largement les programmateurs lorsqu’il s’agit de faire jouer de petits groupes puisqu’il est plus difficile de rentrer dans ses frais. La plupart des café concerts œuvrent dans l’illégalité, en misant sur une certaine tolérance.

La principale solution pour les artistes étrangers est l’utilisation d’un formulaire A1, évitant ainsi le paiement de taxes pour le promoteur, mais dans certains pays il est difficile à obtenir.

Sonic Visions 2 par Matthieu Henkinet

Le coup de projecteur suivant est sur la Belgique à travers David Dehard, coordinateur à Court Circuit qui est une association visant à la professionnalisation du secteur des musiques actuelles en Wallonie. La Belgique n’est pas non plus un secteur facile puisqu’elle est divisée en 3 publics : les francophones, les flamands et les germanophones. Chacun de ces publics a un ministère de la culture propre. Tout cela multiplie les initiatives et il est parfois difficile de s’y retrouver c’est la raison pour laquelle a été fondé « clubbelge.be » rassemblant sous un site les différents acteurs musicaux belges.

Sonic Visions 3 par Matthieu Henkinet

A présent c’est à un focus sur l’Allemagne auquel nous avons droit. Avec Markus Graf, directeur de LAG Rock & Pop en Rheinland Pfalz (Rhénanie Palatinat), nous apprenons (et cela devient une habitude) que l’Allemagne non plus n’est pas facile à conquérir. Les salles de concerts n’ont quasiment pas de financements publics, ce qui leur confère un devoir de rentabilité, écartant d’office les groupes pas suffisamment implantés dans le pays. Il y a par ailleurs un recours massif au « payer pour jouer », incitant les groupes à payer pour pouvoir faire leurs preuves en premières parties de grands noms. La meilleure alternative réside une nouvelle fois dans les festivals, qui grâce aux aides de l’état et aux sponsorings ont une plus grande liberté dans leur programmation, cela induit parfois souvent de jouer sur une scène pouvant accueillir 20 000 personnes en ouverture à 15h face à un public restreint.

Sonic Visions 4 par Matthieu Henkinet

Tout cela peut paraître décourageant, mais les intervenants le martèlent, il faut jouer le plus possible pour se faire un nom. Que cela soit difficile ou non, les groupes doivent s’accrocher pour avoir une chance de gravir les échelons.

J’assiste ensuite à la conférence introduisant LivEurope, une initiative visant à fédérer un grand nombre de salles de concerts européennes pour mettre en place des échanges et une plus grande communication avec les artistes. Le tout devrait permettre aux artistes européens de s’exporter plus aisément en facilitant les modalités administratives.

Pour le présenter sont présents Dirk de Clippeleir, manager général de l’Ancienne Belgique à Bruxelles ; Fabien Miclet, coordinateur de la plateforme Liveurope ; Magnus Restofte, directeur adjoint et chargé de communication chez VEGA ; Laurent Sabatier, directeur du Nouveau Casino ; Olivier Toth, manager général de la Rockhal.

Sonic Visions 5 par Matthieu Henkinet

Toujours sur un sujet connexe, suit une conférence sur le fonctionnement des tournées en Europe. Tandis que Laurent Sabatier, Magnus Restofte et Fabien Miclet gardent leurs places, les autres speakers changent. Arrivent Michael Bisping, directeur du management à ASS Concerts & Promotion et Jamie Wade, agent à X-ray Touring. Le tout est animé par le facétieux Olaf Furniss, Journaliste et organisateur des Wide Days.

Durant ce panel, on retrouve des informations déjà recueillies dans les focus du début d’après midi, complétées avec des données non négligeables notamment au sujet des taxes dont il vaut mieux s’acquitter correctement si on veut éviter d’exploser le budget de tournée après tout.

Par ailleurs, les speakers s’attardent assez longuement sur l’importance d’avoir une communication et une organisation professionnelles. Il est impossible de booker des dates de qualité en envoyant de la musique de mauvaise qualité, ce que l’on savait déjà, mais il en est de même si l’on se contente de visuels ou d’attitudes d’amateurs (retards, nonchalence…).

Sonic Visions 8 par Matthieu Henkinet

L’étape suivante de la journée est le Speed Meeting, sur le principe du speed dating des organisateurs / bookers de festivals et salles de concerts de la grande région rencontrent des managers et groupes dans le but de créer un contact et idéalement aboutir sur des concerts. J’y croise une partie de ceux qui font la vie musicale de notre région. Sont notamment représentés Zikamine / Zikametz, L’Autre Canal, Le Jardin du Michel, L’Entrepôt

Sonic Visions 6 par Matthieu Henkinet

Les rencontres sont ponctuées par des coups de gong et ce pendant une heure. De mon côté je m’assois avec une pointe d’impatience, puisque la prochaine prise de parole est celle de Peter Jenner. Son nom ne vous dira peut-être pas grand-chose, pourtant depuis les années 1960 il a eu l’occasion d’être manager de groupes de légende dont Pink Floyd et The Clash, pour ne citer qu’eux.

Sonic Visions 10 par Matthieu Henkinet

A son entrée sur scène, l’assistance est nombreuse mais inhabituellement calme, prête à boire ses paroles. Jenner n’a que faire de cette fascination ambiante et détend le tout en déclarant ne pas savoir lui-même de quoi il va parler pendant la prochaine demi heure. Pourtant il se lance rapidement et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il a des choses à dire. Ardent défenseur des droits des artistes et de leurs rémunération, il évoque l’évolution du milieu, des métiers mais il s’attarde plus longuement à contrepied, sur les similitudes. Certaines choses n’ont pas changé depuis ses débuts, il faut toujours se créer un public, convaincre, montrer que l’on mérite l’attention. Il est reste nécessaire de se démarquer, selon les dires de Jenner « il ne faut pas un nouveau David Bowie, ni de nouveaux Pink Floyd, ils existent déjà. Et il faut encore moins de nouveaux groupe de blues, il y en a déjà trop pour que vous puissiez tous les écouter ». Le tout est évidement dit sur le ton de la blague, mais garde un fond véridique.

Sonic Visions 11 par Matthieu Henkinet

Suit un sujet plus sérieux, celui du numérique et du prix de la musique. Peter Jenner déclare qu’il faut redonner un prix à la musique, qu’il soit raisonnable pour tous, aussi bien le musicien que le consommateur et surtout qu’il ne profite pas uniquement à une maison de disque ou au distributeur. De belles idées, mais je regrette que des solutions ne soient pas plus avancées, pourtant l’allocution touche à sa fin et me laisse quelque peu sur la mienne, de faim.

Sonic Visions 9 par Matthieu Henkinet

La prise de parole a un peu débordé sur le timing, ce qui ne me déplait pas, on m’annonce alors qu’un apéritif sponsorisé (et donc gratuit) est proposé, ce qui ne me déplait encore moins. J’aperçois un peu plus tard le début du coup de projecteur sur le groupe Say Yes Dog, mais je le quitte rapidement pour me rendre à la Rockhal avant le début des concerts. Ma rencontre avec le groupe attendra leur show du lendemain.

Dans mon prochain article je vous parlerai des concerts de ce 21 novembre, avant de  poursuivre le récit de mon week end de conférences…

Article et photos: Matthieu Henkinet

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