Vince Staples – Hell Can Wait

Vince Staples - Hell Can Wait

Note

Avec son premier EP Hell Can Wait, sorti le 7 octobre 2014, le rappeur Vince Staples confirme toutes les louanges à son sujet depuis quelques années. Retour sur un artiste qui préfère souffler sur les braises plutôt que de les éteindre.

Depuis ses premiers projets tels que les mixtapes Shyne Coldchain Vol. 1 et 2 et Stolen Youth, Staples n’empreinte pas la même voie que son aîné Kendrick Lamar sur Good Kid Maad City, succès de 2012. Plus froid, lancinant et direct, sa philosophie est liée à la violence de son quartier de Long Beach avec une fascination pour la criminalité. Né en 1993, l’ADN de la grande période du gangsta rap de Dr. Dre et autre Snoop Dogg coule dans ses veines et se sent dans sa musique. L’humour graveleux en moins. Car impossible de parler de cette année sans se souvenir des émeutes meurtrières de 1992. Evénements qui avaient vu la population noire de Los Angeles se soulever contre les forces de l’ordre pour causes de bavures et d’injustice judiciaire. Venu au jour quelques mois seulement après ces incidents, et âgé à présent de 21 ans, Vince fait partie d’une nouvelle génération. Celle qui témoigne que dans les ghettos américains, rien n’a changé. Racisme, drogue, violence seront son moteur, et pas question de s’en détourner.

Constitué de seulement sept titres, l’EP concentre en 23 minutes toute cette urgence et cette rage pour mieux les laisser exploser. L’écoute des morceaux se fait constamment sous pression laissant fureter un danger à n’importe quel coin de rue. Pourtant très aiguë, la voix de Vince Staples ne fait pas défaut à l’ensemble, au contraire. Elle exprime encore mieux cette froideur de ces jeunes devenus adultes trop tôt et cette accoutumance à la violence cachée sous forme de nonchalance. Comme lors de l’intro Fire où il rappe simplement le fait que peu importe qu’il ait quitté l’école ou que tout autour de lui s’effondre, il ira en enfer quoiqu’il arrive.

Un sort qu’il semble accepter sans sourciller et surtout sans se plaindre. Ce n’est pas le cuivre triste et mélancolique de 65 Hunnid ajouté aux violons qui diront le contraire. Screen Door le voit rapper encore plus doucement que d’habitude pour parler d’une journée ordinaire à la maison. Sauf que le père est accro, consomme de la drogue devant les yeux de ses enfants, et que la police attend dehors avec un mandat de perquisition.

N’avoir aucun moment de répit, devoir être toujours vigilant et apprivoiser la mort, tel est le destin des jeunes afro-américains comme le rappeur le décrit. Hands Up le voit parler des derniers événements polémiques de l’actualité liés aux meurtres de noirs par une police toujours critiquée. Avec ces alarmes et des basses bien grasses, la production de No ID plonge l’auditeur en pleine guerilla où il est impossible de faire un pas sans marcher sur des douilles ou des seringues usagées. Ce côté politique tout en étant attaché à l’imagerie des gangs lui vaut d’ailleurs de plus en plus la comparaison avec l’autre rappeur de la Californie Ice Cube, présent 20 ans auparavant.

La violence ne vampirise pas totalement la pensée du rappeur et il réussit à relativiser sur sa condition et son passé maintenant qu’il connaît le succès. Même si les démons planent toujours, comme dans le single Blue Suede et ce son de drone inquiétant, où il explique qu’il était prêt à tout, seulement pour des pairs de Jordan. Limos avec la chanteuse Teyana Taylor au refrain, essaye de faire la différence entre femmes croqueuses de diamants et amour sincère. Tandis que Feelin the Love montre que quoi qu’il arrive, son premier choix restera son public et sa musique. Ces deux morceaux permettent d’ailleurs de souffler après le brasier créé par les précédents.

Proche au départ du collectif Odd Future et de son charismatique mais timbré leader Tyler, the Creator, pas étonnant que le style de Vince Staples mélange le glauque et les ambiances pesantes. Signé chez Def Jam, avec cet EP comme premier projet commercial et un talent indéniable, le Californien a tout en main pour devenir important. Pas seulement dans la musique, mais pour faire entendre la voix de milliers de jeunes noirs qui comme lui auparavant, ont connu la détresse des ghettos américains. Et rien que pour ça, l’enfer peut attendre.

Auteur : Nathan Roux

Notation - détail

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