Interview : Joe Satriani

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Après avoir commencé sa carrière en enseignant à quelques-uns des guitaristes de rock les plus connus des années 1980 et 1990 tels Kirk Hammet de Metallica et le virtuose Steve Vai, Joe Satriani est aujourd’hui respecté comme l’un des guitaristes de rock les plus remarquables sur le plan technique. « Satch », qui cite Jimi Hendrix parmi ses influences principales, s’est rapidement construit la réputation de guitariste de rock parmi les plus influents. Depuis la sortie de Surfing with the Alien en 1987, Joe a continuellement été élu meilleur guitariste dans les sondages parmi les lecteurs des plus importants magazines de gratte. Choisi par Mick Jagger pour la première tournée mondiale en solo de ce dernier, et par Deep Purple pour une tournée au Japon et en Europe, Joe a confirmé sa réputation de véritable Guitar Hero.

Il a publié son nouvel album de succès mondial Unstoppable Momentum sur Sony en mai 2013 et a débuté en même temps une nouvelle tournée mondiale. Au mois de juillet 2013, l’album avait atteint le top 40 des meilleurs albums de 2013 selon Guitar World ! Il fera un passage par la Rockhal le vendredi 20 juin 2014 pour présenter ce 14ème opus. En attendant il a gentiment accepté de se confier un peu à nous.

Bonjour et comment dois-je t’appeler ? Joe ? Satch ? Monsieur Satriani ?
(rires) Non, appelle-moi Joe, ça ira très bien !

Très bien. Joe, te souviens-tu de ta première rencontre avec la musique ?
J’ai des souvenirs très vagues que quand j’étais petit, on partait en vacances en famille. Dans la voiture on écoutait de la musique et on chantait tous très fort. (rires) Je suis le plus jeune d’une famille de sept enfants et quand j’étais petit, c’était un temps fort de la musique pop/rock à New York. Je me souviens aussi d’un été où j’étais à la campagne avec mes parents, j’ai été à mon premier concert des Rolling Stones avec eux. J’avais cinq ou six ans. Ma vie a totalement changé à partir du moment où j’ai entendu pour la première fois Satisfaction.

Tu as pris des cours de batterie avant de jouer de la guitare. Pourquoi avoir choisi la guitare finalement ?
J’ai commencé à 9 ans à jouer de la batterie, c’est vrai. J’ai dû prendre des cours jusqu’à l’âge de 12/13 ans. En fait je me suis rendu compte que j’étais arrivé à un niveau auquel je ne faisais plus de progrès. Même en répétant, je ne devenais pas meilleur, donc j’ai rapidement décidé d’arrêter de jouer. Dans les années 1960, mes sœurs plus âgées me faisaient écouter beaucoup de vinyles : il y avait les The Who, Led Zeppelin, Cream, Jimi Hendrix entre autres. C’est le jour où Jimi Hendrix est mort, que j’ai décidé de jouer de la guitare plus sérieusement. Ce jour-là a bouleversé ma vie.

Qu’admirais-tu et qu’admires-tu encore aujourd’hui chez lui ?
Je trouve qu’il avait une manière très naturelle de célébrer la joie et les mystères de la musique. Sa personnalité apparaissait dans ce qu’il jouait. A aucun moment tu ne l’entends forcer quoi que ce soit et c’est ce que je trouve phénoménal. Il jouait souvent des choses plus techniques mais il ne les avait jamais étudiées à la manière du solfège. Il entendait des éléments différents ici et là et ils les incluaient et les mélangeaient à sa musique pour donner un style unique, hendrixien. Il était libre de toute éducation méthodique. Il a donné à la musique cette qualité humaine, que je respecte.

Si on te donnait la possibilité de le rencontrer aujourd’hui, que lui dirais-tu ?
Je pense que je ne lui dirais pas grand-chose. A mon avis, je serais trop occupé à l’écouter jouer ! Oui, voilà, j’essayerais de garder ma bouche fermée et on jouerait ensemble. Ce serait l’idéal !

Laissons de côté Jimi pour le moment et revenons à tes jeunes années. Tu as d’abord commencé par enseigner la guitare, c’est bien exact ?
Oui, j’ai dû commencer en 1988. C’était un travail très dur. J’étais dans une salle avec des élèves d’âge très différents pendant 50 heures par semaines. Quand j’ai pu arrêter d’enseigner, je me suis vraiment senti libéré.

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Tu enseignais donc pour gagner ta croûte en somme ?
Quand tu es musicien, tu es obligé d’avoir un job régulier pour subvenir à tes besoins. J’étais content de pouvoir combiner ma guitare à mon travail de tous les jours. Je n’ai jamais dû faire la plonge, ni servir dans les restaurants ou être garde de nuit, heureusement. Les soirs je répétais avec mon groupe et je pouvais grâce à ce boulot décaler mon emploi du temps de la journée comme cela m’arrangeait le plus. Et puis le fait d’enseigner me faisait répéter aussi. J’avais ma guitare tout le temps sur moi.

Tu as eu pas mal d’élèves qui sont devenus célèbres comme Kirk Hammet ou Steve Vai par exemple. Peux-tu nous raconter comment ils étaient ?
Comme je le disais tout à l’heure mes élèves étaient de catégories d’âge très différentes. J’avais des enfants, des adolescents et des adultes dans mes classes. Pour ceux qui sont devenus célèbres par la suite, je me souviens qu’ils avaient tous un point commun : ils avaient la niaque. C’était pour la plupart des ados, mais ils avaient tous envie d’en faire leur métier. Cela se voyait dans la manière dont ils se comportaient. C’étaient, à l’époque déjà, des joueurs de guitare exceptionnels et ils avaient tous des capacités physiques favorables à la guitare, mais le plus important est qu’ils avaient tous une vision. Ils venaient donc consciemment à mes cours pour que je leur gueule dessus (rires).

Tu es en tournée mondiale avec ton dernier album appelé Unstoppable Momentum. Est-ce toi le « Unstoppable Momentum » ?
Ce n’est pas vraiment moi, mais c’est une partie de moi, oui. C’est une chose à l’intérieur de moi. Si je devais le décrire, c’est le sentiment que j’ai depuis que je joue de la musique. Cela correspond à mon désir d’explorer la sphère musicale. C’est ma force intérieure qui me pousse tous les jours à aller explorer la musique à des endroits très divers. En fait j’ai réalisé cela au moment où j’étais en train de terminer cet album. J’ai compris que cette envie ou ce désir était de plus en plus fort au fil des années. Je pensais vraiment que cela s’estomperait avec le temps, mais c’est tout le contraire qui s’est produit.

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J’imagine que tu as encore beaucoup de projets en vue alors ?
Je travaille sur un album avec Sammy Hagar (ex-Van Halen, ndlr) en ce moment ensuite je pense que je vais travailler sur mon prochain album solo pour le début d’année prochaine. J’aimerais aussi sortir un art book, mais je me tâte encore.

Est-ce que la notion de « Guitar Hero » a un sens pour toi ?
Oui, elle a un sens pour moi en tant que fan, oui. Je suis fan de Coltrane, de Davies et de Hendrix par exemple. Ce sont de vrais héros en tant que musiciens et j’ai une très haute estime pour eux. Je les mets sur un piédestal. Mais si tu penses à moi en tant que « Guitar Hero » alors objectivement cette notion n’a pas vraiment de sens. Elle ne représente rien pour moi. Ce n’est pas une fin en soi en tout cas.

Peut-on parler de l’histoire de plagiat entre toi et Coldplay sur l’album Viva la Vida ?
Oui, on peut en parler, mais je ne te dirai que « no comment ».

Bon… parlons des Grammys alors. Tu as été nommé une dizaine de fois, mais tu n’as jamais gagné. Cela te dérange ?
Non, pas vraiment. C’est déjà très très dur d’être nominé. Il y a une telle masse de musique produite tous les ans, que j’ai toujours trouvé cela surprenant qu’ils me choisissent. Ils m’ont choisi une quinzaine de fois, je trouve cela plutôt cool. Je sais aussi que je me suis retrouvé dans les 5 ou 6 plus hauts dans le classement final. Je suis conscient du fait que la catégorie de musique très restreinte que je fais, du rock instrumental, n’est pas pourvue d’un public très large. En plus je sais qu’ils ont supprimé la catégorie des Grammys dans laquelle je figurais donc je ne peux plus perdre maintenant (rires).

Chez Karma nous avons une question rituelle : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones? Et pourquoi ?
J’ai toujours détesté cette question ! Je ne comprends pas comment on peut zapper l’un ou l’autre. Ils sont tellement différents ! C’est comme comparer les Black Sabbath avec les Deep Purple : ça n’a rien à voir ! Je les aime vraiment tous les deux. Il m’est impossible de choisir. Ils ont tous les deux créé la bande originale de ma vie. Je n’ai jamais considéré l’un étant meilleur que l’autre. Je n’ai compris que très tard que la musique était une forme de compétition. Il y a des charts, des classements, des billboards. Je n’aime pas cette réalité… je veux rester dans mon utopie et pouvoir conserver les deux.

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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