Interview : Emilie Simon

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A quelques heures de sa première aux Folies Bergère le lundi 3 novembre 2014, Emilie Simon nous a accordé un peu de son temps pour parler de son nouvel album et de ses aventures musicales.

Votre nouvel album, Mue est aussi pour vous le moyen de « passer à autre chose » comme vous l’avez déclaré en interview. Qu’est-ce que vous voyez quand vous vous retournez sur la vie d’Emilie Simon ?
Je vois beaucoup de chapitres et d’aventures différentes. Je suis très contente, en fait. Je me rends compte que j’ai beaucoup voyagé, j’ai ramené beaucoup de sons et d’envies de ces voyages. Je suis allée explorer d’autres pays et j’aime mes albums. Quand je les réécoute, j’ai beaucoup de tendresse pour eux. Chaque époque était importante et décisive et m’a apporté quelque chose dont j’avais besoin.

On peut discerner une approche très expérimentale et empirique dans votre création. C’est votre manière de procéder au quotidien ?
Oui, c’est ma nature qui est comme ça. En fonction des albums, j’ai aussi testé d’autres façons de travailler. Parfois, j’aime vraiment revenir à quelque chose de très acoustique, repartir sur une logique piano/voix, guitare/voix. Cela influence toujours la façon de composer, mais c’est vrai que c’est ma façon d’écrire en général, très empirique.

Justement, pour vos compositions, vous partez avant tout d’un concept ou est-ce une improvisation, une mélodie qui amène une chanson ?
Ca dépend, c’est un tout. Une chanson peut naître d’une mélodie, mais c’est une pièce du puzzle. Tant qu’on n’a pas trouvé la bonne production, le bon texte, la bonne tonalité, le bon BPM, tout est extrêmement lié. On ne peut isoler les choses à ce point. On ne peut pas faire abstraction de certains paramètres. Le morceau peut exister et être beau à partir du moment où il y a un équilibre entre tous ces paramètres-là.

Peut-on voir dans Mue une continuité de votre vision romantique distillée avec la reprise de La vie en rose d’Edith Piaf ?
Oh non, je ne pense pas. Je n’ai pas du tout fait le rapprochement. Et puis, la chanson La vie en rose date de mon premier album. Mais bon, pourquoi pas (rires). Il y a un petit côté parisien là-dedans aussi.

Paris, justement. Vous décrivez dans cet album la ville comme le Paris « poétique et romantique ». Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je montre un mélange entre une ville que je connais, que j’expérimente tous les jours en y habitant et aussi en même temps, je voulais aller puiser dans un inconscient collectif de l’image de Paris. Un Paris qu’on n’a vraisemblablement pas connu, ou qu’on ne connait qu’au travers d’images, de peintures, de poèmes et qui est bien plus ancré dans la fin du XIXe siècle, durant l’époque romantique. Cela permet une projection idéalisée de cette ville. Un espèce de mélange entre quelque chose d’actuel que je connais, qui est contemporain et quelque chose qui est complètement imaginaire.

Jouer aux Folies Bergère faisait-il partie de ce projet ?
Ca colle bien avec l’idée de Mue et l’esprit de l’album, ce côté « dorures, velours ». Les Folies Bergère, ca fait vraiment partie de cette esthétique là. Le premier concert qu’on ait fait, ou un des premiers, on jouait au Théâtre Edouard VII. Il y avait aussi ce côté à l’ancienne, les sièges en velours, une certaine beauté… Les Folies Bergère c’est encore autre chose ! Je m’y sens bien. C’est une salle à taille humaine, c’est chaleureux !

Et Montpellier, votre ville natale ?
J’y vais souvent, très souvent. Ca reste ma ville de cœur où je retourne régulièrement, respirer l’air de la mer, revoir ma famille.

Vous n’avez jamais eu envie de composer pour cette ville, à l’image de votre titre Paris j’ai pris perpète ?
Non. Mais même Paris, je ne me suis jamais dit « je vais composer pour Paris ». A un moment, des paroles arrivent, on saisit cette idée et on la développe. Je n’avais jamais pensé que je pouvais écrire une chanson pour Paris. Ce n’était pas une volonté. Mais on n’est pas à l’abri que j’écrive une chanson pour Montpellier (rires).

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Vous êtes toujours copine avec les pingouins ?
(rires). Ah toujours, oui ! Quelle belle expérience La marche de l’empereur (film réalisé par Luc Jacquet en 2004 pour lequel Emilie Simon a composé la bande son). C’est un projet qui était tellement incroyable. Y compris musicalement, notamment dans ce que j’ai pu apprendre. C’était mon premier film, c’était génial.

Comment différenciez-vous le travail entre album et musique de film en dehors du rapport à l’image ?
On est guidé lorsqu’on écrit de la musique de films. Il y a les images qui nous donnent des indications et qui sont notre cadre. Et puis, il faut prendre en compte tout le dialogue avec le réalisateur, ses envies, être à l’écoute. Ca n’a rien à voir. On fait partie d’un équipage. Quand je fais un album, je suis le capitaine, je choisi le cap, je tiens la barre, je constitue mes équipes. C’est plus personnel, dans le sens où c’est une aventure intérieure. Le film aussi quelque part, mais il y a plus ce sentiment d’être en équipe, ça me plait. Dans un album, on passe énormément de temps seul. La solitude fait partie du processus créatif, j’adore, mais avoir l’occasion d’écrire de la musique en discutant, en échangeant des idées et en voyant en direct si ça marche face aux images, c’est parfois magique. On voit à quel moment c’est juste et ça vient apporter quelque chose de supplémentaire aux images.

Vous avez également ressenti cela en créant et réalisant le clip de Menteur ?
Oh oui, c’était génial ! J’ai adoré faire ça. Ecrire l’histoire, faire la recherche de personnages, le casting, repérer les lieux, travailler avec toute cette équipe… ça c’est fait très vite, à Los Angeles, c’était magique. Au départ, je ne pensais pas forcément avoir le temps de faire le clip là-bas. Ca c’est enchainé de manière très fluide, on a tout tourné en une journée, avec les acteurs que je voulais, c’était super !

C’est une zone de confort, pour votre métier, de jouer en France vis-à-vis des Etats-Unis où vous avez vécu ?
En ayant tourné dans le monde entier, je sais qu’ici on a de magnifiques salles, par exemple à la Sirène à La Rochelle. Ce sont des belles salles où on a tout ce dont on a besoin au niveau du matériel, des équipes, c’est beau à voir. On voit des gens extrêmement compétents. Ce n’est pas forcément pareil à l’international. C’est parfois très très roots. Mais après, on s’adapte. Chaque pays nous permet de trouver des solutions. C’est ce qui est chouette dans la musique, à la fin il y a toujours un concert qui a lieu (sourire). Même quand c’est roots, c’est super ! Mais oui, la France est géniale pour ces métiers qui ont la possibilité de se développer.

La France, c’est aussi les études de musicologie que vous avez pu effectuer à la Sorbonne et vos formations à l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique).
A l’IRCAM, j’ai appris quelques techniques et technologies sur lesquelles j’ai craqué et qui m’ont ouverts les oreilles. Pour moi, c’est important, c’est le début de tout. Avoir eu l’opportunité de comprendre, de m’intéresser au son dans son spectre, sa matière, c’est quelque chose qui a tout changé à ma composition et ma façon de percevoir la mélodie. On est passé de deux à trois dimensions avec les études et l’IRCAM.

Revenons sur votre expérience à Rock en Seine avec l’orchestre d’Ile-de-France. Comment s’est monté le projet et que vous reste-t-il après coup de cette expérience ?
Ca c’est très bien passé, j’avais un bel orchestre, des instrumentistes fabuleux, en sachant que nous avons eu une seule journée de répétition. Ca a été déchiffré comme ça. Bruno Fontaine, le chef d’orchestre, qui est aussi arrangeur, a pris mes arrangements, les a adapté pour l’orchestre . Il a aussi rajouté des idées supplémentaires et réalisé au final un travail fabuleux. Quand on s’est retrouvé en répétition avec eux, qu’on a entendu les cordes de Paris j’ai pris perpete ou de Perdu dans tes bras, mais en live, avec un véritable orchestre, c’était vraiment très impressionnant. Il y avait une telle profondeur, c’était beau, notamment les cordes, qui ont une profondeur unique durant un concert !

Notre question rituelle : Plutôt Beatles ou Rolling Stones et pourquoi ?
Je préfère les Beatles, parce que j’ai grandi en écoutant les Beatles, tout simplement. S’il y avait eu les Rolling Stones dans la maison, j’aurais peut-être eu un autre avis aujourd’hui. Mais j’ai aussi une autre réponse à ça : la diversité. Les Beatles, j’ai des souvenirs de l’album blanc, où au sein du même album, on a vraiment un voyage. C’est extrêmement créatif, ça fourmille d’idées. J’aime les chansons courtes, le côté ludique qu’on ressent à l’écoute des morceaux des Beatles. On peut passer de quelque chose de très doux, plutôt profond et touchant à quelque chose de léger.  Dans l’approche musicale, la recherche et la production, c’était quand même bien en avance. Ils ont ouvert énormément de portes, d’expérimentations en studio.

Photos et propos recueillis par : Ugo Schimizzi

Emilie Simon sera en concert à La Laiterie le 14 novembre 2014

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