Festival Passages : Enesco, Les Tsiganes, avenir de l’Europe

Perchés sur la scène de l’Opéra-Théâtre de Metz, le violoniste Ami Flammer et l’accordéoniste Christine Laforêt nous sourient. Pas de mise en scène de folie cette fois, rien que deux musiciens et leurs instruments. Et des histoires. Car surprise, le spectacle est annoncé en deux parties. De la musique yiddish traditionnelle au violon et à l’accordéon, puis ensuite le spectacle-titre, Enesco, les Tsiganes, sonate n°3 interprétée par notre violoniste et Jean-Claude Pennetier au piano. De la musique yiddish, nous dit-on ? Est-ce qu’on ne dit pas qu’il y a toujours une histoire derrière ces chansons-là ?

Et il y a effectivement toujours une anecdote ou un conte. Du petit oiseau dont la mère craignait qu’il n’attrape un rhume, et l’habille de tant de vêtements qu’il ne peut plus voler, au pickpocket au grand cœur sur la tombe duquel on a gravé « ci-gît le plus gentil des pickpockets »… Toute chanson yiddish a voyagé, a une histoire. On nous raconte aussi qu’une femme de Vilnius était bien étonnée de découvrir que le violoniste connaissait une chanson partisane née dans sa ville, elle qui pensait qu’elle n’avait jamais été entendue ailleurs qu’ici. Et pourtant, même le public la reconnait vite. « On connaît tous un peu plus de yiddish qu’on ne croit ! ». Des notes sonnent tsiganes, d’autres nous rappellent l’Europe proche de la Russie, quelquefois le Moyen-Orient. Ami Flammer nous raconte, avec des sourires complices et des petites blagues dans la plus pure tradition de l’humour juif. Nous sommes à l’opéra, mais on se croirait dans une cuisine, à écouter les anecdotes de fin de repas, quand l’ambiance est devenue chaleureuse et détendue. La musique est pleine d’émotions. Christine Laforêt joue d’un accordéon plein de tensions subtiles, fond dramatique ou touches mélodiques joyeuses, et le violon d’Ami Flammer fuit les considérations académiques pour retrouver des techniques bien plus originales, et toujours maîtrisées.


On retiendra paradoxalement la première partie du concert davantage que la seconde, qui titrait pourtant le spectacle. La troisième sonate d’Enesco évoque avec brio l’exil permanent et dansant des tsiganes, mais cette fois c’est au public d’imaginer lui-même histoires et anecdotes au fil de la musique. La sonate a néanmoins été très appréciée et chaleureusement applaudie. Un voyage comme on les aime !

 Article : Marine Pellarin

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