Interview : Underworld

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Suite à une demande de tickets sans précédent pour le concert à l’occasion du 20ème anniversaire de leur album Dubnobasswithmyheadman à l’emblématique Royal Festival Hall de Londres, le groupe britannique Underworld a décidé d’ajouter une série de dates supplémentaires. Ces performances uniques et intimes auront lieu tout au long du mois de mars 2015 au Royaume-Uni et aussi à travers l’Europe. Chaque soir, Rick Smith et Karl Hyde, alias Underworld, présenteront cet ouvrage de référence classique dans son intégralité. Dubnobasswithmyheadman a été salué comme leur œuvre la plus aboutie et celle qui a eu le plus d’influence en 1994. Les Underworld ont quant à eux connu la gloire, notamment suite à l’utilisation de différents de leurs morceaux dans les bandes sons de film, un exemple étant le film Trainspotting avec le titre Born Slippy.

Venez les découvrir sur la scène de l’Atelier à Luxembourg le lundi 23 mars 2015. Karl Hyde nous a parlé un mercredi matin très tôt, entre deux chapitres de son autobiographie.

Bonjour Karl ! Vous allez bientôt partir en tournée pour les 20 ans de la sortie de votre album mythique Dubnobasswithmyheadman. Êtes-vous déjà prêts ?
Bonjour Nathalie ! Euh, non. On n’est pas prêt et je pense qu’on ne l’est jamais vraiment, en fait. Mais il nous reste un peu de temps et on connait bien les morceaux, donc ça devrait bien se passer. On a déjà répété pour le premier show de Londres et la complicité entre Rick et moi est toujours au rendez-vous.

Revenons un peu en arrière, si tu veux bien. Votre carrière a débuté dans les années 1980 et ton collègue Rick parle souvent de cette époque, dans les interviews que j’ai lues, un peu comme un vétéran parlerait de la guerre. Comment vois-tu cette époque, notamment quand vous étiez en tournée avec Eurythmics ?
C’est marrant parce que je suis en train d’écrire mon autobiographie depuis quelques mois et hier soir j’ai écrit tout un chapitre qui parle de cette époque. Pour moi, la tournée avec Eurythmics marque la fin d’une époque avec Underworld. Nous avions rencontré Conny Plank, le producteur d’Eurythmics mais aussi des Scorpions ou de Nina Hagen, en Allemagne dans les années 1980 et il a adoré ce qu’on faisait, ce qui a fait qu’on a été invité à faire leur première partie dans leur tournée mondiale. On s’est retrouvé du jour au lendemain à faire de très grands stades aux États-Unis. On avait l’impression que nos rêves étaient en train de se réaliser. Après deux concerts, on s’est vite rendu compte que ce n’était pas ce qu’on voulait. Bizarrement on a toujours fonctionné comme ça. Rien ne devait être simple. Ce n’était pas de la faute d’Eurythmics, le groupe était vraiment adorable et on ne leur reproche rien. On avait l’impression qu’on devenait un de ces groupes commerciaux qui passaient à la radio. Ce n’était tout simplement pas nous. Ce n’était pas ce que nous voulions être.

Que s’est-il passé après cette tournée ?
Moi j’ai décidé de rester aux États-Unis et de vivre à Los Angeles. Rick est reparti au Royaume-Uni. A la fin de la tournée, nous n’avions plus rien : plus d’argent, plus de tournée, plus de management, plus de contrat avec une maison de disque. C’était un brusque retour à la réalité. Nous devions travailler pour payer nos dettes accumulées. Nous vivotions comme ça chacun de notre côté.

Pour Rick, j’ai lu que sa femme Tracy a eu une grande influence sur le fait qu’il n’ait pas arrêté de faire de la musique à ce moment-là. Qu’est-ce qui t’a aidé, toi ?
Pour lui, je ne sais pas vraiment. Rick a toujours eu une volonté de fer. Il a toujours été celui, de nous deux, qui avait LA vision ! Il savait exactement quel type de musique il voulait faire. Il voulait garder le contrôle à tout moment. C’est sûrement cela qui m’a inspiré et qui m’a permis de ne jamais abandonner.

Vous êtes très différents toi et Rick. Qu’est-ce qui a fait que vous avez toujours voulu faire de la musique ensemble et que vous n’avez jamais eu envie de vous séparer ?
Effectivement, on ne s’est jamais vraiment séparé. Je pense que le seul secret, c’est de ne jamais vouloir laisser tomber. C’est un peu comme dans un mariage, il faut des fois savoir mettre sa fierté de côté et essayer de trouver des solutions et des compromis. Sans ça, aucune relation ne fonctionne, que cela soit en amour ou en amitié. En plus, on s’est rapidement rendu compte qu’on faisait de la meilleure musique ensemble que séparément. Ça aide (rires) !

C’est cette envie de vouloir faire de la bonne musique ensemble qui est votre secret de longévité ?
Absolument. On est amis depuis 35 ans. On a souvent failli se séparer définitivement, mais je pense que nous avons un lien indéfectible et on a des points communs, même si on est très différents, c’est vrai. L’un de ces points communs est qu’on est tous les deux très têtus. Et on n’aime pas se quitter sur un échec.

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Dans votre prochaine tournée, vous allez rejouer votre album mythique Dubnobasswithmyheadman. Vous venez aussi de sortir un coffret avec pas mal de versions remasterisées et autres chutes. Comment c’était de se replonger dans tout cet ancien travail ?
Tu sais, je n’aime pas vraiment revivre le passé. L’idée-même de regarder dans le rétroviseur de la vie est très douloureuse à mes yeux. J’y suis donc allé à reculons, mais finalement, j’ai trouvé cette expérience très enrichissante. Ça m’a permis de voir l’évolution de ma façon de chanter à travers les années. Je chantais nettement différemment il y a 20 ans qu’aujourd’hui. Les inflexions, les attitudes et les influences des personnes autour de nous à différents moments de notre carrière s’entendent dans ma façon de chanter, c’est assez incroyable. Finalement j’ai passé un vrai bon moment à réécouter tout ce matériel et à faire une sélection. Quand on était dans le feu de l’action, c’est-à-dire quand on était en train d’enregistrer nos titres, on ne se rendait pas compte de tout ce qui influait dans notre musique. Là, comme on a plus le temps de faire une analyse complète, on voit cette richesse.

Tu dis ne pas aimer regarder en arrière. Ce n’est pas ce que tu es en train de faire en écrivant ton autobiographie ?
Touché ! (ndlr : en français lors de l’interview) Bien vu. Je passe des jours et des jours à écrire sur mon ordinateur portable et je contemple toutes mes erreurs commises dans le passé, tous ces rêves brisés, toutes ces relations inachevées et je pense que ça m’aide dans ma vie d’aujourd’hui. J’aimerais tellement purifier ce passé par l’écrit. Je pense que le but premier de cette tâche est de démontrer que malgré une majorité de catastrophes ou des désastres divers et variés, on peut arriver à faire quelque chose de bien. Il faut toujours garder la foi en toute circonstance. C’est sûrement une forme de thérapie.

Vous partez donc en tournée en mars 2015 et la plupart de vos dates affichent déjà complet. Es-tu surpris par ce succès ?
On a été très excité et choqué par la demande de tickets. Il y a des personnes qui ont pris des tickets six mois à l’avance, c’est vraiment incroyable. Je sais aujourd’hui que ce disque a touché beaucoup de personnes. Il a, d’une certaine façon, créé un pont entre différents genres de musique. C’est mon album préféré et je trouve que c’est notre œuvre la plus complète. Le rejouer va être une expérience magique, car il est très varié et les titres demandent une vraie exactitude et une exigence de tous les instants. Il représente le moment où on a arrêté de vouloir être dans les charts et où on a fait de la musique qui était en totale symbiose avec nous-mêmes.

Est-ce que vous êtes en train de composer un nouvel album en ce moment ?
Oui, on a commencé l’année dernière. On essaie de se retrouver deux fois par semaine. C’est bizarre de se retrouver dans un studio après tout ce temps. Nous nous efforcions chacun de notre côté de nous retrouver en tant qu’être humain et on avait oublié à quel point on aimait composer ensemble. En quelques minutes, la distance des années a disparu entre Rick et moi, c’est vraiment fabuleux.

Connais-tu le Luxembourg ?
Alors, oui je connais le Luxembourg ! Le Luxembourg a toujours eu une très grande importance dans ma vie et je ne plaisante pas. Je pense ici notamment à RTL. Je me souviens avoir écouté RTL dans la voiture de mon père. Des fois le signal était bon et on entendait à peu près bien et les autres jours on distinguait à peine de quelle chanson il s’agissait. Dans les années 1960, RTL était la seule station de radio qui passait des musiques stimulantes et différentes. Je suis sûr aujourd’hui que cette station a eu une grande influence sur la manière dont j’ai fait de la musique. J’aimais ce son chaud, le fait qu’on avait l’impression que les chansons étaient d’abord passées par des filtres et que le son ne soit clair et net. Ma musique a toujours été comme ça : parfois en retrait, parfois plus claire, un peu par vagues. En fait RTL faisait déjà de la musique d’avant-garde et ne s’en rendait même pas compte. La première fois que j’ai entendu Riders on the storm des Doors, c’était sur RTL Luxembourg. Quand j’ai entendu la première fois la version vinyle de ce morceau, sans le brouhaha radio ambiant, je l’ai trouvé nettement moins bon.

Tu devrais venir visiter les locaux ! Je suis sûre qu’ils seraient ravis.
J’y penserai quand je serai au Luxembourg. Merci de m’avoir fait penser à cela.

Une dernière question avant de terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Je choisis les Rolling Beatles. Je ne peux pas choisir. C’est comme choisir entre les deux côtés d’une même pièce de monnaie. Les uns sont darks et sales et les autres dégagent une vibe très positive. Je choisis donc les deux.

 

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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