Interview : Steven Wilson

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Steven Wilson, quadruple nominé au Grammys, multi-instrumentiste, producteur talentueux et l’un des artistes les plus productifs dans le monde de la musique, a annoncé qu’il se lancera dans une tournée européenne, avec une escale à la Rockhal le 21 mars 2015. La tournée coïncide avec la publication de son album solo très attendu HAND. CANNOT. ERASE. qui doit sortir dans les bacs en mars 2015. Actuellement, il se concentre sur sa carrière en solo, mais il est plus connu comme fondateur, guitariste, chanteur et compositeur du groupe Porcupine Tree, mais aussi en tant que membre d’autres groupes et pour ses collaborations avec des artistes tels que Opeth, King Crimson, Pendulum, Jethro Tull, XTC, Yes, ou encore Anathema. Rencontre avec un artiste hors norme et plutôt bavard.

Bonjour Steven ! Je sais que tu faisais partie d’un groupe de rock progressif dans ta jeunesse qui s’appelait comme notre magazine « Karma ». Si je te donnais l’occasion d’aller parler au jeune Steven de l’époque, que lui dirais-tu ?
Bonjour Nathalie ! Waouh ! J’adore cette question. En fait, je pense que ce serait trop facile de regarder en arrière et de donner tel ou tel conseil au jeune moi-même. Quand j’ai commencé à jouer du rock progressif, à l’époque, il y avait encore un chemin tout tracé pour les grandes stars du rock. Il fallait attirer l’attention, signer un contrat avec une grande maison de disque et ensuite tu partais en tournée et ta carrière était quasiment lancée. Il y avait encore ce phénomène des grands groupes de rock à la démesure aussi grande que leur égo. L’industrie de la musique a commencé à changer et est devenue beaucoup plus frileuse, même si je faisais un style de musique qui a été à la mode pendant un très long moment. Les labels ne voulaient plus investir autant d’argent sur les artistes en général. Je pense que si à l’époque du début de ma carrière j’avais su tout ça, j’aurais rapidement été découragé et désabusé. Je pense qu’il vaut donc mieux laisser l’ancien moi dans l’ignorance la plus totale (rires) !

Ton ancien album The Raven That Refused To Sing (and other stories) était déjà un album-concept avec une histoire. Pour ce nouvel album HAND. CANNOT. ERASE., tu as aussi voulu raconter une histoire, n’est-ce pas ?
Oui, si je devais décrire l’album en une phrase ce serait : « Une jeune femme arrive dans une grande ville où elle parait heureuse et finit par disparaître sans laisser de traces. » J’ai sur cet album un regard sur le 21ème siècle, sur les métropoles comme Londres ou Paris, sur la confusion, l’isolation et l’aliénation de ses populations. J’ai voulu parler d’internet et des réseaux sociaux, du fait qu’on a jamais été autant connectés et pourtant on ne connait même plus ses voisins. C’est en partie autobiographique, comme tous mes albums, mais je voulais parler de ce monde moderne en particulier.

Cette histoire de jeune femme qui disparait t’a été inspirée par un fait réel, c’est bien exact ?
Oui, j’ai vu un documentaire concernant Joyce Carol Vincent à la télévision et j’ai été estomaqué par cette histoire, car cette femme n’était pas une vieille dame qui vivait seule avec ses chats. Non. C’était une jolie jeune femme qui avait des amis et de la famille. Lorsqu’elle a disparu j’ai eu du mal à comprendre comment elle n’a pu manquer à personne pendant plus de deux ans. Elle a été retrouvée morte plus de deux ans après avoir disparue de la surface du globe. Elle est décédée comme ça : seule et sans raison apparente. C’est pour ça que j’ai choisi de parler d’elle à la première personne. Je suis donc une femme sur cet album.

Est-ce que cette histoire t’a renvoyé à tes propres peurs les plus profondes : peur de la mort ? Peur de la solitude ?
Je pense que cette histoire nous touche tous au plus profond de nous-mêmes en tant qu’êtres humains, comme nous sommes les seuls animaux à être conscients du fait que nous allons tous mourir un jour. Je pense que ceci m’a fait comprendre que nous n’avons tous qu’un temps limité sur terre et qu’il était de notre devoir d’y donner un certain sens. Il faut que chacun trouve un sens à sa propre existence et cette épée de Damoclès s’approche de plus en plus au fur et à mesure que l’on vieillit. C’est le boulet que nous trainons tous derrière nous. Je ne suis pas obsédé par le temps qui passe, et heureusement, mais je connais l’issue. Je ne crois pas en Dieu, donc pour moi, la vie se limite à ce qui se passe sur Terre et non ailleurs.

La couverture de l'album « HAND. CANNOT. ERASE. »

La couverture de l’album « HAND. CANNOT. ERASE. »

Est-ce que le titre de ton album HAND. CANNOT. ERASE. est lié à la fin de l’existence ?
Tu sais, je n’ai pas très envie de donner des explications sur le titre de l’album. J’ai dû donner un titre et j’ai fini par en donner un. Par contre je vais te donner un indice : le mot le plus important est le mot « Erase » et, au vu de ta question, je pense que tu l’avais déjà remarqué. L’album parle de beaucoup de choses : de la mort oui, du fait de disparaître, mais aussi du fait de s’imaginer une nouvelle vie ailleurs. J’aime que ce titre soit ambigu et j’aimerais bien qu’il le reste.

Si tu compares la musique de ce nouvel album avec celle de Raven, quels changements as-tu voulu y apporter ?
Chaque album a sa propre personnalité. L’album Raven était pour moi une histoire de fantômes classique, un peu comme dans l’ère victorienne du 19ème et 20ème siècle. La musique reflétait cet état d’esprit, donc elle est très classique, voir même un peu vieux-jeu. Comme ici je parle du 21ème siècle, la musique reprend un peu d’électronique, de la pop, de l’industriel. Dans ce nouvel opus, je passe par les phases de la vie de cette jeune femme, donc il y a beaucoup plus de variations de sentiments. Ici, on ressent de la joie ou de la peine, alors que sur Raven, c’était plus constant, plus consistant aussi.

Tu as dans ton groupe un grand nombre de musiciens de renom. Comment travailles-tu avec eux ? Que leur apportes-tu ?
J’ai commencé à faire de la musique par mes propres moyens et j’ai appris beaucoup de choses en autodidacte. Je joue donc un peu de batterie, de synthé, de basse, de guitare. Aujourd’hui, lorsque j’ai une idée de chanson, j’enregistre une démo assez précise de ce que mes musiciens doivent jouer sur tel ou tel morceau. On peut donc dire que je suis carrément attaché à ce que je veux produire. Ça ne me dérange pas. En même temps, comme je sais que mes musiciens sont incroyables, je leur demande aussi de me surprendre et de me faire des propositions. Donc je leur dis : « j’aimerais que tu joues ça… » et eux me disent « et si on faisait plutôt ça… ». Quand l’idée est bonne, je dis oui, bien entendu.

Enfin notre question rituelle : si tu devais choisir entre les Beatles ou les Rolling Stones, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Argh ! J’aime les deux ! Si je devais vraiment choisir, je prendrais les Beatles pour leurs innovations lors de leurs productions. Je ne suis pas un très bon musicien, mais je pense être un bon producteur et je sais ce que c’est que de s’enfermer dans un studio et de rechercher le son idéal. Je ressens donc beaucoup plus d’affinités pour les Beatles.

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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