Interview : Skip The Use

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Après 80 000 copies écoulées de son premier album, après une tournée marathon sold-out, après le succès populaire, franc, imprévisible, indéniable, au cœur d’une année 2013 rythmée par les plans sociaux, les crises de haine, la dépression globalisée, le groupe nordiste Skip The Use signe son retour avec un nouvel album Little Armageddon sortie le 24 février 2014. En studio, le groupe s’est entouré du producteur français Dimitri Tikovoï, très connu pour son travail avec des groupes comme Placebo, The Horros, Goldfrapp, Sissor Sisters et d’Adrian Bushby (Muse, Foo Fighters, Jamiroquai) mixeur aux multiples Grammy Awards.

On ne ressort jamais indemne d’un concert de Skip The Use ! Venez vivre l’expérience le 27 novembre 2014 à la Rockhal ! Véritable bête de scène, la fougue du leader Mat Bastard est contagieuse et leurs chansons appellent à l’ouverture d’esprit. Il est un peu plus posé dans les interviews mais toujours fidèle à ses opinions. En voici la preuve.

Bonjour Mat Bastard ! Peux-tu nous expliquer le choix du titre de votre dernier album Little Armageddon ?
Bonjour Nathalie ! C’est un oxymore qui nous a plu et c’est l’état que nous décrivons dans notre album et l’état dans lequel est la France selon nous. Nous voulions emmener les gens à des endroits où on ne nous attendait pas.

Vous vouliez un peu brouiller les pistes ?
Pas forcément. Nous parlons de sujets qui sont très actuels. Nos chansons sont toujours des instantanés. Elles parlent de l’instant de la vie d’aujourd’hui.

On peut parler de la couverture ? Elle représente quoi exactement pour vous ?
Nous sommes un groupe de rock avant tout. Nous avions envie d’utiliser la symbolique de l’oiseau. Nous avons choisi un oiseau et son envol, car nous sommes très souvent en tournée, donc tout le temps sur la route. Cet oiseau c’est un peu nous en somme.

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Vous chantez en anglais la plupart du temps, mais il y a un titre en français sur cet album qui s’appelle Etre Heureux. Pourquoi ?
Cette chanson parle de problèmes franco-français. Du coup, on a eu envie de la faire dans cette langue. En France, on est frappé par plusieurs vagues d’extrémismes de pensée. On voit la montée des extrêmes. Les gens sont jugés par rapport à leur couleur de peau ou leur religion. Pour nous, c’est vraiment un problème à la base. On constate de plus en plus que les personnes se raccrochent à tout et à n’importe quoi. Cette chanson parle de tout ça.

Donc politicien ce n’est pas une reconversion envisageable pour ta retraite ?
Alors là, pas du tout (rires) ! Comme je dis toujours : chacun son job ! Je ne conçois pas le concept-même de « politicien professionnel ». Tant que nos politiciens n’auront pas d’autres vrais métiers dans leurs vies, je ne vois pas comment ils peuvent prendre des décisions sur des choses qu’ils ne comprennent pas et qui ne les concernent pas. On nous a souvent demandé de nous politiser et on a toujours refusé de le faire.

C’est-à-dire ?
On nous a demandé de jouer pour tel ou tel parti ou de faire un concert pour tel ou tel candidat. C’est marrant, car on a eu des offres de la part de tous les partis !

Sur tous les articles que j’ai lus sur vous, on vous décrit principalement comme un « groupe de scène ». Est-ce aussi ton avis ?
Non, nous ne sommes pas uniquement un groupe de scène. La scène c’est d’abord un des seuls moyens pour nous de vivre et de gagner notre vie. Notre genre a toujours été inclassable par les médias, ce qui fait qu’ils ont toujours eu du mal à parler de nous. Les concerts ont été portés aux médias par le public. Je ne veux pas qu’on soit réduit à la scène, car on aime vraiment être en studio. On adore faire des albums !

Je pense que ce que ces médias veulent dire, c’est surtout que votre musique prend toute son ampleur avec votre énergie scénique. A mon sens, ce n’est pas péjoratif, bien au contraire…
Effectivement comme nous ne sommes pas beaucoup diffusés en radio, les gens nous découvrent parfois d’abord sur scène et ensuite achètent ensuite nos disques. Nous mettons beaucoup de temps et d’énergie dans nos albums et on aime mettre des textes à double sens, donc l’album est pour moi quelque chose que l’on doit découvrir chez soi et écouter plusieurs fois afin d’en comprendre son sens.

Tu parlais des radios tout à l’heure. Portes-tu un œil très critique sur celles-ci ?
Je pense que les médias en général offre de la musique qui doit être prête à la consommation. Nous vivons dans une société qui est plus immédiate. Nous ne faisons pas de la pop. Nos textes ont plusieurs sens. On peut partir dans des morceaux qui sont très différents à chaque fois. C’est forcément plus fastidieux à présenter ou à inclure dans leurs programmes pour les médias. On n’a pas choisi la voie de la facilité et on en est conscient.

Pensez-vous au live lorsque vous enregistrez un album ?
Non, en studio on se refuse à penser au live. La musique, on la fait d’abord à deux : le guitariste et moi. Des fois il y a deux/trois titres que nous enregistrons en studio dans les conditions du live mais c’est tout. Faire un disque c’est vraiment un processus qu’on adore et ce qu’on aime faire aussi c’est le mettre en scène pour le live par la suite. Ce sont deux processus très différents mais très complémentaires et intéressants.

Es-tu déjà passé par le Luxembourg ?
Oui, je suis passé deux fois déjà avec mon précédent groupe Carving. On était dans une petite salle, l’Atelier il me semble. On aime beaucoup cette scène. C’est la première fois que je vais venir avec le groupe Skip The Use cette fois-ci.

Comment abordiez-vous la scène avec Carving et aujourd’hui avec Skip The Use ?
L’approche était totalement différente avec Carving. Ce n’était pas du tout le même projet ! Le groupe était nettement plus punk et sur scène les personnalités très fortes du groupe s’exprimaient particulièrement. Selon l’état d’esprit dans lequel tu te réveillais le matin, tu le montrais sur scène le soir. Avec Skip The Use, c’est un projet beaucoup plus encadré. On essaie d’incarner au mieux nos chansons sur scène.

Avec le groupe Carving, et aussi avec Skip The Use, vous venez de l’underground. Aujourd’hui, les médias parlent beaucoup de vous, de votre musique et de vos concerts. Seriez-vous devenus plus consensuels ?
Le plus drôle, c’est qu’on a rien changé en fait ! On vient effectivement de l’underground et c’est le succès qui nous a menés au mainstream. On n’a pas changé grand-chose à notre manière de fonctionner depuis le début. On joue toujours les titres de nos premiers albums, sauf qu’avant c’était devant 50 personnes et qu’aujourd’hui c’est dans des salles comme la Rockhal par exemple. Beaucoup de personnes découvrent ces premiers titres dans nos concerts et finissent par les connaitre par cœur en venant nous voir. Très peu de personnes ont nos premiers albums. Donc on joue les mêmes chansons et on les aborde de la même manière qu’avant. Si on était devenu plus consensuel, on passerait beaucoup plus à la radio et on ferait des chansons bien plus diffusables. On en a les moyens aujourd’hui, mais ce n’est pas ce que nous sommes. Du coup, c’est forcément plus compliqué. On sait qu’on va mettre plus de temps. On vend des disques mais on n’est pas dans le même délire que des groupes dont les fans vont tout de suite acheter les albums dès leur sortie. On fait des concerts et ensuite on vend des disques.

Avez-vous déjà été censurés sur des émissions de télévision ou de radio ? Ou avez-vous reçu des consignes ?
On a déjà été coupé au début (rires) ! En fait, nous n’avons qu’une seule consigne et c’est celle que nous respectons : nous ne faisons que du live. Nous jouons en direct ou sinon nous ne jouons pas. Parfois, lorsque nous avons des chansons avec des textes très politiques, nous faisons un compromis et nous acceptons de les faire en playback, mais c’est uniquement dans l’intérêt de la chanson, car nous voulons qu’elle soit diffusée au maximum. Sinon, nous ne faisons que du live donc et comme il n’y a pas beaucoup d’émissions de télévision qui diffusent du live, nous ne faisons pas beaucoup de télé.

Avez-vous ressenti un changement après avoir gagné aux Victoires de la Musique ?
Il y a beaucoup de gens qui nous ont découverts lors de cette soirée et qui ne nous auraient pas découverts sans doute sans cela. Cela nous a permis de passer de l’Atelier à la Rockhal. On essaie cependant de garder cette même proximité avec les gens, même dans des salles plus grandes.

A quoi peuvent s’attendre les gens qui vont venir vous voir à la Rockhal justement ?
Ils peuvent s’attendre à tout (rires) ! Il y aura de l’interaction, de l’impro. Il faut qu’ils s’attendent à être une partie prenante du concert et de l’artiste. Ils doivent s’attendre à se marrer et à passer une bonne soirée. Nos concerts ne sont pas des concerts où le public n’est que spectateur. Pas du tout !

Vous aviez annoncé un duo avec Shaka Ponk, c’est en cours ?
Ce n’est pas encore fait, car nous sommes tous les deux en tournée en ce moment. On a commencé nos tournées respectives à peu près en même temps, donc on va les finir quasiment au même moment. On aura le temps de la faire par la suite.

Pour terminer notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
C’est un peu choisir entre sa mère ou son père ! Tu sais ce qui est bien avec les artistes, c’est que nous n’avons pas besoin de choisir. Je ne vais donc pas le faire. Je prends les mélodies des Beatles, les riffs de Keith Richards, les harmonies de John Lennon et la performance scénique de Mick Jagger. Je suis un vrai crevard !

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

 

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