Interview : Rone

Rone_Creatures CREDITS Timothy Saccenti

En 2015, le festival Freeeeze réchauffera le Luxembourg à grands coups de beats, de boucles, de samples, et autres prods ! L’association Boumchaka présente le festival Freeeeze : depuis sa création en 2010, Freeeeze a su s’imposer comme le rendez-vous musical incontournable de l’hiver dans notre Grande Région ! Toujours plus ambitieuse, cette 4ème édition fera étape pour la première fois au Luxembourg, à la Rockhal. A travers l’électro et le hip-hop, fils conducteurs du festival, l’association Boumchaka rassemble un public de curieux et d’initiés désireux de se laisser transporter dans un univers singulier. Basé sur les cultures urbaines, le festival Freeeeze mettra à l’honneur des artistes internationaux, nationaux et locaux, avec concerts, battle de danse, showcase de beatbox (le premier showcase européen de beatbox !), expo itinérante et ateliers ouverts à toutes et tous.

Le premier nom est révélé… et pas des moindres, puisqu’il s’agit de RONE, véritable phénomène du paysage électro international, qui se produira le 14 février 2015 à la Rockhal, pour la clôture d’un festival qui s’annonce prometteur, une fois de plus !

Bonjour Rone ! En fait, comment ça se prononce ? En anglais ou en français ?
Bonjour Nathalie ! Ça se prononce comme en français ou comme pour le Côtes-du-rhône (rires). C’est marrant, parce que quand j’étais aux Etats-Unis, les gens le prononçaient « Roni », c’est joli aussi.

D’où vient cette dénomination exactement ?
Elle vient d’un heureux accident. Quand j’ai commencé à faire pas mal de soirées, les organisateurs m’ont demandé un nom pour le mettre sur l’affiche de l’événement. J’ai réfléchi très vite et je leur ai dit « R-one » prononcé en anglais, cela donnait la même consonance que mon prénom « Erwan ». Finalement l’impression sur l’affiche s’est mal déroulée et ils ont oublié le trait d’union, ce qui fait qu’aujourd’hui je suis donc « Rone ».

Tu sors un nouvel album appelé Créatures en février 2015. Qui sont ces « Créatures » auxquelles tu fais référence dans ce titre ? Sont-elles des personnes, des histoires, des morceaux ?
C’est un peu tout ça et je n’ai pas vraiment de réponse à ta question. Ce nom m’est venu quand j’ai vu la pochette que Liliwood, ma copine, a créée. On avait envie de créer tout un univers autour de ce disque, donc un vrai univers graphique cohérent dans le livret, la pochette et le CD en lui-même. Je savais qu’elle dessinait dans la chambre à côté du studio pendant que moi je composais mes morceaux. Au début, je liais ces créatures à mes machines à samples, car des fois – je ne sais toujours pas comment d’ailleurs – j’avais l’impression que mes machines parlaient toutes seules. Elles émettaient des sons étranges. A tel point que j’imaginais des petites bêtes dans mes synthés. Au fur et à mesure, ce titre a pris des sens différents et aujourd’hui, les morceaux de l’album sont pour moi aussi des petits monstres que j’ai créés. Un peu comme un savant fou ou Frankenstein.

Justement tu parlais de cette pochette. Qui sont ces petits bêtes dans tes lunettes ? C’est le public ? Ou ce sont tes démons intérieurs ?
Là aussi je pense que c’est un peu les deux. Au début, je voyais ça comme les démons qui vivaient dans ma tête et que je sortais en faisant des albums. Mais c’est vrai qu’on dirait moi en face d’un public qui m’observe.

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Concernant ces démons intérieurs, j’ai lu dans ta biographie que tu étais très timide, mais là je constate que tu t’exprimes plutôt sans grande réserve. C’est dû à quoi ?
J’étais très timide à une époque, mais la musique m’a beaucoup libéré. J’arrive à m’exprimer par le biais du son et j’adore ça. Je pense que je m’étais retenu pendant 20 ans (rires). Dans ma musique et surtout dans mes clips, j’arrive à gérer mon image, ce qui rend les choses plus faciles. Souvent, je prends des animations qui me représentent, comme cette pochette dont tu as parlé. En interview de visu, tu ne peux pas gérer les photos que l’on fait de toi, donc ça, ça m’angoisse un peu. Les dessins sont un peu une carapace.

Tu as aussi dit que tu voulais faire un album moins « auto-centré » alors que finalement c’est un album très personnel que tu vas sortir l’année prochaine, non ?
Absolument et j’ai réalisé ça il y a quelques semaines seulement. C’est très étrange. Mon premier disque, je l’ai fait tout seul dans une chambre. Ici, j’avais envie de rencontres avec des musiciens et des voix. Je voulais un résultat surprenant avec beaucoup d’intervenants et quelque part j’avais aussi peur de me perdre dans ces partenariats. Finalement, ce sont eux qui m’ont révélé des choses. Sur cet album, il y a Liliwood, mais aussi ma fille qui est née l’année dernière. C’est un album très intime, oui, et aussi très organique. Je me suis pas mal retrouvé.

Justement, sur le titre Calice Texas feat. Bachar Mar Khalifé, on entend les gazouillis de ta fille. Voulais-tu l’inclure consciemment à ce projet ? Un peu comme pour lui garder un souvenir pour plus tard ?
Bizarrement, je l’ai écrit très vite ce morceau. Je composais la mélodie et ma fille était dans le studio et marchait à quatre pattes en faisant des petits sons tous mignons. Je l’ai enregistré et c’était une de mes premières associations finalement : avec ma fille. Après, j’ai envoyé le tout à Bachar, pour qu’il mette sa voix dessus. Je voulais que ce soit une sorte de berceuse dédiée à nos enfants, comme lui aussi est père de famille.

J’aime aussi beaucoup le premier morceau 00 : c’est une belle introduction qui monte tout doucement en puissance. 00, c’est pour les chiffres qui apparaissent sur le lecteur de CD avant qu’il ne lise les plages ?
Je voulais mettre un côté narratif à cet album et bizarrement ce morceau, c’est le dernier que j’ai fait et donc le dernier ajouté à l’album. C’était la pièce qui manquait. Et le « 00 » c’est aussi pour les yeux d’un monstre qui te regardent ou un petit visage.

Tu parlais de tes featuring très nombreux sur cet album. Quelles sont ceux qui t’ont particulièrement marqué ?
Chaque partenariat a son histoire. Concernant Bryce Dessner, le guitariste de The National, je l’ai rencontré dans un bœuf improvisé à Brooklyn. On était loin de la crème new-yorkaise et le club était un peu bordélique mais super cool. Après ça, il m’a dit qu’on devait faire de la musique ensemble. Je croyais que c’était des paroles en l’air mais, en fait, quand il a fait son album à Berlin, il m’a appelé pour que je fasse 2-3 choses. Concernant Etienne Daho, ça s’est fait naturellement. On pense souvent que l’on doit passer par 4-5 personnes, alors qu’avec lui, ça a été très facile. Il m’a appelé pour que je fasse un remix de la chanson En Surface. J’étais à un moment où je refusais tout pour me concentrer sur mon album, mais là je n’ai pas pu dire non. J’aime beaucoup Etienne Daho et j’aime cette chanson. Lui, de son côté, a accepté de chanter sur mon album. Il s’est approprié le morceau. Sinon, Gaspar Claus, qui joue du violoncelle sur l’album c’est un vieux pote à moi et pour Bachar, c’est le label qui nous amis en contact. Il n’y a qu’une seule personne que je n’ai pas rencontrée pour le moment : il s’agit de Toshinori Kondo, le trompettiste sur le morceau Acid Reflux. Pour ce titre, j’avais une idée précise de comment la trompette devait sonner. Et j’ai cherché sur internet qui je pouvais choisir. Je voulais un son jazzy, éthéré et j’ai fini par le trouver sur une vidéo de Toshinori sur Youtube et il m’a envoyé la plage trompette par mail.

Comment se passe une de tes prestations sur scène, comme tu comptes venir à la Rockhal en février 2015 ?
C’est un concert et non un DJ Set. Ce seront les morceaux de l’album réinterprétés sur scène. On s’est enfermé pendant quatre jours, car on a développé un show un peu visuel aussi. C’est vraiment un travail collectif. Tout ne sera pas réglé comme du papier à musique, on garde tout de même une part de liberté pour l’improvisation.

Comptes-tu nous faire une petite surprise ? Car tu seras chez nous pour la Saint-Valentin…
Oui, tu as raison, je ne l’avais pas remarqué ! Ça tombe bien, car j’ai toujours peur de jouer le morceau Sir Orfeo feat. Sea Olenna quand je suis sur scène, car c’est un morceau assez calme. Donc voilà ce sera le morceau lover du concert… je vais peut-être projeter un gros cœur, qui sait ?

Sympa ! Enfin notre dernière question, qui est notre question rituelle : Si tu devais choisir entre les Beatles ou les Rolling Stones, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Je ne vais pas trop réfléchir et je vais choisir les Beatles. J’aime les Stones pour plusieurs raison, mais quand je pense aux Beatles, j’ai des souvenirs d’enfance qui me reviennent…Quand on partait en vacances avec mes parents, on écoutait souvent les Beatles dans la voiture. On chantait tous ensemble. Ils ont été très inventifs et très expérimentaux. Ils ont inventé des choses incroyables. J’ai beaucoup de respect pour l’underground et encore plus quand on arrive à faire de l’overground avec de l’underground !

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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