Interview – Lyre le Temps

A l’occasion de leur passage au festival alsacien Décibulles, nous avons sauté sur l’occasion et Lyre le Temps à la fois pour faire un point avec eux sur cet été bien amorcé et les différents projets du combo. Belle rencontre et ravie de voir le groupe se développer de la sorte !

Hello les gars, c’est le Magazine Karma, on s’est vu la dernière fois en interview au festival Lez’Arts Scéniques en 2012 si vous vous souvenez.
Ry’m :
grave grave ! J’ai lu des trucs sur nous de Karma récemment !

Aux solidays, vous étiez sous des trombes d’eau mais vous avez carrément emmené la foule…
Ry’m :
On a trop kiffé ! Franchement, c’est la meilleure date ou du moins un des plus gros souvenirs de ma vie sur scène. C’était impressionnant, de voir les gens qui rentraient dans le spectacle, qui jouaient le jeu jusqu’au bout, c’était génial ! C’est la taille de la scène, l’horaire. On a l’habitude de jouer à Paris, dans des salles de 500-600 places maximum. Se retrouver devant autant de gens… En plus, les parisiens ont l’habitude, ils voient beaucoup de spectacles, c’est encore plus gratifiant. Sur l’affiche aux Solidays, il y a des pros, des gens qui font partis de nos références. Du coup se retrouver là c’est super impressionnant !

Tu parles « des pros », tu te considères pas comme tel ?
Ry’m :
Si, mais comment tu veux que je me regarde par rapport à des gens comme Method Man, Rodrigo y Gabriela ou Gesaffelstein, ça reste encore des projets qui pour nous sont impressionnants, en termes d’envergure et de suivi en fan base. Aujourd’hui, on a pas encore ce type de fan base, non ! Mais on arrive à prendre du plaisir dans ce qu’on fait, on a des gens qui nous suivent et on ne peut que les remercier, parce que on en serait pas là sans eux, c’est évident !

De notre côté, on vous suit depuis le Cabaret Vert en 2009… et on trouve que Lyre le Temps accélère dans son développement ces derniers mois. Vous le ressentez ainsi ?
Ry’m :
Blondi vient d’arriver dans le projet, avec une nouvelle scénographie, un nouveau spectacle. Je pense que tous ces festivals d’été qui nous permettent de présenter notre album donnent un second écho à la sortie qu’on vient de faire. Je trouve ça génial de pouvoir retourner dans des festivals qui nous faisaient confiance comme Bobital, le JDM, Décibulles et c’est vraiment cool de pouvoir représenter l’album et lui donner et une seconde vie et parfois une première vie pour des gens qui viennent nous voir sur scène et qui n’ont jamais écouté cet album.

Le Québec, faut y aller tout de suite, faut y retourner tout le temps !

Justement le JDM en Lorraine, un bon souvenir ?
Ry’m :
C’était génial !
Q : C’était fou aussi, on passait juste après Offspring. A peu près tout le monde est resté. En tout cas, je voyais des gens à perte de vue ! C’est impressionnant !
Ry’m : Pareil, la première fois, on a eu une expérience de barjot, c’était un des premiers gros festivals que Lyre le Temps faisait et d’y retourner, qu’ils nous fassent confiance et que ça se passe ainsi, c’était extraordinaire.

La programmatrice des Solidays avait justement parlé un peu de vous…
Ry’m :
Mais j’ai lu ton interview ! C’est bien ! Je l’ai rencontré la programmatrice en sortant des loges, elle est venue nous voir. En discutant avec elle à l’espace presse, je lui ai parlé de ton interview en lui disant que je l’avais lu et elle me disait qu’elle était très contente de ce qu’elle avait lu parce qu’elle avait vraiment apprécié le concert. Donc en plus, tu lui as mis la puce à l’oreille pour qu’elle vienne nous voir, merci beaucoup ! Si on y retourne l’année prochaine, tu peux te sentir responsable (rires)

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Vous étiez au festival de jazz de Montréal qui est aussi énorme. Comment agit le Québecois face à Lyre Le Temps ?
Ry’m :
On avait pas mal peur. On se disait « bon c’est un public qui voit énormément d’artistes », Montréal est une capitale culturelle mondiale. Il y a 400 concerts en un mois et demi. Nous, on est programmé parmi 400 artistes, on est Français, jamais venus au Québec, jamais entendu parlé au Canada sauf via internet. Là, tu te retrouves confronté aux gens qui sont pour la première fois à notre concert, qui mettent un peu de temps à rentrer dans le projet et à la fin c’était la fête du slip – passe-moi l’expression. Malgré les 8000 kms qui nous séparent, c’était ouf, génial. Faut y aller tout de suite, faut y retourner tout le temps !

Vous avez ça comme idée ?
Ry’m : C’est une objectif oui. Après cette première rencontre, on ne peut que vouloir y retourner. N’est-ce pas Blondi ?
Blondi : Complètement (rires). Non, mais je n’ai rien à rajouter. C’était énorme, le fait d’être dans un pays avec une culture différente, mais qui nous influence beaucoup aussi nous, dans la musique, dans les vêtements, la télé, sur les ordis…
Ry’m : Sur les ordis (rires). Légalement.
Blondi : Euh…oui. D’ailleurs je n’achète que des DVDs des séries que je regarde.
Ry’m : T’achètes pas que des CDs de Lyre le Temps ??
Blondi : Si, sisi.
Ry’m : Tu pirates pas Lyre le Temps quand même (rires) ?!

Je reviens sur le partage de votre vidéo. Quelle est votre perception des réseaux sociaux ? Comment se passe votre gestion ?
Q :
On essaie tout simplement de parler de ce qu’il y a d’intéressant. C’est moi qui m’en occupe. Sur Facebook, je trouve que tout n’est pas toujours pertinent. Du coup, j’essaie tout simplement de dire ce qu’on fait sans tomber dans le « voilà ce qu’on mange, regardez où on habite ». Ça reste sur le terrain musical, du coup les vidéos – on a une série « inside the box » – sont tournées et mêlées à des images de scène. Il y en a une à chaque date en gros. On partage aussi les clips, les sons, régulièrement. On est aussi sur Youtube, Twitter, on est assez réactif, Soundcloud, avec du téléchargement gratuit, Instagram. On est aussi sur toutes les surfaces habituelles, iTunes, Deezer, Spotify.
Ry’m : On était d’ailleurs totalement étonné de voir plus d’un million de lectures sur Spotify pour About the trauma drum. C’est hallucinant ! On vient de Strasbourg, on a un million de lectures qui viennent de partout dans le monde. C’est génial de voir à quel point la musique peut prendre de l’ampleur sur internet. Autant c’est flippant de voir comme internet a détruit l’industrie de la musique, autant c’est fou de voir comme ça peut se propager. C’est ça le but de la musique, se propager !

Tu trouves que ça a détruit l’industrie de la musique ?
Ry’m :
Ouais un peu, ouais. Nous, aujourd’hui, si tous ceux qui ont téléchargé l’album de Lyre le Temps avaient laissé ne serait-ce qu’un euro, le projet aurait pas la même ampleur. On ferait peut-être les mêmes chansons, mais on aurait pas les mêmes moyens pour les réaliser et pour pouvoir aller sur scène, présenter notre projet à d’autres gens. Mais moi, tu m’entendras pas me plaindre en tant qu’artiste que des gens viennent télécharger mon album. Je trouve ça cool que des gens écoutent notre musique.
Q : Je trouve que ça la métamorphose, plus que ça la détruit. C’est plus difficile pour l’industrie du disque, que ce soit pour les auteurs ou les auditeurs, mais il y a aussi du bon là-dedans, parce qu’on ne serait pas forcément là non plus sans ça. Nous, on en a aussi tiré avantage.
Blondi : Les mecs qui ont téléchargé gratuitement vont peut-être venir au concert, acheter un cd, acheter un t-shirt, ils seront déjà présents.
Ry’m : Déjà, venir en concert, c’est cool. Soutenir les artistes que tu aimes, c’est aller les voir. Va voir des concerts ! Ok tu achètes pas leur musique, OK tu écoutes leurs chansons dans ton iPhone en allant au boulot, mais quand ils sont en concert, si tu connais les chansons et que t’as envie de les entendre, tu peux que kiffer. Ça peut qu’être mieux !

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J’ai lu que tu parlais des intermittents dans une autre interview. Si demain tout s’arrêtait pour Lyre le Temps, que se passerait-il ?
Q :
Moi j’y ai déjà réfléchi. Il y a deux possibilités. Soit dans le futur, on a plus besoin d’être intermittent et du coup on continue à faire de la musique. Soit le système d’intermittent n’existe plus et on en a encore besoin. Dans ce cas, il faut aller travailler dans un système plus classique. Mais je me vois mal abandonner, ne plus faire de musique. Ça prendra peut-être plus de temps, ce sera d’autres conditions mais c’est impossible d’arrêter.
Blondi : Je pense que les gens ne se rendent pas compte de tout le boulot qui est fourni derrière un concert en fait. Ils savent pas que toute la semaine ça bosse sur le show, ça répète, ça compose, ça travaille avec d’autres musiciens, des tech sons, des tech lumières. Ce statut-là, s’il est mis en danger, c’est dangereux pour la culture. C’est grave.
Ry’m : ça nous permet de vivre. Je le vois avec les groupes étrangers avec lesquels on travaille, ils jalousent un peu ce statut-là. Je pense qu’il faut remettre tout au même niveau. On est dans un pays où les prestations sociales sont assez élevées en règle générale. Je pense que les intermittents, c’est un statut qui est déjà considéré comme chômeur. Moi, je fais 50 concerts par an, je travaille. Franchement, un concert c’est 3 jours sur la route. Le jour où tu pars, le jour du concert et le jour où tu rentres. Ça veut dire que c’est 150 journées où quoi qu’il arrive, je suis en déplacement. En plus, il faut les produire les albums – eyh je me plains pas ! – mais ça fait beaucoup de travail où, avant de pouvoir vendre ce que tu fais, c’est très difficile d’être rémunéré. Après, il faut se rappeler qu’un intermittent cotise plus qu’un chômeur du coup c’est juste un équilibre. Aujourd’hui, la culture rapporte plus de 70M€ de bénéfices à la France, ça en coute pas un milliard comme on dit. Je pense que si on est capable de maintenir ce statut, on sera leader en Europe de la culture et dans la manière dont on veut la défendre et c’est une grande force en France. On a un gros patrimoine de la culture et il faut défendre ça. A l’image de la planète, du reste du monde mais aussi des français pour les français, les gens aiment la musique. On a l’habitude de voir des spectacles et ce serait triste de perdre ça. Si tout existe c’est grâce à ces gens qui restent quand tout est fini et qu’il reste à démonter la scène entièrement. C’est grâce à eux qu’on peut faire cette interview et partager ce moment ! Ces mecs-là, ils bossent !

C’est ça le but de la musique, se propager !

Votre « mega kiff » comme musicien aujourd’hui ce serait quoi ?
Ry’m :
retourner aux Solidays (rires) !
Q : Ouais pareil, faire la plus grosse scène possible avec le plus de monde, jouer au Super Bowl, le plus ouf, le plus grand possible, le plus loin !
Blondi : Remplir le stade de la Meinau à Strasbourg !
Ry’m : (rires) Ouaiiiis ! Ça c’est pas mal. C’est assez inédit en ce moment ! Faut pas hésiter si on peut !

Et sinon comment va French Gramm, votre label ?
Ry’m : French Gramm va bien. On a sorti le premier album, on ressort des titres, qui sont donnés gratuitement ou mis à dispo. On continue de produire des disques, on a l‘intention de produire d’autres artistes, on veut développer cette partie du label. Pour nous, c’était important d’avoir une identité en tant que label, d’être assez indépendant pour faire la musique qu’on avait envie de faire et d’être libre en tant qu’artiste et de vivre de notre propre musique.

Des idées d’artistes à produire ?
Ry’m :
Ce serait à l’image de Outside the box. On a appelé cette album comme ça parce qu’on n’est pas fermé sur un style ou une chose en particulier. A partir du moment où ça nous fait kiffer, on sera motivé pour développer un projet. Pour le moment la priorité reste Lyre le Temps, on a encore besoin de faire ça. J’espère que très bientôt on pourra faire d’autres choses aussi.

Vous auriez envie de dire quoi à quelqu’un qui n’aime pas Lyre le Temps ?
Ry’m :
Lui dire qu’il a raison et qu’il faut qu’il nous envoie vite ce qu’il aime !
Blondi : Bien, c’est bien ce que tu dis ! J’adore ce que tu dis (rires) !

La dernière question, je vous l’ai déjà posé, c’est Beatles ou Rolling Stones. Alors je vous propose la v2. Plutôt Rachmaninov ou Prokofiev ?
Ry’m :
Moi j’aime pas Rachmaninov ! Quand je me suis mis à jouer des partitions, j’étais autodidacte. Quand j’ai voulu jouer du Rachmaninov au piano pour le déchiffrer, j’ai juste voulu me couper les doigts. Donc, je le prends mal que tu parles de Rachmaninov et je me casse !
Q : Moi Prokofiev aussi et j’adore vraiment. Et, en plus, j’ai découvert dans un contexte très particulier qui me ramène toujours à ce moment-là. Du coup, c’est un kiff personnel.
Blondi : Moi je connais pas, donc je peux pas te dire (rires). Ni l’un, ni l’autre. Mais l’autre, Prokofiev, il a l’air plus cool !

Propos recueillis par : Ugo Schimizzi 

Actus : la version extended de l’album Outside the Box est sortie, disponible en intégralité seulement en numérique via iTunes. Les cinq titres supplémentaires sont également sur SoundCloud (stream/telechargement gratuit).

Nouveau clip : Rock’n'roll 

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