Interview : Joel Heyard – Label G-Minor

« G-Minor Records » est un label basé à Luxembourg. Fondée en 2013, le label offre un service complet constitué d’abord par le développement de l’artiste, la production, l’édition, la distribution et la promotion. Il découvre, développe, commercialise et promeut un large éventail d’artistes, en essayant de couvrir l’ensemble du spectre de la musique pop. Avec passion, savoir-faire et l’expérience, les membres du label s’efforcent de veiller à la réussite des artistes au Luxembourg ainsi que dans l’industrie de la musique internationale. Joël Heyard, s’est prêté au jeu des questions.

Bonjour Joël ! Peux-tu nous raconter comment « G-Minor Records » est né ?

Bonjour Nathalie ! Je travaillais depuis 4-5 ans avec Aaron Baustert qui est ingénieur du son, quand nous avons décidé de créer ce label. Nous avons effectué pas mal de productions ensemble et nous avons pensé que les besoins des artistes ne consistaient pas seulement à leur faire une production. Nous avons remarqué très vite qu’après avoir enregistré un CD et qu’il était disponible physiquement, les artistes ne savaient pas trop quoi faire pour les faire parvenir aux bonnes personnes. C’est très frustrant lorsque tu as investi tellement de boulot et de temps dans ta production – la musique mais aussi la couverture ou encore de belles photos de promo, un clip vidéo etc. – et que les artistes se retrouvent avec le CD sur les bras. Nous étions frustrés de ne pas pouvoir leur fournir d’autres services. J’aurais pu dire : voilà tu as ta production, débrouilles-toi ! Mais finalement je me suis dit qu’il serait plus judicieux de mettre en place une structure grâce à laquelle, nous pourrions accompagner au mieux les artistes.

Aaron et moi, nous avons lancé le projet au début de l’année 2013 en prenant notre temps. Nous essayons aussi de sélectionner les artistes que nous voulons lancer sur notre label. Nous voulons aussi conserver le même style de musique et avoir une certaine cohérence.

 

Et quel style de musique recherches-tu principalement ?

Dans l’absolu, j’aime les styles plus anciens comme la Motown, mais mélangés à certains éléments nouveaux de la pop. Notre environnement culturel au Luxembourg nous amène de plus en plus de rock et de jazz et je me rends compte qu’il est très difficile de lancer un artiste pop. La radio est assez ouverte à ce genre de musique et accepte très facilement de les mettre dans leur programme. RTL, par exemple, joue pas mal d’artistes pop luxembourgeois, mais la difficulté réside toujours dans les concerts. C’est très dur de trouver des concerts et des festivals pour les artistes pop dans la région.

La plupart des festivals ici sont plus ciblés rock en même temps…

Oui et les organisateurs de concerts ou de festivals ne comprennent pas vraiment qu’il y ait un artiste solo qui puisse se produire sur scène. Ils comprennent facilement qu’il y ait un groupe mais pas un artiste seul. A part Daniel Balthasar (à voir dans le local ici : http://magazine-karma.fr/live/daniel-balthasar-band/) qui est bien ancré dans la scène musicale au Luxembourg, mais qui existe depuis 15 ans !

Comme je disais nous produisons des artistes solos. C’est très difficile de bosser avec un groupe, en tant que manager ou en tant que label. C’est beaucoup plus dur de bosser avec un groupe qu’avec un artiste seul. Dans un groupe il y a beaucoup de personnalités différentes et les rôles ne sont pas toujours très bien distribués. On ne sait pas toujours qui fait quoi. D’ailleurs souvent certains ne font pas grand-chose. Donc c’est très difficile !

 

J’imagine que tu dois souvent faire des compromis…

Oui, c’est vrai. Tu essaies de savoir qui est celui qui prend les décisions ou qui a le plus d’influence. C’est souvent très délicat, alors que lorsque tu bosses avec un seul artiste, tu peux aisément te concentrer sur lui ou sur elle.

 

Quels services proposes-tu au sein de ton label aujourd’hui ? 

Aujourd’hui nous proposons de faire des « releases » donc des sorties d’album, de single ou d’EP. Nous produisons les chansons et nous les sortons. Nous envoyons des documents à la presse et nous organisons une soirée officielle de sortie, avec un concert live avec l’artiste. Nous faisons aussi en sorte que le titre passe à la radio. C’est le volet complet que nous proposons pour le moment, en dehors de ces étapes nous ne faisons rien. Nous ne faisons pas de « booking » pur par exemple, en revanche nous faisons de la production vidéo.

 


Concrètement cela veut dire que tu établis aussi la documentation de l’artiste et tu prends en charge les photos ?

Oui, si c’est un artiste « G-minor », nous le faisons. Dans certains cas, si les artistes ont déjà fait faire des photos de très bonne qualité, nous pouvons les utiliser. Notre artiste Deborah avait par exemple déjà de très bonnes photos qu’on a pu utiliser. Sinon, oui nous faisons tout ce qui est en rapport avec la sortie : les communiqués de presse, un nouveau site internet le cas échéant, et bien sûr toute la production. Ensuite je vais présenter cette production aux différentes radios. Dernièrement je l’ai fait avec Jeannette (à voir dans le local ici : http://magazine-karma.fr/live/jeannette-dalia-curta), qui est une artiste allemande et qui vient de sortir son single au Luxembourg.

 

Dans le cas de Jeannette, c’était la première fois depuis très longtemps qu’on ne m’avait pas donné un CD single physique dans les mains. Souvent les artistes sortent un EP ou un album directement ou alors mettent leur single en ligne. Était-ce voulu ?

Dans le cas de Jeannette, elle avait déjà fait faire son single en Allemagne et elle m’a demandé de m’occuper de la promotion au Luxembourg. Nous avons fait en sorte qu’elle passe régulièrement à la radio. Je dois dire qu’en tant que carte de visite, c’est vraiment pas mal. Les quelques fois où j’ai joué avec elle, à la fin du concert, des gens demandaient des CDs, même s’il n’y a qu’une seule chanson dessus. Souvent les personnes présentes l’achètent ou demandent à se le faire signer. Pour un de nos autres artistes, qui s’appelle Frank Landon, nous avons adopté la même technique : il a fait un single et le CD était dans une pochette en carton. C’est facile à distribuer et à signer…

Après avoir sorti un single, que fais-tu ensuite ?

Ensuite, j’essaie de sortie un EP et enfin seulement, nous faisons l’album. Pour Deborah, dont je te parlais tout à l’heure, nous avons terminé un album et il contient onze titres. Je serai déjà heureux si deux ou trois titres passaient régulièrement à la radio. Les autres titres sont pour les fans. Elle a une fanbase de 300 à 400 personnes où elle arrivera à écouler l’album facilement. Vus les coûts de production d’un album, ce n’est, en tout état de cause, pas la première production idéale pour un jeune artiste.

 

Comment un artiste commence-t-il par bosser avec toi ? Est-ce que c’est l’artiste qui vient te chercher ou plutôt toi qui prends contact avec l’artiste ?

Actuellement, les personnes avec lesquelles je travaille sont des personnes avec qui j’ai travaillé il y a quatre ou cinq ans déjà. Cela s’est fait naturellement. Soit parce que j’étais dans un groupe de musiciens en leur compagnie, soit parce que nous avions des amis communs. Lorsque je bossais en studio avec Aaron, il y avait pas mal de passage et souvent on entendait ce qui se passait à côté. Je reçois aussi pas mal de mails… En fait ce que je préfère, c’est aider les personnes qui ont du talent et surtout qui ont envie de faire quelque chose. J’aime beaucoup aider ce type de personne et je prendrai toujours sur mon temps pour aider des gens qui en veulent ! Pour moi, le fait de vouloir est plus important que le fait de savoir le faire ou de pouvoir le faire. Je le remarque très souvent : il faut en avoir envie !

Par exemple, j’ai eu un mail, il y a deux-trois mois, d’une personne qui disait : « J’ai une copine qui chante super bien. Pourrais-tu l’aider ? » J’ai répondu : « Envoie-moi quelque chose que je puisse écouter et me faire une idée. » C’était il y a deux mois et je n’ai toujours rien reçu. A partir de là, je pars du principe que la motivation n’est pas présente. Je rencontre aussi beaucoup de monde pendant les concerts et donc ceux qui veulent bosser avec moi, ils le feront en règle générale.

Quand c’est moi qui fais le premier pas, c’est une approche totalement différente. Si je le fais, c’est que j’ai quelque chose à proposer à l’artiste. Alors que quand c’est un artiste qui vient vers moi, l’artiste demande un service ou un travail. J’ai le choix de ne faire seulement que la production ou de le mettre sous mon label.

 

Pourquoi avoir choisi le nom « G-minor » ?

J’aime ce nom, car c’est le nom d’un accord (sol mineur). Aaron a choisi le nom et il est arrivé avec l’idée du logo aussi. C’est vraiment sympa car c’est un vieux micro incorporé dans le nom.

Peux-tu nous dire ce qu’il y a au programme pour « G-minor » cette année ?

La petite Deborah, qui 19 ans maintenant, va bientôt sortir son album. Kid Colling, qui est un guitariste blues, va aussi bientôt sortir son EP et en ce moment on est en train de valider la couverture qui va partir à l’impression. Ce sera une pochette en carton avec cinq titres pop-blues. Dans deux mois nous allons sortir un single d’Emmy Denice. C’est déjà pas mal ! Nous allons nous concentrer principalement sur ces trois artistes et nous allons faire en sorte que leurs sorties respectives se passent dans les meilleures conditions.

Aaron, Jeff et moi, nous avons aussi un projet parallèle. Nous avons écrit pas mal de titres et nous allons partir à la recherche d’un interprète. Cinq ou six titres sortiront sous la forme d’un EP. Le style sera assez soul moderne, mélangé à du funk et à de la pop. J’ai quelques contacts en Allemagne mais ce serait idéal de trouver quelqu’un au Luxembourg, notamment parce qu’on a envie de mettre cette personne sur scène et de faire un show sympa.

 

Peux-tu nous dire quelle est ta relation avec la presse en générale ?

Je ne peux pas vraiment généraliser. J’aimerais que la presse traite un peu plus des artistes locaux, c’est sûr. Je me rends compte que quand tu as une structure, la presse s’intéresse à toi. Je n’ai pas encore fait de conférence de presse officielle pour le label, car je pense qu’il est peut-être un peu trop tôt pour la faire, mais avec une structure stable, le retour de la presse est assez bon. Je me rends compte que tous les dossiers concernant les artistes ou les albums que j’envoie doivent vraiment être complets. Avant, je me prenais la tête à me demander pourquoi la presse ne publiait pas tel ou tel article. Maintenant j’essaie en premier lieu de trouver l’erreur chez moi…ai-je oublié une info ? J’améliore régulièrement la qualité de mes envois auprès de la presse écrite et de la radio.

Dans l’absolu, j’aimerais bien que les radios jouent plus d’artistes du Luxembourg. J’essaie d’ailleurs d’aller dans les différentes radios le plus souvent possible pour leur faire écouter de nouvelles choses. J’aimerais aussi avoir plus d’articles sur les producteurs, ingénieurs du son ou autres métiers de l’ombre dans le business de la musique dont on parle que trop peu. Il faudrait aussi créer des structures comme des associations de musiciens ou de producteurs, histoire d’avoir une certaine crédibilité et un certain lobby dans le domaine de la presse.

J’ai créé l’événement « Musikbazar » avec un ami dans l’optique de faire rencontre les gens. C’est une foire de l’occasion de l’instrument de musique, mais les personnes qui viennent ne viennent pas seulement pour vendre ou acheter un instrument, mais pour qu’une communauté se crée autour de la musique locale. C’est un lieu de rencontres et d’échanges humains.

Nous avons aussi une question rituelle que nous posons à toutes les personnes lors de nos interviews : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones ? Et pourquoi ?

Je préfère les Rolling Stones et j’ai failli faire la première partie de leur concert au Luxembourg avec un groupe dans lequel je jouais à l’époque. Je suis très impressionné par leur show et leur prestance sur scène et cela m’a marqué car leur venue était le premier vrai concert de rock au Luxembourg.

 Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

http://gminorrecords.com/

http://musikbazar.lu/muba/

 

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