« Est-ce que tu viens pour les vacances ?…Moi je n’ai pas changé d’adresse… Je serai, je pense, un peu en avance…» Avouez-le : vous venez de fredonner avec nous ces paroles ! Jamais un auteur, compositeur français n’a écrit autant de chansons. De Gérard Lenorman à Patricia Kass, en passant par Johnny Hallyday et Michel Sardou. Didier Barbelivien en a plus de 1 000 à son actif et au final des dizaines de succès ! On retiendra notamment les titres L’été s’ra chaud (pour Eric Charden), Elle m’oublie (pour Johnny Hallyday), Mon mec à moi et Mademoiselle chante le blues (pour Patricia Kaas), Elle préfère l’amour en mer et Il tape sur les bambous (pour Philippe Lavil) ou encore Michèle (pour Gérard Lenorman). Il a sorti le 3 novembre 2014 chez Universal un coffret intitulé Les années Barbelivien et il était sur la scène du Chapito au Casino 2000 à Mondorf-les-Bains le 27 novembre 2014. Avant son concert, il nous a accordé une conférence de presse informelle dans les loges autour de donuts et de bonbons fluos.
Si vous chantez sur scène, vous le devez à Julio Iglesias, c’est bien exact ?
Absolument ! L’idée est venue lors d’une tournée avec Julio dans le sud de la France où je l’accompagnais et il me l’a suggérée puisque je chantais avec lui en duo sur scène sur quelques chansons. Il m’a dit : « Pourquoi tu ne le fais pas vraiment ? ». J’ai répondu : « Je ne l’ai jamais fait et j’ai horreur de ça. » Sur ce, il m’a répondu : « Tu as tort. Tu as beaucoup de succès et tu devrais essayer ! ». J’ai appelé des copains musiciens et je me suis dit, je vais faire 4-5 concerts pour voir si le public en avait envie. Puis, bizarrement, je ne me suis plus demandé si le public avait envie ou pas. C’est moi qui me suis mis à en avoir envie. C’est comme un type qui donne rendez-vous à une fille et dans le voiture il se dit : « elle n’est pas terrible ». Puis il la voit arriver et il se dit : « elle est géniale, je suis complètement con ! »
Du coup, vous regrettez de ne pas l’avoir fait avant ?
Non, car je ne regrette jamais rien. Ou très peu de choses. Chaque chose en son temps. Avant, je pense que je n’étais pas prêt.
En fait, vous pensiez à vos chansons enregistrées mais pour un spectacle vous n’aviez pas assez de chansons ?
Et oui ! Je manquais de chansons. Je n’avais pas eu l’idée au départ que je pouvais inclure des chansons que j’avais écrites pour les autres. Ou des chansons que j’aimais tout simplement. Ce soir, je vais d’ailleurs chanter une chanson qu’une personne du casino m’a demandée à la place d’une autre. Je change pratiquement tous les soirs la liste de mes chansons sur scène.
Ah, on peut passer commande ? Moi, j’aimerais bien vous entendre chanter Mon mec à moi.
Euh, elle n’y est pas. C’est vrai que c’est dans l’air du temps et à moins d’être militant pour le mariage pour tous, que je ne dénigre pas, je chante déjà Mademoiselle chante le blues, ce qui est déjà tendance. Mon mec à moi ça ferait sensation…le problème c’est qu’il faut que je change de robe, tout ça… (rires collectifs)
Gainsbourg avait bien chanté Mon légionnaire, lui.
C’est vrai, mais il n’avait pas osé mettre le tutu. Il gardait la veste en jean. Je trouvais ça un peu limite. Il aurait pu mettre la robe de bal.
Une autre commande, mais ce serait plus compliqué, ce serait la chanson Un roman d’amitié, le duo chanté par Elsa et Glen Medeiros.
Bravo ! Elle n’est pas sur la compil’, car ils ne m’ont pas laissé la mettre. Il y a un problème entre les rapports des producteurs d’Universal et ça. J’aimais bien cette chanson. Ils avaient une version live immonde et j’ai dit non, car le public avait une version de cette chanson en tête et on ne va pas mettre une version de débile.
Vous parliez de reprises de chansons que vous aimiez. Quelles chansons reprenez-vous sur scène ?
Celles qui me passent par la tête. Je pourrais même faire un tour de chant avec les chansons d’autres artistes, tellement il y a de chansons que j’aime. Ce serait un comble, mais peut-être une année, je vais faire ça.
Ce serait tendance aussi : entre Adamo qui chante Bécaud et Patricia Kaas qui chante Piaf. C’est un spectacle aussi avec anecdotes, il me semble. Vous parlez pas mal au public, non ?
C’est vrai. J’improvise par rapport à l’endroit où je suis. Ce soir, vous verrez, je vais faire une demande particulière aux autorités luxembourgeoises.
Il y aura peut-être la famille grand-ducale ce soir, qui sait ?
Ah, parce qu’il y a une famille grand-ducale ? Moi qui ai chanté Vive le Roi, il faut que je me tienne informé, bordel. Moi, j’ai toujours été pour la monarchie. Le roi disait toujours : « Je tiens mon pouvoir de Dieu. » Bon, il ne faut pas déconner, non plus ! Ça l’arrangeait bien de dire ça ! Ce qui m’a toujours plu avec la monarchie, c’est qu’on entretient une illusion.
Il y a d’ailleurs eu, un peu, des présidents monarques en France, non ?
C’est bien ce que je dis, donc autant avoir un roi. Il faudrait les instituer roi. Sarkozy 1er, ça le fait, non ? Putain, je suis en train de donner des idées à l’opposition, là.
On peut parler de Nicolas Sarkozy justement ? 30 ans d’amitié vous lient. Est-ce que vous parlez de politique ensemble ?
Oui, une amitié indéfectible et non on ne parle pas de politique ensemble. On n’en a jamais beaucoup parlé pour tout vous dire. Je le soutiens amicalement, mais je ne suis membre d’aucun parti politique. Ça doit étonner les gens. Je l’ai toujours soutenu car je le connais intimement. Je connais les qualités de cet homme et il a toujours été dénigré par ses propres concitoyens. Mais je ne me mets pas en tant que militant ou en tant que partisan. C’est mon ami, un point c’est tout. Pour la vie. Je suis sarkoziste, mais je ne veux pas être étiqueté de droite.
Quittons la politique un moment, voulez-vous ? Vous avez écrit pour tellement de monde ! Ya-t-il un artiste avec qui vous aimeriez travailler ?
Il y en a tellement ! Je pense notamment à Julien Doré, qui écrit très bien lui-même. Calogero qui a une équipe qui écrit de très belles chansons. En fait, les artistes auxquels je pense, n’ont pas besoin de moi et tant mieux !
Pas d’artistes anglo-saxons ?
Un jour, j’ai eu la chance d’écrire une chanson pour Cliff Richard. On a écrit le morceau ainsi : lui la musique et moi les paroles. Cette chanson est sortie sur un de ses albums en Angleterre, en Australie et en Nouvelle-Zélande avec mes paroles françaises. Je trouvais cette idée bizarre. Il s’était mis dans la tête de chanter la chanson en français. La chanson s’appelle Remember.
Pour le Magazine Karma, nous avons une question rituelle pour rester dans les artistes anglo-saxons : Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
C’est comme choisir entre sa main droite et sa main gauche. Je pense être plus Beatles. J’ai rencontré Paul McCartney une fois à Londres dans le restaurant du Hilton. Et pour les Stones, j’ai dîné deux fois avec Mick Jagger à Paris. Il parle d’ailleurs français comme vous et moi, avec un léger « accent, qui le rend irrésistible ».
Comment faites-vous pour travailler avec toutes ces personnalités différentes ?
J’ai toujours eu le même mode de fonctionnement. Je me suis adapté à des personnalités. C’est très excitant de se dire le temps d’un album qu’on est Julio Iglesias ou Sylvie Vartan. C’est un peu un truc schizophrène. J’aurais dû faire de la psychologie, car Sylvie m’a toujours demandé « Comment peux-tu écrire ce que j’ai dans la tête ? Alors qu’on en a jamais parlé !» Souvent, concernant les demandes des artistes, ce sont au départ des demandes en l’air et qui finissent par se concrétiser. Michel Sardou m’a appelé en me disant : « Tu sais que je fais un album l’année prochaine ? Si tu pouvais penser à quelques chansons… ». Et puis, voilà.
On vous a toujours laissé libre-champ ?
Ça, c’est toujours ce que j’ai revendiqué et c’est ce que ce métier me permet de faire. Mon envie de liberté c’est le plus important. Plus libre que moi dans ce métier, je pense que ça n’existe pas.
Certains artistes ont-ils refusé de chanter certaines de vos paroles ?
Oui, c’est arrivé. Ce n’est pas grave, je fais une autre chanson. Je ne réécris pas les paroles sur mesure. Quand j’ai sorti Vive le Roi, c’était une provocation en 1989. C’était le bicentenaire de la Révolution. Il fallait bien qu’il y ait quelqu’un qui sorte une chanson à la con.
En parlant de Révolution. Vous êtes en train d’écrire la comédie musicale « Marie-Antoinette » en ce moment. Pouvez-vous en parler ?
Oui, je suis en train d’adapter le roman d’Alexandre Dumas, Le Chevalier de Maison-Rouge. Il s’agit de 17 chansons et l’œuvre s’appellera Marie-Antoinette et le Chevalier de Maison-Rouge. Je ne vois pas ça comme une « comédie » musicale car c’est plutôt une tragédie. Je m’occupe des six derniers mois de la vie de Marie-Antoinette entre le Temple et la Conciergerie. J’ai choisi cette période car il y a soi-disant une histoire d’amour platonique entre les deux personnages. Ce personnage de chevalier a vraiment existé et il a participé à la tentative d’évasion de Marie-Antoinette. On dit qu’il était secrètement amoureux de la reine. Moi, ça me fait une raison d’écrire du coup ! On va monter ce spectacle à Paris, mais on n’a pas encore choisi la salle. Ce sera plutôt un gros théâtre pour 1 200 personnes, car ce spectacle ne se prête pas à un Palais des Sports. Il n’y aura pas de chorégraphie folle ou de gens qui sautent à 3m50. Ce sera très littéraire et passionnant tout de même ! Ce n’est pas parce qu’on ne fait pas de cabrioles sur scène, qu’on est forcément ennuyeux ! Je serai présent sur scène pour un petit rôle et Stéphane Bern sera le conteur. J’ai vu la série Chevalier de Maison-Rouge à la télévision quand j’avais 10 ans. C’est un tatouage qui m’a suivi toute ma vie. J’ai toujours su que j’allais adapter cette histoire plus tard.
Pour moi sincèrement l’art de la « comédie musicale » est un art anglo-saxon. J’ai fait la connaissance de Hugh Jackman à New York pour Les Misérables et j’ai vraiment été bluffé. Pour mes acteurs-chanteurs, je vais les pousser dans la discipline anglo-saxonne qui est très impressionnante, vraiment ! J’ai vu des gens qui incarnent ce qu’ils jouent. C’est ce que je veux atteindre !
Propos recueillis par : Nathalie Barbosa