Elysian Fields – Divan du Monde (Paris)

Les sombres New Yorkais d’Elysian Fields se sont confortablement installés au Divan du Monde mercredi 2 avril 2014 pour présenter leur nouvel album, Four House Cats and Sea Fans. Le lieu idéal pour, justement, retrouver leurs dévoués fans parisiens en toute intimité.

À l’évidence, le groupe n’a rien perdu de son sens du rythme. Il sait faire patienter juste ce qu’il faut son public, composé en majorité de trentenaires et de quarantenaires (raccord avec les presque vingt ans d’âge d’Elysian Fields). Les visages expriment à l’unanimité l’impatience et l’enthousiasme à l’idée de les revoir, trois ans après leur dernière tournée pour Last Night on Earth.

C’est l’un de ses deux fondateurs, Oren Bloedow, qui ouvre le bal en faisant le premier son entrée sur scène. Une fois installé devant un imposant et cosy piano à queue, il est rejoint par le batteur Chris Valatero et la contrebassiste française Sarah Murcia, alors que la reine de la soirée, la chanteuse et cofondatrice du groupe Jennifer Charles, ferme triomphalement la marche.

« You haven’t aged a day » lâche-t-elle langoureusement à l’audience après les premières mises en bouche. L’assistance, bien évidemment sensible à cette vile flatterie, glousse de plaisir. Mais la séduction, en tout cas verbale, de la chanteuse s’arrête là : visiblement émue, voire gênée, entre chaque titre, elle se déleste ensuite uniquement de quelques « merci » en français durant les moments d’applaudissements nourris, et préfère même souvent rester silencieuse. Elle ne manque jamais, en revanche, d’adresser à la foule de larges sourires qui ont d’ailleurs tendance à se figer étrangement. À l’inverse, Oren Bloedow ne cessera de donner l’impression d’un musicien autiste, désintéressé par la communication avec le public mais forçant le trait dans son rôle de guitariste et pianiste habité par son art.

Au cœur du concert, un constat ne peut s’empêcher de poindre. La force et la faiblesse du groupe est certainement de s’être ancré dans un bastion tellement singulier, très peu exploré, de la musique à leurs débuts – la fusion noire et sexuelle du rock et du jazz – qu’il peine fatalement à s’en déloger au fil des albums. Impossible de ne pas flairer la répétition sur certains nouveaux morceaux (Come down from the ceiling), construits comme des agglomérats édulcorés des pépites jonchant leurs premiers albums. Le set principal pâtit donc quelque peu d’une sélection de titres un peu mous et redondants (qui culmine avec l’agaçante Channeling), même si le charme opère toujours et que l’on se love avec plaisir dans la voix de Jennifer et dans ses bras qu’elle ne cesse d’onduler vers le public. Le classique Sharpening Skills, boosté en tube punk, relance favorablement l’ardeur en milieu de concert.

Plébiscité jusqu’au bout, le groupe s’offre trois rappels et lui réserve les plus beaux morceaux du set. On savoure le très habité et sinueux Escape from New York, qui se développe dans toute sa profonde complexité, ainsi qu’une version dynamisée de Can’t tell my friends tout à fait bienvenue. Joyau de la soirée, Last Night on Earth s’achève sur l’excellent solo de piano d’un musicien au nom malheureusement resté incompris, invité seulement pour le titre.

Si Jennifer Charles et Oren Bloedow réussissent finalement à quitter la salle, ce n’est qu’au prix d’un morceau tout juste sorti de leurs entrailles, interprété seulement à deux, comme pour célébrer le noyau originel qui a vécu tellement d’aventures, revenu de tout, mais qui reviendra encore.

 Article : Timé Zoppé
Photos : Ugo Schimizzi

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