Dossier : Submarine – B.O. par Alex Turner

Enfin ! Alex Turner, leader d’Arctic Monkeys et parolier émérite se lance dans l’aventure solo. Après The Last Shadow Puppets, une excursion symphonique particulièrement intéressante avec son ami Miles Kane, le chanteur de la bande de Sheffield s’essaie à un EP plus personnel, « Submarine ».

Exit le gros rock du dernier album des Monkeys, sorti en juin dernier. Alex tout seul, c’est surtout des paroles étudiées, touchantes et drôles, servies par des mélodies faisant voguer la tête de gauche à droite. Les six chansons de l’EP servent également de bande originale pour le film Submarine de Richard Ayoade, l’acteur/réalisateur le plus déjanté d’Angleterre. Celui-ci n’en est d’ailleurs pas à sa première collaboration avec Alex Turner : il a réalisé nombre de clips pour Arctic Monkeys et The Last Shadow Puppets, dont le surréaliste « Crying Lightning ». Le film, sorti l’été dernier dans les salles françaises, narre les égarements existentiels d’un ado anglais décalé. Un sujet idéal pour le parolier, qui travaille ici le thème des amours adolescentes avec plus de maturité que sur ses premières bandes.

 Le bien-nommé Submarine jouit d’une vraie profondeur. La voix chaude du chanteur porte avec intelligence, délicatesse et humour des émotions dont il a le secret. Parfois cruelles, souvent tendres, les paroles réalistico-absurdes offrent un second degré brillant à des chansons de prime abord un peu trop lisses. L’intro annonce la couleur avec un aperçu acoustique pur de Stuck on the puzzle, la cinquième piste, où la voix du chanteur se suffit à elle-même. Et que celui qui n’a pas senti de frisson lui parcourir la nuque me jette la première pierre. L’écoute plonge d’emblée le spectateur dans un univers musical gageant d’une étonnante complexité. Hiding Tonight se pose tout en douceur, tendre sans être mièvre. Les mélancoliques attendront en vain que la voix de Miles Kane vienne répondre à celle d’Alex Turner ; la ballade rappelle clairement leur collaboration éclatante et les déclarations suaves de l’album The Age of the Understatement. Même ambiance pour la troisième piste, Glass in the Park, éclairée par des paroles qui soulignent parfaitement la bizarrerie poétique des rencontres adolescentes : There’s glass in the park / Darling, I can’t help but keep making appointments / To sweep beneath the climbing frame (Il y a du verre brisé dans le parc / Chérie, je ne peux pas m’empêcher de prendre encore rendez-vous / Pour qu’on se glisse sous les jeux du parc).

It’s hard to get around the wind est un petit bijou dramatique sur la maturité et l’acceptation. Une piste qui multiplie les métaphores pertinentes : But as long as you still keep pepperin’ the pill /You’ll find a way to spit it out, again (Mais tant que tu continueras à pimenter la pilule / Tu trouveras un moyen de la recracher, encore). Les accents folks et intimistes se mêlent naturellement au chant du compositeur, qui installe une identité musicale cohérente et même évidente ; on en oublie complètement ses anciennes influences rock. Mise en place judicieuse, puisque Stuck on the puzzle, la piste suivante qui est le climax de l’album, arrive comme un pavé dans l’onde tranquille. Une explosion mélodique sur fond de percussions illustrant merveilleusement des battements de cœur chaotiques… On sent l’expérience « Humbug » dans le rythme et le style, et le reste coule avec la voix d’Alex Turner. Inutile de lutter, après une écoute vous en aurez pour deux jours à chantonner : Fingers dimmed in the lights / Like you’re used to being told that you’re trouble / And I spent all night stuck on the puzzle (Les doigts affaiblis dans les lumières / Comme si tu avais l’habitude d’être vue comme un problème / Et je passais toute la nuit bloqué sur le puzzle).

 La conclusion arrive avec Piledriver Waltz, une composition amère qui referme l’opus et son univers en dessinant une image existentielle sur fond de guitare sèche : You look like you’ve been for breakfast at the heartbreak hotel / Inside of a back booth by the pamphlets and the literature on how to lose / Your waitress was miserable and so was your food / If you’re gonna try and walk on water make sure you wear your comfortable shoes (Tu as l’air d’avoir petit-déjeuné à l’hôtel des cœurs brisés / Dans le renfoncement à côté des pamphlets et de la littérature sur l’échec / Ta serveuse était exécrable et ton plat aussi / Si tu vas marcher sur l’eau, assure-toi de porter des chaussures confortables).

 Et pour ce qui est de marcher sur l’eau, Alex Turner réussit bien son coup et est parfaitement à l’aise dans ses pompes et ses chansons. Sa première création en solo est une réussite ; construite sur l’expérience mêlée « d’Humbug » et de « The Age of the Understatement », « Submarine » allie la puissance naturelle des paroles et l’efficacité épurée des compositions. Un EP à l’émotion décalée, bien distillée et élégamment construite, qui a le mérite de ne pas laisser sur sa faim grâce à un enchaînement tout en finesse.

On peut remercier Ayoade d’avoir demandé une participation solo à Alex Turner au vu du résultat. à tel point que l’on puisse penser que le film se révèle être la bande visuelle de l’EP plutôt que l’inverse.

Article & Illustration : Marine Pellarin

3 Comments

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