Live Report – Goran Bregovic – Zenith de Paris – 24 janvier 2013

Live Report – Goran Bregovic – Zenith de Paris – 24 janvier 2013

C’est à l’occasion de la sortie de son nouvel album, Champagne for Gypsies, paru en décembre dernier, que Goran Bregovic, un temps compositeur de Kusturica, est venu faire un tour de piste sur la scène du Zénith de Paris, ce 24 janvier 2013.

Et quand Goran Bregovic apparait, il frappe fort. Bien que pacifiste, ce yougoslave d’origine, ayant émigré en France suite à l’apparition de la guerre dans son pays natal il y a de cela plusieurs années, ne lésine pas sur la présentation de son nouveau terrain de jeu. Un Zénith de Paris bien rempli, un début de concert marqué par la descente de ses musiciens, jouant des cuivres depuis les gradins jusqu’à la scène, 2h30 de concert et des invités de prestige. Voilà les ingrédients d’un excellent show du maître à composer.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

Bien qu’il s’en défende – comme certains pourront le lire dans notre numéro 3 – l’homme a malgré tout dans les gènes les rythmes et gestuelles frénétiques de celui qui a écrit et dirige une troupe de près de vingt personnes. Car oui, l’autre aspect d’un concert signé Goran Bregovic est son orchestre « des mariages et enterrements » comme il l’a baptisé, qui l’accompagne. Une section cuivre, une section bois, deux chanteuses et un cœur de 6 hommes, également un percussionniste – Muharem Redzepi – aussi doué avec la grosse caisse de son goc drum (batterie de fanfare) qu’à la voix. C’est tout cela l’orchestre « des mariages et enterrements ». Dans le trio de compos de tête, on retrouve un entraînant Gas, Gas histoire de faire monter la température dans un Zénith perclus par le froid hivernal. Très vite, la salle dodeline de la tête, les bras balancent, les âges et nationalités se croisent et prêtent à l’osmose attendue.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

Car, il ne faudrait pas oublier l’intention première dans l’écriture de ce nouvel opus : la communion des peuples et plus particulièrement l’intention de laisser la place enfin espérée à l’ensemble des peuples Rom et Gitans d’Europe à travers le monde. C’est d’ailleurs vers l’écoute de l’ensemble de ce disque que se dirige les spectateurs après quelques chansons d’échauffement.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

Très vite, Goran Bregovic est rejoint sur scène par sa première invitée, irlandaise, en la personne de Selina O’Leary, gitane à la voix chaude et enthousiaste. Quelques pas de danse, deux chansons interprétées puis arrive son second invité. C’est alors une véritable ovation que le public réserve à ce Suisse né de père yéniche (communauté semi-nomade en Europe). Stephane Eicher apprécie l’hommage, nous régale de sa voix profonde et fini son tour de chant par son grand succès, Dejeuner en Paix, réinterprété dans une version intimiste et accompagnée des violons de Goran Bregovic. La tension et l’ambiance sont croissantes. Arrivent alors, aussi incroyables que facétieux, les Gipsy Kings. Une première introduction sur Bamboleo, où l’on peut se rendre compte que la voix du chanteur et la dextérité des bretteurs n’a rien perdu malgré les années.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

Puis l’on passe aux différentes compositions finement ciselées du maître des lieux, en compagnie du 1er groupe français disque d’or aux Etats-Unis. Celui-ci finira par interpréter leur archi succès Djobi Djoba, parsemé de quelques petites erreurs de voix amusantes. Goran Bregovic, durant tous ces instants, s’efface avec malice, laissant dans la lumière ses invités et ses musiciens excellents, rythmant le concert de quelques gestes de main, discret compositeur dirigeant à la baguette son petit monde. Jusqu’à l’arrivée de son ultime invité, flanqué de ses deux lieutenants, toutefois moins enivrés.  C’est bien sûr le « charmant » Eugene Hütz, bouteille de vin rouge à la main qui débarque alors sur le plateau. Premier rendez-vous avec les morceaux de son groupe Gogol Bordello autour de Wanderlust King, de gros problèmes de voix et de justesse se font ressentir. On craint le pire, mais finalement les compositions de Goran Bregovic sont parfaitement maîtrisées  Be That Man emporte le suffrage, tandis que ce brave Eugène manque de peu à plusieurs reprises de se vautrer la tronche la première du haut de l’ampli sur lequel il est maladroitement monté. Goran Bregovic s’en amuse, imperturbable, invitant même le phénomène à présenter un ultime morceau. Ce sera donc Pala Tute, premier titre de l’excellent album Trans-Continental Hustle paru en 2010. Les Gypsy punk se font ensuite la malle, laissant pas loin d’une heure durant Goran Bregovic repartir de plus belle entre compositions rock, créations orchestrales et chansons plus intimistes.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

C’est sur les coups de 23h que l’homme finira cette soirée, après un détour par une version originale de Bella Ciao, champ révolutionnaire italien de la première guerre mondiale, l’hymne Kalasjnikov indiquant le point culminant d’un concert endiablé, la salle terminant toute entière levée.

Goran Bregovic - Photo : Juliette Delvienne

Ecoutez Champagne for Gypsies dans votre salon, vous finirez certainement dans le même état !

Article : Ugo Schimizzi

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