Festival Passages : Baba Chanel

Babki fait de la résistance ! Le festival Passages accueille le Kolyada Theater et sa pièce Baba Chanel pour plusieurs représentations sous le Chapiteau AgiT. Et qu’il était agité, le chapiteau !

Cinq petites vieilles, chanteuses folkloriques, nous invitent au repas d’anniversaire des dix ans de leur troupe. Kapitolina va fêter ses 90 ans, jure comme un charretier et feint la mort pour tester ses copines. Sara est restée bloquée sur les textes de Marina Tsvetaieva, qu’elle déclame avec lyrisme selon ses états d’âme. Tamara, la meneuse de la troupe, peine à faire garder le calme aux petites vieilles en folie. Iraïda n’a de cesse de vouloir faire goûter son hareng aux autres, et Nina, quant à elle, toute petite, toute mignonne, a officié pour un bureau dont on chuchote qu’il est « top secret ».
Ce quintet débridé, loin de l’image sage des mamies qui tricotent, se voit mis en péril par l’arrivée d’une nouvelle arrivante. Bien qu’elle soit tout juste retraitée, on la voit à travers le regard des héroïnes : une jeune rivale apprêtée, femme fatale, d’où son sobriquet de Baba Chanel (Mamie Chanel). Soliste ! Elle sera leur soliste, leur jette Sergueï, manager dont elles sont toutes amoureuses malgré leur différence d’âge. Aux oubliettes les grand-mères, reléguées dans l’ombre, privées de leurs chapeaux ornementaux bien trop voyants. Mais ça ne va pas se passer comme ça, oh non…


Le spectacle est total : engueulades outrées, anecdotes nostalgiques, réactions absurdes, les petites vieilles ne se privent de rien. Et pourquoi se priver lorsqu’on a sa vie derrière soi ? Bien que le ton soit léger et les scènes souvent hilarantes, les thèmes sont tendres, cruels parfois. Nina dessine son paradis idéal, et le peuple de chats uniquement. Elle en a assez des humains, assez de tous ces problèmes. Elle préfère rouler dans sa petite voiture sans savoir où elle va, même si les conducteurs lui balancent doigt d’honneur sur doigt d’honneur. La remise en question de ces femmes est dévoilée sans tabou et avec un humour ravageur. Elles peuvent bien faire ce qu’elles veulent, elles à qui on a dicté quoi faire toute leur vie. Les voilà redevenues des enfants sans foi ni loi, avec leurs dentiers et leurs faux certificats d’invalidité, juste pour « avoir les avantages ». Elles rêvent qu’on les séduise, qu’on reconnaisse leur talent. Est-ce qu’il est vraiment trop tard pour ça ?
Joué intégralement en russe, on regrettera les surtitrages parfois trop légers ou désynchronisés. Mais le jeu des acteurs et actrices est tel que l’on ne perd jamais le fil, et on se laisse entraîner très vite dans le monde de ces petites vieilles attachantes. On en ressort avec une furieuse envie d’aller faire un câlin à sa mamie. Alors pour les citer, « c’était énorme ». Cпасибо, Kolyada Theater !

Article : Marine Pellarin

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