Les années 1990 ont beau avoir consacré les modes les plus ignobles en terme de relicats vestimentaires, elles n’en sont pas moins une période bénie pour le grunge, le rock et le punk. Recueillant des perles comme l’excellent « fear of the dark » d’Iron Maiden, la sortie de l’archi-célèbre « Nevermind » de Nirvana, c’est aussi la décennie qui verra exploser The Offspring avec l’album « Smash ».
Formé en 1984 en Californie autour de Dexter Holland (chanteur ayant appris le métier sur le tas) et Greg K (bassiste), le groupe a eu la bonne idée d’intégrer un certain Noodles au poste de guitariste, un an après sa création. Seul majeur du combo, le nouveau bretteur a vu son recrutement favorisé par un talent spécifique : le pouvoir d’acheter de la bière. La magie opérant, Manic Subsidal (!) devient alors The Offspring.
1994 : l’album de la consécration, soit 14 millions d’exemplaires vendus, mais aussi la mort de Cobain, la sortie de l’album éponyme de Korn et celle du « Dookie » de Green Day et surtout l’abandon de la thèse en biologie moléculaire du chanteur. Bref, on s’éclatait bien aussi dans les années 1990. Comme tout groupe mythique débutant avec un gros succès sur un label indépendant, en 1997 la bande à Bon… Dexter se retrouve fortuitement obligée de signer chez Columbia/Sony Music. Et par la même occasion, de quitter Epitath Records, tenu par le guitariste de Bad Religion, avec qui le divorce ne se fera pas dans la douceur.
Evidemment, ce changement est loin d’être une trahison, les gars en profitent juste pour s’épanouir et créer les chansons les moins revendicatrices du monde : sea, sex & fun.
Dexter Holland déclarait en 1997 : « On ne voit pas Columbia comme un tyran. On a vu comment Rage Against The Machine et Pearl Jam ont dicté leur loi là-bas, donc on y arrivera forcément ». En studio, The Offspring se décide à nommer son 6e opus « Chinese Democrazy » en référence à l’interminable création de l’album des Guns n’ Roses, « Chinese Democracy », prouvant que l’humour fait bien partie intégrante du groupe. Les punks renoncent finalement à cette idée face au procès annoncé. En concert, The Offspring révèle tout son potentiel, Noodles passant son temps à sauter et parcourir la scène et Holland assurant des lignes de chant relativement justes, malgré les années. Pas énormément de grands dialogues mais une certaine interaction avec le public, qui n’en attend pas moins pour faire la fête et se montrer présent. Noodles confessait d’ailleurs il y a quelques années à propos du live : « Jouer dans un concert, ce n’est pas juste jouer correctement, mais il faut aussi ressentir l’énergie du public. Ce qui arrive à Warren Fitzgerald des Vandals est génial, c’est un guitariste phénoménal et il n’hésite pas à se jeter dans la foule au milieu d’un solo afin de s’éclater avec le public. »
L’auditoire d’Offspring, composé de jeunes pousses en devenir et de vieux ados bien heureux de renouer avec leur passé, est plutôt enjoué à chaque retour du groupe dans l’hexagone. Il y a de quoi, malgré la durée du set bien inférieure à 1h30 (« ouais, mais c’est
punk » me direz-vous !). En 2003, les punks se retrouvent en première partie d’AC/DC au Stade de France. Mélange étrange entre deux poids lourds de leur catégorie. Fait rare, le quatuor bénéficie toujours du même trio, la place de batteur étant la seule à avoir évolué au cours des années, reprise par Pete Parada depuis 2007. On retrouve donc Dexter Holland au chant et à la guitare, Noodles et ses cheveux peroxydés à la gratte solo et le très discret Greg K à la basse, qui se verra dédicacer lors du concert à Amnéville en 2011, une chanson par sa femme via un télégramme plutôt sympa, afin de fêter à distance leurs quatorze ans de mariage. Qui a dit que le punk n’était pas mignon et romantique ?
The Offspring, non content d’être un groupe aux rythmiques énormes a bien apporté sa bière à l’édifice du punk en empruntant des voies engagées, du moins au début de leur carrière. Ainsi, leur 1er album, sobrement intitulé « The Offspring » et pressé à 1 000 exemplaires, revient de manière récurrente sur le thème de la guerre, un sujet régulier de discorde aux états-Unis (Jennifer
Lost the War, Out On Patrol, Tehran, Kill the President). Plus tard, la chanson Americana, sur l’album du même nom sorti en 1998, marquera le retour à des paroles au sens plus marqué, peignant alors un portrait grinçant de l’Amérique. L’engagement est aussi physique, puisque Noodles se fera poignarder en 1990 lors d’un concert anti-nucléaire à Hollywood, ce qui ne l’empêchera pas de reprendre le chemin de la scène.
Concernant le décorum des pochettes des albums, il est aussi aléatoire qu’anecdotique. Globalement, on comprendra d’ailleurs mieux leur attrait pour le téléchargement. Le quatuor, comme tout groupe punk depuis trente ans, participe activement à cet éternel revival du « punk’s not dead » aux côtés de leurs influences – Dead Kennedys, NOFX, Bad Religion – et des jeunots inspirés par les californiens – Sum 41, Linkin Park, Paramore. éloigné des courants revendicatifs propres au punk français – Béruriers Noirs, Sales Majestés, Parabellum – ou anglais – Sex Pistols, The Clash – le groupe se révèle le plus efficace dans l’enchainement de productions tubesques et carrées, tempo rapide, refrains « woohoo ! » et temps moyen de 3 minutes dessert et café compris. Chacun sa vision du punk après tout !
Article & Photos : Ugo Schimizzi