Interview : Trentemøller

Trentemøller est un des rares Danois à avoir réussi à se faire un nom dans le domaine musical international, non seulement en tant que DJ ou en tant qu’artiste solo, mais aussi en tant que producteur de nombreux remixes. La liste des artistes remixés est longue comme un bateau viking et très éclectique : Franz Ferdinand, The Knife, Moby, Pet Shop Boys, Röyksopp et aussi Depeche Mode avec la chanson Wrong. Ces derniers n’ont d’ailleurs pas hésité à adouber Trentemøller et à l’inviter à venir faire la première partie de quelques concerts de leur tournée en 2013.

Le très enthousiaste Anders Trentemøller, car c’est bien son vrai nom, n’a donc pas fini de faire parler de lui et de surprendre avec son style proche d’Amon Tobin par moment ou encore de la new wave et de l’ambient. Il sera à l’Atelier au Luxembourg ce dimanche 23 février pour vous montrer ce que The Guardian a nommé ses « contemplations spectrales et numériques ».

 

Bonjour Trentemøller. Qu’es-tu donc ? Un DJ ? Un producteur ? Un musicien ? Ou tout ça à la fois ?

Bonjour Nathalie ! Oui, je fais beaucoup de choses, c’est vrai ! Pour cette tournée je joue avec mes propres instruments et avec mes musiciens. La principale différence par rapport à avant est que je joue mes propres titres. Je ne me vois donc pas comme un DJ en ce moment. D’ailleurs, le fait d’être DJ est surtout un hobby pour moi.

 

Peux-tu nous raconter comment tu as été contacté par Depeche Mode ?

C’était vraiment dingue. En fait Dave Gahan a contacté son label, qui a contacté le mien. Ce dernier m’a enfin contacté. J’ai fait la première partie de six ou sept de leurs concerts et Depeche Mode a beaucoup aimé mes prestations. C’est quand même fou de savoir qu’après 30 ans dans le business, ils continuent de suivre ce qui se passe dans la musique électronique dans le monde. D’ailleurs, ils suivent jusqu’au Danemark ! Ils aiment toujours la musique indépendante et c’est vraiment incroyable !

 

Ce n’était pas trop dur de faire leur première partie, alors que les fans les attendaient eux ? 

Oui, c’était leur concert et faire la première partie était un véritable challenge pour moi. Les fans de Depeche Mode sont des fans extrêmement fidèles. Mon son a été efficace, quand je repense aux réactions de la foule, et je pense que le public a apprécié.

Changeons un peu de sujet et venons-en à votre album appelé Lost. Pourquoi avoir choisi ce titre, qui peut être très péjoratif ?

En fait, l’adjectif « perdu » n’est pas forcément péjoratif pour moi. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais c’est le  mot qui me venait constamment à l’esprit lors de la production. C’est un titre à double tranchant. Cela peut vouloir dire « ne pas savoir où on est », mais dans un autre contexte cela veut dire par exemple « lost in love » ou « lost in music ». Cela dénote une certaine perte de contrôle dans ta musique et que tu es inspiré. Je pense que c’est sain de savoir perdre le contrôle des fois et de se laisser aller. J’aime ce contraste dans le titre. Cela souffle le chaud et le froid.

 

Pedro Almodóvar a utilisé ton titre Shades Of Marble dans son film The Skin I Live In. Comment te sens-tu par rapport à cela et au résultat final ?

C’est vraiment génial ! J’aime que quelqu’un utilise ma musique de façon créative. Pour Almodóvar, c’était très spécial car il m’a demandé toutes les parties de ma musique : il voulait la batterie seule, la guitare seule etc. Il a utilisé ma chanson dans une séquence importante du film, une séquence où pendant deux minutes la musique avait le rôle le plus important du film. Il n’y avait que ses images et ma musique, personne ne parlait. C’était très intéressant d’avoir une perspective différente et c’est un vrai honneur.

 

 

J’ai aussi vu que tu t’étais engagé pour la libération des Pussy Riots. En quoi te sentais-tu concerné ?

Je me sentais concerné par leur sort en tant qu’artiste, en fait. Je ne saurai jamais ce que cela veut dire de ne pas avoir la liberté de s’exprimer comme bon vous semble, surtout en tant qu’artiste. Je ne saurai jamais ce que ça fait que d’être enfermé dans un camp de travail en Russie pendant deux ans. Je pensais qu’elles avaient besoin d’un soutien artistique et voilà pourquoi je l’ai fait.

 

Lors de ta dernière tournée tu avais partagé pas mal de moments sur ton blog ou sur les réseaux sociaux. Cela t’a plu ?

Oui, j’ai partagé les meilleurs moments mais aussi les moments où il ne se passait pas grand-chose. Je voulais partager l’ambiance de la tournée sur Facebook et sur mon blog. Je voulais en quelque sorte que le public soit avec nous sur scène. Je voulais aussi partager les moments qui sont moins glamours, où on jouait à Guitar Hero par exemple. Les tournées comportent toujours de longs moments d’attente et parfois d’ennui. Cela nous arrivait de composer aussi dans le bus, car nous avions un petit coin lounge.

 

Être en tournée ou être en studio, que préfères-tu ?

En fait, j’aime l’alternance des deux. Il peut arriver que tu passes 10 ou 12 mois dans un studio ou chez toi lorsque tu prépares un album. C’est un processus très long, mais c’est très créatif. Tu apprends aussi pas mal de chose sur toi-même. Tu extériorises tes sentiments, en les mettant sur papier. Ensuite, vient alors le moment de le partager avec le monde entier et de rencontrer des gens intéressants. J’aime partir en tournée avec mes musiciens et j’aime me réveiller dans une ville différente chaque matin. Souvent je me balade dans la ville, histoire d’avoir au moins un petit aperçu et de trouver un ou deux vinyles locaux.

 

Enfin, notre question rituelle : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones ? Et pourquoi ? 

C’est très dur comme question ! Quand j’étais plus jeune, j’écoutais plus les Beatles. Aujourd’hui je pense que les Rolling Stones sont meilleurs car ils sont encore là. Ils font des tournées. Je vais les choisir car ils sont plus dirty et plus cools.

 Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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