Interview : Saint Michel

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Le duo versaillais joue dans les plus grands festivals français cet été, après avoir sorti son premier album Making Love and Climbing fin 2013. C’est en Bretagne, aux festival des Vieilles Charrues, qu’on a rencontré Emile Larroche et Philippe Thuillier, à quelques heures de leur concert, pour leur poser quelques questions, à la cool.

D’abord, est-ce que vous pouvez nous raconter votre rencontre et les débuts de Saint Michel ?
Philippe : Alors on s’est rencontré dans un marché aux fleurs… (rires) Non, on change à chaque fois. En fait, j’avais un groupe avant, que j’avais fondé d’ailleurs avec un pote qui s’appelle Léon, qui a fait beaucoup de graphisme pour Saint Michel, il nous a aidé pour la pochette de l’EP, pour des vidéos, on a fait plein de vidéos avec lui. J’avais donc monté un groupe de pop-rock et on avait besoin d’un guitariste, du coup, Emile est venu faire une audition et d’ailleurs, il l’a un poil mal pris, parce qu’on ne l’a pas rappelé pendant deux mois…

Emile : Nan, enfin, je me suis juste dit que c’était mort !

Philippe : Et en fait, deux mois après, on avait un concert. C’est un peu bizarre, en fait, on s’est dit « on a personne, enfin pas grand monde à appeler, tiens si on rappelait Emile, on lui donne sa chance. » Là, il y en a qui ont fait « ouuh nan pas bien », mais on a tenté le coup.

Emile : Et ouais !

Philippe : Et c’était bien. Le seul truc que j’en garde, qui m’a marqué, c’est sa position sur scène.

Ensemble : Les jambes écartées !

Emile : Un peu ouais, d’accord.

Philippe : Il avait une position un peu cowboy, avec les jambes un peu écartées comme ça, il jouait de la guitare et ça, c’était vraiment la rencontre. Et après, on a continué peut être un an ou deux avec ce groupe là, à faire des morceaux, mais on avait un petit peu de mal, parce qu’on n’avait pas d’équipe autour de nous, on n’avait pas de producteur, on ne passait pas en radio, on a fait quelques concerts, mais on bookait tout nous-mêmes donc c’était un peu compliqué, on faisait nos propres disques. Comme je suis ingénieur du son, j’enregistrais et on mettait nos sous, ou on faisait des demandes de subventions et on pouvait payer 500 exemplaires qu’on filait après aux pros, mais on avait un peu du mal à aboutir. Du coup c’est devenu un peu compliqué niveau ambiance, ça s’est un peu essoufflé et on a commencé à faire des morceaux avec Emile, et du coup voilà, Saint-Michel est né comme ça.

Vous faîtes de l’électro, et vous venez de Versailles… Forcément, quand on le sait, on pense à Daft Punk et Phoenix, pas trop la pression d’être comparés à ces deux groupes ?
Philippe : Ouais alors, Daft Punk ne vient pas de Versailles. Dans l’imaginaire collectif, Daft Punk, c’est versaillais. Phoenix, eux ils sont versaillais et Air aussi. Ca ne nous met pas du tout la pression, c’est plutôt chouette d’être comparés. Après, entre Air et Daft Punk, il y a quatre mondes, il y a quatre voies lactées et cinq planètes de plus. Ils ne font pas du tout le même son, donc en fait dans électro, nous on avait juste besoin de préciser un peu le truc, parce qu’électro c’est tellement large, entre Daft Punk qui, jusqu’à aujourd’hui, faisait plutôt de la techno entre guillemets, et maintenant ils font plutôt de la funk… Funk disco à l’ancienne. Et Air qui fait une électro hyper-clinique, hyper-aérienne. Donc il y a quand même des trucs différents. Il y a Phoenix qui viennent de Versailles et eux aussi, certains les qualifient un peu d’électro, parce qu’ils mettent du synthé, mais dans du pop-rock, dans une base batterie-guitare. Du coup, Saint-Michel, ça se positionne entre ces groupes là, quelque part entre ces trois là.

Mais du coup, c’est plus facile de faire de l’électro en France ?
Emile : Euh, ouais, je ne sais pas, je ne sais pas s’il y a vraiment une règle là dessus. En tous cas, ces derniers temps, il y a eu plein de groupes de rock, peut être de rock un peu punk, genre Skip The Use et des trucs comme ça qui marchent super bien. En tous cas, ils ont une grosse retombée en live, forcément, parce que ça envoie assez fort et il y a un côté fête. Après, des trucs comme Fauve, pour moi c’est plus pop-rock qu’électro. Tu vois, le côté basse-batterie-guitare, bon c’est ce qui marche, après, là, c’est plus lié à un truc de chansons à texte et du fait qu’on soit en France et que ça marche bien en France. Mais je ne sais pas, j’avoue que je ne me suis pas posé la question de savoir si ça marche mieux le rock que l’électro.

Justement, quelles sont vos influences musicales ?
Emile : On a plein d’influences musicales, justement on s’y perd un peu des fois quand il s’agit de composer pour l’album, parce que ça passe de la folk acoustique à la Nick Drake, à du Radiohead, à de la grosse électro, du Flying Lotus, des trucs comme ça. Donc, ça va un peu partout et on essaye de faire un petit mélange de tout ça. Ce qui est drôle, c’est que souvent, entre ce qu’on écoute et ce qu’on aime et ce qu’on a l’impression de mettre dans notre musique, ce n’est pas ce que les gens y voient. Là, je lisais dans le programme du festival, ils nous comparent à Archive. Moi Archive, je connais, je ne déteste pas, mais ce n’est pas du tout la musique que j’écoute. On nous a pas mal comparé à MGMT aussi, que j’aime bien, mais que je n’écoute pas trop.

C’est pas mal MGMT…
Emile : Ouais, mais c’est parce qu’on est deux jeunes gars un peu à la cool et qu’on fait une musique un peu sunshine, assez naïve, c’est pour ça. Mais je n’écoute pas, enfin on n’écoute pas trop MGMT.

Les chansons de votre premier album sont souvent longues…
Philippe : Ah ouais ?

Elles font souvent plus de 5 minutes, comment vous l’expliquez ?
Emile : Ah ouais, mais parce qu’on met des intros, des outros souvent, on cale des petits bouts de rushs. Des fois on prend un bout de la chanson qu’on met en ralenti à fond. On le fait sans forcément y réfléchir, on le fait un peu par hasard ou c’est un petit accident dans l’ordinateur et on aime bien comme ça sonne, du coup on le colle à la fin d’une chanson. Souvent, c’est un peu pour ça qu’elles sont longues. Il y a quelques chansons qui ont un développement un peu électro aussi, donc qui prennent du temps.

J’ai aussi remarqué que vous utilisez trois prénoms (Bob, Katherine, Lucie) comme titres de vos chansons…
Emile : Ouais on voulait faire un album que de prénoms.

C’est vrai ?
Philippe : Ouais, on n’a pas réussi.

Votre nom de groupe est aussi composé avec un prénom… Pourquoi ?
Philippe : On aime bien les trucs un peu personnalisés, c’est un côté humain pour nous. On a envie de s’adresser à des gens. On a envie que les choses soient personnalisées, je crois que c’est le bon mot. On a envie d’être assez proches des gens. Ca vient d’une blague aussi Saint Michel, vu que moi à l’époque, j’appelais tout le temps Emile Michel, j’appelais tout le monde Michel ou Patrick. Il y a un côté à la bonne franquette, pour moi Michel, c’est un mec qui t’attend au comptoir avec un petit godet pour boire un coup. Les noms de filles, c’est pour ancrer le truc dans quelque chose de plus humain, t’as l’impression de t’adresser à quelqu’un de précis. Ce n’est pas forcément des personnages réels, ce n’est pas des copines ou des mamans ou des amies, mais ça permet de rendre le truc un peu plus réel pour nous.

Vous n’êtes que deux, est ce que c’est plus facile pour composer lorsque l’on travaille en duo ?
Philippe : Ca ne change rien, parce qu’en gros, c’est moi qui compose et après, on orchestre à deux.

Emile : Mais ouais, c’est forcément plus simple que de bosser à 5 parce que tu as deux fois moins de personnes… Alors c’est peut être moins riche dans un sens où chacun à ses influences, chacun va mettre sa patte, que l’autre ne pourra pas mettre.

Philippe : Ca dépend des équipes. Regarde sur Milestone (son groupe précédent, ndlr), à la fin, enfin dans les bons moments, quand on s’entendait bien, on était à 5, chacun faisait son boulot. Si les choses sont bien réglementées entre guillemets, si chacun à son territoire musical, si chacun se fait confiance, alors chacun va apporter sa petite pierre à l’édifice. Mais, en fait, il faut distinguer l’arrangement de la composition, c’est un peu compliqué à expliquer comme ça, mais je ne crois pas qu’on compose réellement à plusieurs en fait. Je pense qu’il faut qu’il y ait une idée de départ et après tout ce qui est arrangement ou orchestration, ça, ça peut se faire à 300 000.

Dernière question, plutôt Beatles ou Rolling Stones ?
Philippe : Ahah !

Emile : Bah moi, honnêtement je suis carrément plus Beatles, mais ces derniers temps, j’ai plus écouté les Rolling Stones. Je suis allé les voir en concert au Stade de France, il y a quelques semaines et je redécouvre un peu et c’est génial aussi. Mais je suis plus Beatles.

Philippe : Moi ce qui m’ennuie en fait là dedans, c’est qu’il y a une espèce de parti-pris : tu dis Beatles, c’est pour le côté scolaire, propre sur soi et si tu dis les Stones, c’est que tu aimes vraiment l’esprit du blues et du rock’n'roll. Bref, j’ai le droit de faire le vilain petit canard et de ne pas choisir ?

C’est comme tu veux !
Philippe : Bon alors, pour l’esprit, parce qu’on est aux Vieilles Charrues, en festival et tout, moi je dis les Stones. Mais ce n’est pas pour l’écriture musicale, parce que sur l’écriture, je trouve que les Beatles, ils les torchent, mais pour le spirit rock, c’est incomparable pour le live. Le live, les Beatles, c’est genre… Ils en ont fait quand ils avaient la coupe au bol et puis ils ont carrément décidé d’arrêter les concerts en 1965 ou 1966, pour se consacrer au studio, donc du coup, c’est pas comparable. Donc pour l’énergie, pour le live, les Stones, sans aucun problème.

Propos recueillis par Manuella Binet.

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