C’est dans l’intimité d’un dimanche soir que Robert Francis est venu ravir son public à la Rockhal d’Esch-sur-Alzette. Une ambiance feutrée en accord parfait avec son univers ce 18 mai 2014.
Ce soir deux premières parties nous sont proposées. On entame donc avec Maxim Ludwig qui ouvre avec une ballade au texte et aux gymniques torturées. Il a cette même sensibilité dans l’interprétation que notre hôte d’un soir. La seconde chanson est accompagnée par son harmonica, ajoutant cette dose de blues si suave et envoûtante qui ne laisse pas indifférent.Sur sa troisième piste on switche dans un registre un peu plus country. Sa voix cristalline fait même penser parfois à du Bob Dylan. La sensation d’avoir une rémanence de l’univers de Francis est expliquée quelques minutes plus tard : Maxim est le guitariste des Night Tide.
Le hors-d’oeuvre terminé, nous passons à l’entrée avec The Melodic, un groupe anglais composé d’une voix de tête masculine et d’une voix basse féminine. D’emblée, on sait, par la présence d’instruments tels que le youkoulélé, le piano à bouche ou encore une « mini-harpe », que l’exotisme sera de la partie. C’est sans conteste que le folk et l’indie-pop envahissent la salle. Le public dodeline et le souffle lointain des « ballades irlandaises » égaie et enchante. Les applaudissements et autres encouragements prouvent qu’il n’est pas besoin d’être des milliers pour chaleureusement remercier les artistes.
Jeans troués, T-Shirt Peyote (plante mexicaine contenant de la mescaline) sur fond de logo Pepsi, tatouage « Love Mom », une petit air de Romain Duris, Robert Francis débarque (une bouteille à la main, peut-être pour se donner du courage ?).
On est quelque peu surpris par une mise en place « à la cool ». Cette sensation de flottement disparaît rapidement lorsqu’on comprend que les membres du groupe jouent bel et bien les choeurs sur la première chanson, pendant que le multi-instrumentaliste s’affère à une session guitare-voix. On partage alors sa douleur avec lui. Deuxième chanson, les musiciens sont à leurs postes, enfin pas tout à fait car Maxim, le guitariste présumé, est au clavier. C’est Darkness qui retentie. Premier constat, le nouvel album est beaucoup plus énergique que les précédents et c’est un rock pêchu qui sort des enceintes. Robert ne se ménage pas et met à rude épreuve l’auto-focus.
C’est au tour de Keep on running de l’album Nightfall de combler les fans.
S’enchaînent alors des titres du dernier album comme One by One et son intro digne des Pink Floyd, puis une autre dont les sonorités à la U2 viennent conquérir les plus récalcitrants. Entre chaque chanson Robert prends le temps d’accorder sa guitare d’une manière méticuleuse, ce qui en fait un running gag dont il s’amuse : « As you know I like to tune my guitar ». Pour la première fois de la soirée, sur la ballade Take me to the water, sa voix explose et se place devant les instruments qui couvraient jusqu’alors quelques peu son timbre si particulier.
Attention je ne dis pas que les chansons d’avant n’étaient pas irréprochables, je dis juste que l’énergie, la puissance qui les accompagnaient n’étaient pas en adéquation avec mon envie de calme. Dès lors, la suite est un véritable régal. Une percée dans la carapace de chacun, qui vient vous prendre aux tripes et ne peut vous laisser qu’admiratif. C’est avec ses ouhHouHouYouHou dont il a le secret, accompagnés uniquement par un rythme binaire à la batterie que sa sensibilité s’ancre définitivement dans la soirée.
Il fait fît du (trop petit) nombre de présents et par un « anyway » il balaye d’un revers de main la potentielle déception qu’il pourrait éprouver et se concentre sur nous, preuve d’une grande maturité malgré son jeune âge. Tout en accordant de nouveau sa guitare, il nous demande si nous avons une demande en particulier et prends le temps de blaguer. C’est là que le moment magique arrive, seul avec sa guitare, c’est tout en fébrilité qu’il nous assène ses « Something Easy » de Star Crossed Memories et que nous partageons sa complainte. I Like the Air qui n’est pas ma préférée de l’album Nightfall prend une toute autre dimension en live et nous ramène à la réalité de l’artiste. Il se donne corps et âmes et c’est vraiment jouissif.
Le musicien en lui est alors libéré et c’est une séquence à la Jimmy Hendrix à laquelle nous avons droit, seul un staccato à la batterie accompagne le solo de Robert à genoux sur la scène qui attaque les dernières frètes. Après une explosion pareil, rien de tel qu’un peu de Mescaline pour se calmer : une lente montée pour un réveil des sens en guise de bouquet final. Ce feu d’artifices est clôturé par le titre Junebug qui débute par un duel, bassins penchés, entre les guitaristes.
Le rappel se fera en solo avec un déchirant Some things never changes. Et c’est bien là tout le mal que je lui souhaite.
Article et Photos : Yvan CAUVEZ