Le samedi 18 octobre marquait la 11ème et dernière journée du festival Nancy Jazz Pulsations #41. Pour clore en beauté cet événement marquant de la fin d’année, nous avions rendez-vous au Chapiteau, installé comme chaque année dans le parc de la Pépinière, pour y savourer une soirée aux genres hétéroclites avec Mr Yaz, Gilberto Gil, Dirty Loops et Ibrahim Maalouf.
C’est face à un Chapiteau bondé que le groupe Mr Yaz fait son entrée. Composé de cinq musiciens ; un batteur, un guitariste, une bassiste, un pianiste et un chanteur ; Mr Yaz est un melting-pot musical qui mélange la musique noir américaine des 70’s et la pop, le tout assaisonné avec des sons électroniques. Avec des textes de la langue de Shakespeare, le groupe lorrain n’a besoin que d’un seul morceau pour séduire et conquérir le public. À la fois douces, puissantes et entraînantes, les compositions laissent une place importante aux instruments permettant aux musiciens de prendre le devant de la scène et d’y incorporer un grand nombre de solos : ceux de la bassiste étant les plus remarquables. Le visuel n’est pas en reste, les projecteurs se mêlant en un assortiment de couleurs au rythme des morceaux.
Malgré le peu de communication avec le public, les musiciens semblent se faire plaisir sur scène, ils dansent et vivent chaque note à fond, ce qui semble satisfaire le public. Ce n’est qu’accompagné de sa guitare électro-acoustique, que le chanteur prend la parole afin de faire apprendre au public le refrain de la dernière chanson. Dansant, tapant dans les mains et applaudissant chaleureusement après chaque morceau, c’est après un set enthousiasmant que Mr Yaz quitte la scène plaçant haut la barre pour les groupes suivants.
L’entracte permet aux techniciens de mettre en place les nombreuses caméras pour la captation du livre du prochain artiste. C’est après 20 minutes d’installation et un timing toujours irréprochable, que Gilberto Gil monte sur scène. En attendant la sortie de son prochain album, le brésilien de Saõ Paulo entame une tournée solo afin de faire découvrir les rythmes et sonorités latines de la bossa-nova. À l’opposée du groupe précédent, le musicien est seul, accompagné de sa guitare électro-acoustique mais surtout assis sur une chaise. La scène des NJP parait tout de suite immense mais surtout mal configurée pour une telle prestation. Le jeu des lumières est minime, seules des lumières colorées fixes éclairent le chanteur. Malgré le fait que le public ne distingue que peu Gilberto sur scène, il chante en cœur l’ensemble des chansons de l’artiste et cela dès le premier morceau. Le musicien est très communiquant avec eux, leur parle et explique tous les morceaux qu’il interprète, ce qui a tendance à rendre le live extrêmement ludique et intimiste même si le Chapiteau est plus que rempli.
L’ancien Ministre de la Culture du Brésil interprète des musiques aux sonorités d’antan, aux textes à la fois français, anglais et brésilien. On peut notamment retrouver les chansons Touche pas à mon pote ou Haïti. C’est après un set d’un peu plus d’une heure et quinze minutes, où le public était en totale communion avec le chanteur, que Gilberto Gil salue, sous un tonnerre d’applaudissement, la salle.
C’est maintenant au tour de Dirty Loops de monter sur scène. Composé de quatre musiciens ; un chanteur, un synthétiste, un bassiste et un batteur ; le groupe suédois fait son entrée sur la musique de Mac Giver. Plus connus grâce à leurs reprises, notamment celle de Just Dance de Lady Gaga, c’est avec la sortie de leur premier album Loopified, en ce début d’année 2014, que le groupe entame sa tournée. Le secret de leur réussite est la réinterprétation de morceaux d’autres artistes en y ajoutant des sonorités électroniques. Les musiciens montrent leur énergie dès leur entrée sur scène la partagent avec le public.
Les compositions, à la fois des reprises et créations de leur part, sont toutes en anglais. Malheureusement, le chanteur a la voix criarde, chante par-dessus une bande enregistrée ce qui rend évident chaque dérapage et laisse planer le doute sur du playback par instants. Le batteur exploite de son côté une large gamme technique et n’hésite pas à user de rythmes à contretemps pour dynamiser les morceaux. Le bassiste lui aussi sait montrer l’étendue de son talent usant énormément de slap sur sa 6 cordes. Néanmoins, le mélange de ces deux instruments écrase assez rapidement la voix du chanteur et le synthétiseur, l’harmonie n’est pas au rendez vous et laisse un sentiment étrange à nos oreilles.
Côté jeu de scène il n’y a rien à redire, les musiciens s’éclatent sur scène, les jeux de lumière restent simples mais efficaces, mettant en valeur les Suédois.
C’est après un set d’environ une heure, que les Dirty Loops saluent le public et repartent avec les applaudissements du public sur la même musique qu’à leur entrée, laissant le champ libre à Ibrahim Maalouf.
Ibrahim Maalouf était déjà sur la scène des NJP l’an dernier pour y lancer sa tournée Illusions. Entre temps, il a été récompensé dans la catégorie du « Meilleur album de musique du monde » aux Victoires de la Musique 2014. Pour son retour ce soir, il est évident que le live sera similaire, mais la qualité et la motivation qui accompagnent son nom désormais bien connu devraient suffire à offrir au public une soirée d’exception.
Accompagné par sept musiciens ; trompettistes, claviériste, batteur, bassiste et guitariste ; c’est incognito parmi les cuivres qu’Ibrahim Maalouf fait son entrée sur une musique instrumentale en crescendo.
Le décor est simple : un drap argenté en fond de scène, surement pour que le public fasse abstraction de tout ce qui est superflu afin qu’il se penche sur toutes les sonorités subtiles présentes dans les compositions. Le musicien franco-libanais, compose des morceaux où le jazz, issus des pays du continent américain, rencontre le monde oriental. Un jeu de questions/réponses s’installe entre les cuivres et le trompettiste, ce qui accentue la musique en la rendant d’avantage puissante. Usant de toutes les sonorités possibles, Ibrahim n’hésite pas à utiliser le micro de son instrument pour y siffler un air oriental. Tout de suite suivi par le public, comme invité dans l’orchestre, le trompettiste y pose alors un air de trompette, l’air est ensuite intensifié par les autres musiciens qui s’ajoutent les uns après les autres, soudant le lien entre acteurs et spectateurs.
Le jeu de lumières commence de manière simple, ambiance tamisée de deux couleurs, pour être de plus en plus intense avec un jeu plus dynamique comme on pourrait le retrouver dans les concerts de Rock’n’roll.
Il faudra attendre la moitié du set pour qu’Ibrahim Maalouf ne prenne la parole. Après une présentation de ses musiciens, il explique le chemin parcouru depuis la date de l’an passé notamment en expliquant la victoire de son album Illusion aux Victoires de la Musique et le disque d’or obtenu pour Illusions. Il en profite pour remercier le public pour son soutien et rappelle que sans lui sa vie de musicien serait impossible. Avant la reprise du live, il parle longuement de la composition du morceau Beyrouth. Cet hommage à sa ville natale, à Led Zeppelin et au hard rock où il l’a découvert est une de ses compositions les plus poignantes.
Ibrahim, s’improvisant professeur de chant, demande au public de faire un « mi bémol » afin de lancer le morceau et que le groupe les rejoigne. Après quelques péripéties plutôt amusantes, le public parvient à s’exécuter. Le morceau débute de manière douce pour finir sur une explosion notamment grâce au solo de guitare accentué par un jeu de lumières hors du commun. Le public plus que conquis, offre un tonnerre d’applaudissements à la prestation.
Après un set d’une heure quarante cinq, c’est avec le morceau True Sorry qu’Ibrahim Maalouf et ses acolytes quittent la scène des NJP. Au grand regret du public qui à renfort d’applaudissements et de cris parvient à rappeler l’ensemble des musiciens pour un rappel aux sonorités écossaises avec la présence d’une cornemuse, ce qui clos avec brio la dernière soirée de cette édition du festival Nancy Jazz Pulsations.
Article: Sophie Grivel
Photos : Matthieu Henkinet