Dernier né des studios américains Blue Sky – par ailleurs à l’origine de l’excellente franchise L’Âge de Glace, Rio 2 est sorti sur nos écrans le 9 avril dernier. À première vue, rien ne le distingue des autres récents films en images de synthèse, dont l’engouement a été initié par les studios Pixar (Le monde de Nemo, Wall-E…) et Dreamworks (Shrek, Kung-Fu Panda…). Alors, qu’est-ce qui fait la différence ?
Le réalisateur de Rio 2, Carlos Saldhana, revendique le côté « retour aux sources » de son dernier rejeton. Cela se voudrait, en quelque sorte, un Roi Lion moderne transposé dans la jungle amazonienne. Pourtant, aucune similitude dans le scénario : pas de royauté difficile à assumer, ni d’histoires de famille shakespeariennes émaillées de fratricide. Ici, l’argument est plus lumineux : Blu est un ara bleu qui pense que lui et sa compagne Perla sont les derniers spécimens de leur espèce (leur rencontre et la nécessité d’une attirance entre les deux étaient d’ailleurs les enjeux du premier volet). Ils ont maintenant trois enfants, et vivent dans un confort absolu à Rio de Janeiro. Mais quand leur couple de maîtres part explorer la forêt amazonienne et découvre l’existence d’autres aras bleus, Blu et sa famille décident de s’embarquer pour un voyage en terre inconnue à la rencontre de leurs congénères.
S’il ne renouvelle pas le genre, le scénario reste honnête et permettra sans doute aux spectateurs les plus jeunes de se sensibiliser aux problèmes de la ravageuse déforestation en Amazonie. Ce qui le rapproche du Roi Lion (et plus généralement des Disney « traditionnels », avant le passage aux films d’animation numérique), c’est en fait son modèle de comédie musicale : le recours aux chansons interprétées par les protagonistes, qui surgissent au cours de l’intrigue pour intensifier ou expliciter les sentiments des personnages. Une initiative qui paraît plutôt maligne, considérant l’engouement que suscitent encore aujourd’hui les bandes originales des classiques de Disney (comme ce fut le cas très récemment avec la Reine des Neige – ndlr).
Bruno Mars pousse surtout d’hilarants petits cris de volatile en guise d’introduction pour s’annoncer.
Rio 2 déploie ainsi un programme musical des plus riches, presque aussi coloré que sa reconstitution visuelle du Brésil. Ce principe de chanson à l’intérieur de la narration fonctionne sans conteste de manière très émouvante la première fois qu’il a lieu. Alors qu’elle est assoupie, une grenouille venimeuse chante son amour à un cacatoès qui cherche à se venger de Blu. La construction de la séquence, ainsi que la musique (interprétée par Jemaine Clement et Kristin Chenoweth), entre opéra et music-hall, rappellent notamment la bande originale de Moulin Rouge et s’inscrivent pleinement dans la tradition des films cités précédemment : la recette est connue, mais toujours savoureuse. Dans un tout autre style, l’autre séquence efficace est celle où Perla retrouve Roberto, son ami d’enfance et que celui-ci lui chante un hymne de bienvenue un peu trop chaleureux au goût de Blu. Les allures de lover de l’oiseau sont parfaitement soutenues par la voix du chanteur Bruno Mars, qui pousse surtout d’hilarants petits cris de volatile en guise d’introduction pour s’annoncer.
Pour le reste, outre les obligés wannabe tubes exécutés par des stars américaines, comme le moyen What is Love interprété par la pourtant convaincante Janelle Monae, la bande originale offre un petit, mais joli, panorama de la musique brésilienne. La présence de Carlinhos Brown y est pour beaucoup : percussionniste brésilien célèbre dans son pays, il a créé le groupe Timbalada qui mélange samba reggae, axé et musique africaine. Les morceaux les plus vivants et énergiques du film lui sont sans conteste dus, comme Bola Viva ou Ô Vida, qui nous plongent enfin dans l’un des thèmes que le film prétend défendre : la singularité culturelle du Brésil.
Malgré sa belle intention de s’inscrire dans la tradition des films d’animation musicaux, Rio 2 ne remplit que partiellement son contrat en ne proposant qu’une poignée de séquences véritablement chantées par les protagonistes. Le reste de la ligne musicale, si elle a le mérite de donner une certaine idée de la diversité de la musique au Brésil, s’avère tout de même trop floue et inégale au long terme pour convaincre tout à fait. Nul doute que des choix plus tranchés auraient faits la différence, en donnant une identité plus marquée à cette attachante et chatoyante épopée écolo.
Article : Timé Zoppé
La bande originale du film est en écoute sur le site Billboard.