Forts de leur duo de la veille, Môssieur Louis et Cédric, notre duo de choc, est reparti en croisade pour une nouvelle soirée, dans le cadre de ces 39ème Nancy Jazz Pulsations, afin de couvrir en coeur la soirée consacrée à Sébastien Tellier et Revolver à L’Autre Canal. Action !
On attend, à priori, d’une psychothérapie qu’elle vous aide à supporter un quotidien douloureux. Pour ma part, j’en attends de comprendre les raisons et l’ampleur de l’inadéquation au monde qui m’entoure et dont je souffre. Pour autant, j’étais rentré de la dernière séance avec zéro réponse à mes questions mais un mal de tête carabiné. Avant de me rendre à L’Autre Canal à Nancy pour vous relater les concerts du soir, je décidais alors de faire une sieste, non sans ingurgiter au préalable un petit cocktail de médicaments anti-douleurs. Je ne sais toujours pas si j’avais confondu les traitements ou négligé les interactions entre eux mais je me réveillais en sueur d’un cauchemar où, muni de lunettes bleutées, je devais capturer un revolver pour tuer Sébastien Tellier.
J’épongeais la sueur qui perlait à grosses gouttes sur mon front, pensais à nourrir Raymond, mon ornithorynque et filais vers la salle de concert.
Ayant constaté, à mes dépends, l’extrême rigueur de l’organisation du Nancy Jazz Pulsations faisant commencer les concerts à l’heure (ce qui est contraire aux us et coutumes et défi les accords de Genève de la musique), j’arrivais quelques dizaines de minutes en avance avec une question en tête : mais qui peut donc avoir envie de dépenser 23 euros pour aller voir Sébastien Tellier ? Je dois d’abord vous avouer qu’une connexion internet défectueuse m’empêchât de pêcher des infos sur les groupes de première partie. Mais de plus, n’ayant aucune télé depuis bientôt 7 ans et écoutant peu la radio (hormis Radio classique et Nostalgie), je ne connaissais du bonhomme que son look de Sébastien Chabal dandy et son discours très décalé, le tout entraperçus quelques secondes dans des zapping télé imposés dans des repas de famille.
Si la file d’attente qui s’étirait à l’extérieur de l’enceinte nancéienne des musiques actuelles attestait d’un réel engouement pour l’artiste (le concert affichait d’ailleurs complet), sa composition m’étonnait plus grandement : Girafes protéiformes, chats volants, fan-club costumé d’Edouard Balladur… En sortant des toilettes après m’être m’aspergé d’une eau croupie mais salvatrice, je me rendais compte que les effets secondaires des médicaments s’étaient atténués. Point d’animaux fantasmagoriques mais une foule composée de gens de toutes les générations mais de milieux visiblement « branchouilles ». Cela me rassurait quelque peu car j’avais envisagé un instant de monter sur l’éléphant schizophrène afin de voir le concert.
Le premier groupe se nommait Capture. Sans information préalable, mon imagination se plaisait à croire qu’il s’agissait du titre d’un film racontant l’enlèvement des journalistes de France 3 en Afghanistan mais interprété par Depardieu et Dujardin. Point du tout, puisque trois jeunes garçons aux guitares et une jeune fille à la batterie proposaient une pop-rock bien dans l’air du temps. On sentait qu’ils essayaient de composer le futur générique du Grand Journal. Quelques petites erreurs trahissaient leur inexpérience et leur trac mais ils avaient l’air content d’être là. Moi moins car ils oublièrent une chose : le public n’était pas venu pour les entendre. Il en fallait donc un peu plus au niveau de l’intention et du rapport avec le public afin d’essayer de nous emmener dans leur univers. A la fin de leur set, je n’étais pas surpris de croiser un public peu emballé. Je sursautais toutefois en bousculant un des membres du fan-club de notre ex premier ministre.
Après une pause cigarillos durant laquelle j’observais, rieur, les membres de Capture collectionner les numéros de téléphone de groupies qui avaient, au jugé, en moyenne 15 ans (ferme), j’allais voir le groupe Revolver. Pour ma part, le nom rappelle le titre d’un album des Beatles qui fut celui des premières expérimentations de la musique occidentale et fit entrer toute la pop et le rock dans une nouvelle ère, ouvrant une voie royale à l’univers de Led Zeppelin, par exemple. De pop, il y eut, incontestablement. Les ballades entêtantes répondaient à l’appel, les harmonies de voix étaient parfaitement exécutées. Tout le monde semblait passer un bon moment, moi moins. Tout cela était trop propre à mon goût et sentait l’odeur de chlore des couloirs des hôpitaux psychiatriques, la fragrance de folie en moins. De plus, l’interaction avec le public était inexistante, j’avais donc l’impression d’écouter le CD de leur dernier album mais sans pouvoir m’affaler dans mon canapé préféré, sans pouvoir non plus allumer un cigarillo et contempler Raymond vaquer à ses occupations d’ornithorynque. Vous allez sûrement me trouver dur mais j’ai quelques exigences quand je vais voir un groupe en live dont celle d’avoir l’impression qu’il se passe quelque chose entre le groupe et le public.
Du coup, je passe très rapidement au concert tant attendu de Sébastien Tellier, le grand gourou de l’Alliance Bleue. Arrivé sur un trône surélevé, enrobé dans une lumière schtroumpfienne, il était accompagné d’un batteur et d’un clavier. Le ton était quasi christique et l’humour également là. S’il joue à la perfection son personnage de dandy électro pop, on sent dans ses interventions l’improvisation et la malice de l’enfant de 12 ans qui joue au chanteur devant sa glace. Ses mélodies pop sont excellemment arrangées en version électro et l’on sent bien les influences de ses amis parisien de Air. Pour le coup, je regrettais presque de ne plus sentir les effets des médicaments pris précédemment.
A l’inverse de Revolver, il se passe quelque chose entre Sébastien Tellier et son public. S’il fait mal semblant de vouloir nous emmener dans son univers loufoque, le public fait très mal semblant de le rejeter et devient sciemment membre de son univers. Quelques petits problèmes techniques émailleront le set, mais Sébastien Tellier sautait sur toutes les occasions pour discuter avec le public et tenter de l’amuser. Il se permettait même l’insolence Gainsbourienne d’allumer quelques cigarettes sur scène sans que cela ne paraisse irrespectueux.
Je passais définitivement une bonne soirée, humainement et musicalement. De plus, je me trouvais beaucoup de points communs avec Sébastien Tellier comme la barbe fournie, l’envie de rester un enfant qui s’amuse. Même ma veste était bleue. On signe où pour rejoindre l’Alliance Bleue ?
Article : Môssieur Louis