Ils étaient nombreux à braver la neige et le froid pour venir assister à un concert très prisé par les adorateurs de la musique du monde. En effet, plus qu’un simple concert, les représentations de Salif Keïta sont une fête à l’honneur de la culture panafricaine.
L’histoire de Salif Keïta peut se résumer en plusieurs mots : le premier étant «l’exil». Albinos, il échappe de peu à la répudiation de sa famille et doit faire face tout au long de son enfance à des quolibets liés à sa particularité génétique. Le Mali, pays dont il est originaire, est empreint de croyances et de superstitions. Les albinos sont très mal vus et on leur confère des pouvoirs maléfiques variés. Très vite lui viendra l’envie de devenir instituteur, mais ce choix de carrière lui sera fermé à cause de sa déficience visuelle. Rapidement il trouve sa vraie voie et décide d’être musicien. Ce choix provoquera son deuxième exil, car traditionnellement, la musique est réservée à la caste des griots (dépositaire de la tradition orale au Mali), et les Keïta sont une famille de princes. Il sera renié par la noblesse de caste à laquelle il appartient, lui interdisant le statut d’artiste.
Ambitieux, il préfère quitter son pays afin d’obtenir une autre perspective professionnelle. S’en suit un long parcours partant de Bamako, pour Abidjan, Paris et New York, pour finalement revenir à son point de départ, sur la terre malienne qui l’a vu naître.
Le deuxième mot à caractériser le personnage est «l’engagement»: Salif est quelqu’un d’engagé et il le prouvera tout au long de sa vie. Entre les concerts pour récolter des fonds en faveur de causes nobles ou ses chansons prônant la tolérance. Son concert au Luxembourg en sera aussi profondément marqué, notamment lors de l’interprétation du titre Je suis noir, je suis blanc.
Privilégiant les sonorités acoustiques et habillé d’une veste blanche immaculée, le crooner du Mali réalisa une parfaite synthèse de toutes les influences qu’il a récoltées au cours de sa longue odyssée musicale, faite de rock, de soul, de chanson française ou de rythmes afro-cubains, qu’il utilise dans une perspective résolument africaine. Après une heure et demie de prestation scénique, le concert fut un sans-faute sur toute la ligne et le public, résolument de toutes les couleurs, est reparti ravi.
Le troisième mot à caractériser le personnage est «la longévité»: après 35 ans de carrière et un parcours semé d’embûches, l’artiste de 64 ans n’a pas perdu de son punch et surtout de son envie de relier l’Afrique avec le reste du monde. Chapeau bas!
Article : Nathalie Barbosa