Ce soir, direction la nouvelle SMAC de Nilvange, Le Gueulard +, pour aller voir La Roulette Rustre. Première impression sur la salle, l’extérieur est moderne, brillant, illuminé par les lumières de la ville. C’est une pure merveille. Il est temps d’aller voir comment cela se présente à l’intérieur maintenant.
La salle parait petite avec la configuration spectacle, plus que concert, mais tout le monde sait bien que ces installations sont trompeuses pour le perçu de la perspective (400 places debout tout de même !) et la disposition fosse-coursives me parait intéressante pour les concerts rock aussi. Il est à noter que Dagoba y a joué il y a peu donc tous les styles y ont leur place, même le métal. Toujours est-il que je ne suis pas là pour vous parler de la riche programmation de la salle, que je vous recommande, mais de La Roulette Rustre et de sa nouvelle création artistique, le spectacle « 2nd Souffle ».
Inspiré par de nombreuses rencontres avec des personnes en situation de handicap mental, de détenus ou encore d’enfants, le groupe a voulu développer un spectacle conceptuel, mi-musique, mi-sons, mi-images qui exprimerait un rapport au temps différent du nôtre. Je vous entends déjà dire qu’il y a trop de moitié ici mais allez voir le spectacle et vous comprendrez qu’on ne peut ressentir et vivre ce spectacle qu’avec le concept de plusieurs dimensions… Sensations serait peut-être plus exact d’ailleurs. C’est un savant mélange de chant, musique, sons, samplés ou beat-boxés. La troupe est formée des membres du groupe La Roulette Rustre, Emilie et Camille Povillon, Florent Cautenet, Romain Thomas, Christophe Boulanger et René Le Borgne, qui sont normalement accompagné d’une danseuse, Aurore Gruel, absente ce soir.
Ces six artistes occupent une scène densément occupée par un décor des plus surprenant et captivant. Il est composé d’éléments rappelant les vieilles usines rouillées et la sidérurgie chère à la Lorraine et à la Vallée de la Fensch où se joue le spectacle ce soir. Au centre trône une roue dentée telle une divinité lourde de présence, oppressante. Les aficionados du style « steampunk » ne seront pas déçus car cet ensemble me rappelle les œuvres de Jules Verne ou de nombreux films comme Brazil ou encore L’Armée des Douze Singes de Terry Gilliam. Le thème du temps dans ce dernier y est d’ailleurs central, comme dans cette création, le héros étant perdu, prisonnier même de celui-ci et de ceux qui le contrôlent. Ici c’est la machine qui semble avoir englouti les musiciens-acteurs et les manipule, les affronte. On ne peut se défaire de la thématique de Matrix, l’Homme, ici des musiciens, qui nourrit la machine, rythme le temps tout en en étant l’esclave. Qui de nous ne s’est jamais plaint de la rapidité ou de la lenteur de nos journées semblant sous le joug d’une main qui accélèrerait ou ralentirait son flot ? Ne sommes-nous pas les principaux maîtres de nos perceptions ? Eh bien croyez-moi, nous en sommes le principal certes mais pas le seul et ce spectacle est là pour nous le rappeler. Il va en effet vous emmener dans des contrées peu habituelles pour nos oreilles.
Basé sur les compositions de La Roulette Rustre que vous reconnaitrez sans doute au fil du spectacle (l’album Un Peu d’Air notamment), il est enrichi d’exclamations sonores, parfois stridentes ou stressantes comme des rouages mal huilés, ou plus douces comme les voix des différents protagonistes. Ce travail de deux ans a permis de créer un maelström de sonorités, de sensations, qui nous entraine au rythme des déplacements des musiciens, de l’alternance de son rock, alternatif ou progressif. Je retrouve parfois des sonorités rappelant les ambiances chères à Yann Tiersen ou aux Têtes Raides mais qui sont ici bien propres aux groupes tant le travail effectué sur ces bases est énorme. Ce voyage des sens dure presque une heure et demie mais pour être honnête, on ne voit pas passer le temps. Notre esprit virevolte d’un musicien à l’autre, tente de découvrir d’où nous viennent les différentes sonorités, quel titre de la Roulette est interprété, par quelle sensation nous passons et mille autres encore. Je n’ose imaginer l’expérience visuelle, plus riche encore, si la danseuse avait été présente. Un tourbillon plus fort encore je pense.
Amateurs de sensations, de spectacle, de cabaret autant que fan de bonne musique, si vous en avez l’occasion, courrez voir le spectacle « 2nd Souffle » ! Vous ne le regretterez pas ! Plus qu’un concert ou un spectacle, c’est une expérience !