Olivia et Dan, alias The Dø, se sont réunis en 2005 et ont travaillé sur un certain nombre de projets de composition – y compris des BO de films et des partitions de ballet – avant de se lancer dans leurs propres projets musicaux en 2007. Après avoir passé deux années à grandir et à se perfectionner, le groupe a sorti son premier album A Mouthful en 2008, numéro un et album à succès en France. Leur style se situe quelque part entre la folk, la pop, le rock et le jazz, avec des influences qui sonnent parfois comme dans un film en noir et blanc avec Ella Fitzgerald et Jimi Hendrix ; ou comme une comédie romantique colorée avec une bande son signée Björk ou The Beatles. Sur scène, ces deux musiciens inséparables sont encore plus impressionnants quand ils jouent avec passion et énergie.
The Dø explose les compteurs de son MySpace avec la reprise de la chanson On My Shoulders pour la publicité de la marque de cahier Oxford. C’est à partir de ce moment-là que le grand public découvre le groupe plein de charme. Vous, vous pourrez les découvrir sur la scène de la Rockhal le lundi 15 décembre 2014. En attendant, Dan nous a parlé de sa vision du couple, de la religion et la musique.
On vous connait en tant que duo, ou parfois on vous désigne même en tant qu’un couple. Est-ce que c’est quelque chose de saoulant quand on parle de vous seulement en tant que binôme et non chacun comme deux artistes à part entière ?
Oui, c’est vrai qu’on parle souvent de couple, alors qu’on n’a jamais été un couple. On est un couple musical, c’est vrai et non, finalement c’est assez normal qu’on parle de nous en tant que binôme, comme nos vies sont tournées vers le groupe depuis plusieurs années maintenant.
Est-ce que The Dø c’était un projet que vous vouliez pérenniser dès de le départ ou est-ce que vous vouliez vous en défaire et revenir à vos premières amours après le premier album ?
C’est une question difficile, tiens ! Je pense que nous ne voyions pas aussi loin au départ. On était dans l’adrénaline et l’endorphine du moment. Pour reprendre la comparaison du couple de tout à l’heure, c’est un peu comme quand tu débutes une relation amoureuse. Est-ce que tu sais dès le départ, si tu as envie de pérenniser ta relation ? Je ne pense pas. Et c’était mon cas au début. La vie nous le montrera. Là, ça fait 8 ans que The Dø existe et c’est le troisième album que nous faisons. Pour l’instant tout se passe bien.
Je suis d’accord avec toi sur le fait de ne pas savoir si oui ou non on pérennise au début d’une relation. Par contre, tu ressens dès le départ si c’est une personne que tu as envie de garder à tes côtés pendant un certain moment, non ?
Oui, c’est vrai. A ce niveau-là, on a montré que c’était le cas, même si on s’est un peu rencontré par hasard.
Est-ce pour cette raison que sur la couverture du nouvel album vous êtes menottés l’un à l’autre ?
Oui. En quelques sortes, on est tous les deux menottés par le groupe et aussi ça représente le fait qu’on est lié de beaucoup de façons. Le premier lien étant l’amitié qui est très forte entre nous.
Shake Shook Shaken est radicalement différent des deux autres albums. Vouliez-vous surprendre en bannissant les instruments acoustiques ?
En fait, ça n’a jamais été une intention, ni une idée. On ne s’est pas réveillé un matin en disant « et si on essayait ça ? ». Lorsqu’on composait l’album, à chaque fois qu’on prenait un instrument, on avait mal au cœur. Un peu comme le mal de mer. Les choses sont devenues différentes et le fait de bannir les instruments n’est pas quelque chose qu’on avait prévue. Cette analyse est arrivée plus tard. On ne prévoit rien quand on fait un album. Faire un album, c’est un peu un coup de foudre. Quand tu n’arrives pas à composer ou quand une chanson ne te plait pas, c’est une crise de couple temporaire. On jette la chanson à la poubelle, on fait des concessions et on continue.
Que penses-tu des personnes qui respectent énormément les instruments et vous prennent pour des «profanes» du coup ?
Je déteste ce snobisme dans la musique et ce respect pour les instruments. Quand un artiste prend une guitare et se met à chanter, les gens sont rarement surpris. Le public sait comment une guitare doit sonner. Pour la musique synthétique c’est différent. Tout est à construire. Aussi, je ne supporte pas les gens qui font très attention à leurs instruments. Pour moi, les instruments et toutes les choses sont faites pour vivre. J’en parle parce que j’ai vu des gens en Sicile qui avaient toujours le plastique sur leur canapé. On s’en fout ! Il faut que les choses aient une histoire ! Il faut mettre les pieds sur la table.
Sur cet album, certains arrangements ont une portée religieuse, presque liturgique, à mes yeux. Je pense notamment aux morceaux qui s’appellent Miracles et Omen. Était-ce l’effet escompté ?
Pour moi, il y a une grande différence entre la religion et le sacré. Je comprends qu’on puisse sacraliser quelque chose : un sentiment, un art, la musique. Je n’ai pas de rapport particulier avec la religion, ni une croyance. Par contre, j’aime le sacré et j’aime aller dans une église ou une synagogue. J’aime les endroits où les personnes se rassemblent. D’ailleurs si on y réfléchit un peu, les salles de concerts sont un peu comme des églises. Les gens se rassemblent. Vous êtes sur un piédestal, comme un prêtre. Les vitraux de toutes les couleurs ce sont des spots de lumières. D’ailleurs, on parle bien des « icônes du rock ». « Icône » c’est un mot hyper fort. Quand j’ai vu que le groupe Justice avait pris la croix comme logo, je me suis dit qu’ils avaient tout compris en fait ! Quand tu es sur scène et que tu lèves les bras, tout le public te suit et fait la même chose. C’est passionnant et flippant à la fois.
En parlant de fans, as-tu des histoires à leur propos à nous raconter ?
Nous, nous n’avons pas de fans hystériques qui nous attendent à la fin des concerts. On a une relation très cool avec eux. Souvent, on passe du temps avec les gens qui viennent nous voir aux concerts. Certains fans sont devenus des amis, même si c’est bizarre. Certains viennent nous voir, sont aux premiers rangs et ne bougent pas pendant tout le concert. On se demande pourquoi ils viennent. Ils sont toujours là, ils nous suivent mais ne bougent jamais pendant les titres. Ils sont immobiles et on a souvent l’impression qu’ils se font chier. On en a parlé à d’autres artistes : apparemment c’est un phénomène assez commun. C’est bizarre : quand ils sont là, on flippe, quand ils ne sont pas là, on est triste.
Tu parlais d’art tout à l’heure. Ne penses-tu pas que c’est un terme assez galvaudé aujourd’hui ?
Forcément on utilise le terme « art » partout de nos jours. On place l’art dans tout ce que nous faisons. Tout le monde se considère comme un artiste. Tout le monde veut être aimé et être une icône, mais n’y arrive pas toujours. C’est le boulot du marketing de faire croire des choses aux gens. C’est diabolique.
Pour revenir au titre de l’album : qu’est-ce qui vous secoue aujourd’hui ?
Oh ! Tellement de choses ! Ce qui me secoue c’est la non prise de conscience de pleins de choses, notamment des choses que nous ne pouvons pas changer. Je ne vois pas pourquoi je devrais éteindre les lumières si les personnes au-dessus de nous ne le font pas. Ce qui me secoue c’est de ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve. On a peur de ce qui va se passer et de faire des gosses.
Vous repassez une troisième fois par la Rockhal en décembre, quels souvenirs avez-vous de votre passage au Luxembourg ?
Pas grand-chose malheureusement. Je sais qu’il y a une usine en face et ça nous fascine à chaque fois. On a fait plein de photos sur le site d’ailleurs.
Une dernière question avant de terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Je prends les albums des Beatles et les Rolling Stones pour la scène. Je préfère quand même réécouter les Beatles même si certains albums des Stones sont très bons. On peut prendre les deux, non ? On n’a pas le droit ? C’est quoi cette question de merde ! C’est comme choisir entre un Mac et un PC, c’est nul !
Propos recueillis par : Nathalie Barbosa
Live Report : Arte Mix ø Trabendo (Paris) – 17 décembre 2014 | Magazine Karma
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