Quatre ans séparent l’album D’une tonne à un tout petit poids de son prédécesseur Le Clan des miros. A l’issue d’une longue tournée qui l’aura vu arpenter les routes de France et même au-delà, Renan Luce avait finalement décidé de s’accorder un break – une première dans sa carrière depuis ses débuts avec Repenti (album de diamant en 2006).
Sorti de la frénésie de ces deux premiers albums, Renan aura pris le temps de se poser. De se construire un studio d’enregistrement, «mon lieu à moi, entre cocon et fantasme adolescent», explique-t-il, dans un coin de Bretagne où il a ses repères… De devenir père, aussi. Après, seulement, est revenue l’envie de composer, différemment. Il nous en parle ici.
Bonjour Renan ! Le titre D’une tonne à un tout petit poids fait référence à une phrase dans la chanson Les secrets chuchotés qui parlent de confidences. Est-ce que la sortie de cet album t’a délesté d’un certain poids ?
Bonjour Nathalie ! Disons que c’était plus un sentiment d’excitation à l’idée de sortir un nouveau projet. Faire un album est un projet qui prend du temps, donc je ne vois pas cela comme un poids dans le sens négatif du terme. Cette création est un concentré de mes émotions de ces deux-trois dernières années. En un sens, ce disque est un ensemble de choses qui ont mûri et traîné en moi pendant très longtemps et qui se retrouve sur une toute petite galette toute légère. Les chansons dessus décrivent tout ce que j’ai aimé ou pas aimé ces dernières années.
Peut-on parler de la couverture ? Tu es au milieu d’un tourbillon de choses qui représentent les titres ou les choses décrites dans l’album. Est-ce correct ?
Oui, l’idée est assez simple. En fait, je voulais montrer que faire des chansons, c’est un peu saisir les idées ou les objets au vol. Ces chansons représentent un ensemble de petites choses, vécues ou non, importantes ou pas, profondes ou légères. Je parle de voyages ou des objets qui nous entourent. J’aime aussi beaucoup personnaliser les idées ou les sentiments, comme dans cette chanson où je parle du et au « courage ». J’ai rapidement décidé d’adresser une lettre au « courage » et d’en faire une chose concrète. C’est plus facile pour extérioriser son ressenti.
Comment composes-tu une chanson ? C’est le texte ou la mélodie d’abord ?
En fait c’est un joyeux bordel. Des fois ce n’est pas compliqué. J’ai un bout de phrase qui m’obsède ou une mélodie qui me poursuit jusqu’à ce que j’en fasse quelque chose. Ce qui se passe la plupart du temps c’est que je fais des allers-retours entre mon texte et ma guitare. C’est vraiment rare que j’aie les deux d’un coup. J’aime ciseler le plus possible. Au départ, j’ai des doutes, une sensation, j’ai à nouveau des doutes, je fais des essais et reviens en arrière.
Es-tu le type de compositeur qui n’est jamais satisfait de son travail ?
En fait, c’est le moment de mon boulot que je préfère : aller au bout d’une chanson pour après la concevoir en studio. C’est enthousiasmant de voir que la chanson n’est plus vraiment la vôtre et de lâcher prise.
Quelle a été l’influence du producteur suédois Peter Von Poelh lors de la conception de cet album ?
Il réagit à l’instinct. Lorsque j’ai voulu travailler avec lui, il a très vite convié un batteur, un bassiste et tous les autres musiciens pour créer les chansons en direct, un peu comme elles venaient. En une semaine, tout était dans la boîte. Toute l’ossature de l’album s’est donc créée à l’instinct. C’est une bonne manière de travailler, on ne réfléchit pas trop aux choses. Jusqu’à présent, ça a été ma façon de travailler : de réfléchir peut-être un peu trop aux choses.
Tu as ton studio en Bretagne et tu parles comme d’un « cocon ». Est-ce que ce retour aux sources est important pour toi quand tu crées ?
Oui, j’aime beaucoup écrire là-bas et je pense que cela à une influence sur ma démarche de création. J’y ai grandi et j’y ai mes repères. Je pense qu’on retrouve un peu de mon imaginaire breton dans mes chansons. J’y ai mes amis et ma famille. Je suis chez moi et j’y compose de manière décontractée.
Le fait d’être père a eu aussi une influence sur cet album. Je pense notamment au titre Réponse à tout. Imaginons que ta fille vienne te voir plus tard pour te dire qu’elle veut faire le même métier que toi, qu’en penses-tu ?
J’adorerais ça ! J’en serais très heureux et je trouverais cela très émouvant qu’elle veuille faire le même métier que moi. Je trouverais ça génial de lui avoir donné envie de faire la même chose. J’espère qu’elle pourra trouver sa manière de faire ce métier et qu’elle sera totalement libre. Dans la mesure où elle est épanouie et heureuse, je le serai aussi.
Pour rester dans le sujet familial, comment ta mère a-t-elle réagi à l’écoute de Au téléphone avec maman ?
Je pense qu’elle a été assez émue. C’est une chanson toute simple avec juste une guitare/voix. J’ai eu envie d’écrire cette chanson après justement avoir passé un long moment au téléphone avec ma mère. On ne se parle jamais très longtemps mais cette fois-là on a parlé longuement et ça m’a donné envie de parler de tous ces petits mensonges qu’on se fait pour se rassurer. J’ai bien sûr un peu grossi le trait.
Bon maintenant tu peux nous le dire : qu’y a-t-il donc dans cette « boîte » du titre La boîte ? (ndlr : vous pouvez aussi essayer de torturer ou de flatter Renan Luce sur le site http://www.renanluce.fr/laboite/ afin de trouver la solution)
Je ne peux pas le dire. J’ai juré à mon ami de ne jamais rien dire. Le but étant aussi que chacun y trouve un peu ce qu’il a envie d’y trouver.
Pour terminer, notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Je ne vais pas hésiter longtemps : je vais choisir les Beatles. J’aime les Beatles depuis l’enfance car c’est un univers très ludique, très imagé. Je pense notamment à leurs costumes. Ils m’ont fourni une entrée dans le rock très évidente. Leurs chansons sont très simples et très torturées parfois. Je suis fan de leurs mélodies qui semblent tellement évidentes et de leurs trouvailles harmoniques. Ils ont eu une telle influence sur les arts graphiques et sur la littérature : ce sont des artistes complets ! J’aime les Stones pour leur énergie sur scène, mais je reste sur ma position : les Beatles !
Propos recueillis par : Nathalie Barbosa
Renan Luce est actuellement en tournée dans toute la France. Les listes de ces prochains concerts ici :
http://www.renanluce.fr/#!/concerts