A quelques jours du coup d’envoi de cette 39ème édition des Nancy Jazz Pulsations, le Magazine Karma est parti à la rencontre de Patrick Kader, le Directeur et Programmateur du festival !
Magazine Karma : Les NJP fêtent cette année leurs 39 ans d’existence et continuent à afficher une volonté d’ouverture musicale. Notamment il y a deux ans, le festival proposait du metal. N’est-on justement pas un peu loin du jazz ?
Patrick Kader : C’est un fait volontaire, de garder une ouverture, mais sans rester non plus figé dans la nécessité d’une ouverture. On a eu un plateau metal, ça s’est fait de cette façon mais c’est loin d’être dans une optique de se spécialiser là-dedans. Cette année c’est l’Autre Canal qui s’occupe de mettre en place une scène metal avec une association de Nancy. De notre côté, on préfère s’ouvrir davantage vers les musiques du monde, le rock, parfois les groupes sont des clins d’œil au jazz. C’est difficile de classer certains groupes aujourd’hui, qui ont beaucoup d’influences diverses. On y va par affinités. On garde toujours une majorité de jazz bien sûr, mais on va pas mal vers la pop, l’electro, la world music…
On a pu voir à de nombreuses reprises des artistes de légende venir jouer aux NJP. Les artistes ont-ils un regard particulier sur le festival, et sur le mélange du jazz avec d’autres genres ?
Patrick Kader : Il ne faut pas se leurrer, ce sont des créateurs, ils viennent pour se vendre, mais en général ils sont assez contents et fiers de participer au festival et font leur boulot avec passion. On se doit d’être éclectiques, de s’adapter au jeune public, qui est peu intéressé par le jazz. Il y a des artistes avec qui ça fonctionne, comme Chilly Gonzales qui a un rayonnement au-delà du public habituel. Mais bon s’il s’appelait Charles Dupont, c’est clair que ça ne fonctionnerait pas pareil ! (rires) Le public visé est large, il faut que la prog le soit aussi, tout en gardant en tête le jazz comme fil conducteur. Cette année on a étendu les apéros jazz à toute la durée du festival plutôt que seulement sur deux ou trois jours pour les précédentes éditions.
Ceux qui ont commencé avec la 1e édition reviennent avec plaisir. Y a-t-il un rapport de fidélité entre les artistes et le festival ?
Patrick Kader : Les artistes de jazz, il y en a qui ne sont plus là, d’autres qui ne peuvent plus se déplacer ou jouer… On a perdu beaucoup de musiciens qu’on invitait régulièrement. Mais ceux qui sont encore là reviennent, oui. Par exemple Lockwood avait envie de revenir cette année aussi, il faut dire qu’on l’avait invité en 75 et que c’était son tout premier festival. Ce genre de choses, ça tisse des liens avec certains artistes, il y a une vraie histoire.
Comment vous situez-vous vis-à-vis des autres festivals régionaux ? Notamment en termes de programmation et de dates (par rapport aux festivals de l’été) ?
Patrick Kader : Il faut dire que dans la région, on n’a pas beaucoup de festivals d’été. Il y a bien le JDM mais pour de gros festivals il faut aller jusqu’à Belfort pour les Eurockéennes, ça fait assez loin. Je pense qu’on reste quand même le plus gros festival dans le coin. Mais les petits festivals qui émergent dans le Grand Est font de très bonnes choses.
Comment le festival est perçu par les festivaliers, quel est le visiteur type s’il existe ? Avez-vous une volonté de cibler plusieurs publics plutôt qu’un seul ?
Patrick Kader : Je ne pense vraiment pas qu’il y ait un visiteur type aux NJP … On a le public déjà installé qui vient pour voir des concerts de jazz, mais étant donnée la programmation, on a aussi un public qui vient pour le hip-hop, pour l’électro… Les visiteurs viennent pour les choses très différentes, on accueille tous les ans un mélange de beaucoup de publics.
Comment se fait la charte graphique ? Cette année, une proposition vous a été faite spontanément. Est-ce que vous vous fixez une ligne directrice, une ambiance générale avant de vous lancer dans la création de la charte ?
Patrick Kader : Non, ce sont les designers qui choisissent ce qu’ils veulent, tous les ans on reçoit des projets libres pour la charte graphique. On se retrouve avec des trucs bien, des trucs horribles… Dans le cas présent, on avait demandé à des structures de refaire le site, qui n’était pas aussi fonctionnel qu’on le souhaitait. Et puis les Schlep se sont proposés. Ils ont bossé pour les Eurocks, j’avais vu ce qu’ils avaient fait, c’étaient des images fortes, surprenantes. Donc quand ils se sont présentés on a fait d’une pierre deux coups en les prenant pour refaire le site et créer la charte graphique de cette année. Ils ont proposé le visuel actuel, c’était assez surprenant, mais on s’est dit « allez, c’est parti ».
Vous avez parlé du sourire d’Armstrong, représentant cette année l’esprit du festival. Y a-t-il une volonté de proposer une rétrospective particulière ?
Patrick Kader : Ça, c’était à la base une proposition des Schlep. Au début on leur a demandé d’expliquer où ils voulaient en venir avec ça, parce que c’était plutôt gonflé, mais aussi très bien. Et puis le lien avec le sourire d’Armstrong et le jazz, finalement, c’était très cohérent. Ça correspond bien à ce qu’on veut faire, remettre en avant le jazz mais en gardant une image actuelle. Par contre non, pas de rétrospective particulière concernant Louis Armstrong, c’était juste l’idée qui nous a plu visuellement.
Au fil des années, le festival a pris beaucoup d’ampleur. Les 40 ans seront encore une manière de s’agrandir. Le festival essaye-t-il de se réinventer chaque année ?
Patrick Kader : C’est un peu tôt pour parler des 40 ans du festival, mais c’est sûr qu’on est déjà en train d’y réfléchir… On a des idées d’évènements en marche, certains qui n’aboutiront pas, certains qui aboutiront, je l’espère. Quarante ans c’est un sacré bout de chemin, on veut marquer le coup. Mais on manque de fonds pour pouvoir organiser tout ce qu’on voudrait faire. Pour l’instant ce que je peux vous dire, c’est que ce sera de nouveau Schlep qui fera le visuel.
Le Magazine Karma cherche à promouvoir les artistes régionaux. De la même manière, les NJP a toujours eu à cœur d’être dans cette démarche de révélation. Y a-t-il des groupes en particulier à mettre en avant cette année ? Comment se passe le choix de ces artistes ?
Patrick Kader : On choisit les groupes avec lesquels on a des affinités particulières, ceux qu’on souhaite aider à se lancer. Les Wayfarers par exemple, qu’on fait jouer le 18 avant Dionysos, Capture aussi, qui ouvrira Sébastien Tellier, c’est une belle opportunité pour eux. À la soirée électro le 13 à l’Autre Canal, il y aura Rise and Fool, ils sont Lorrains. CE2 Polars passera le même soir à la Manufacture, eux sont orientés jazz (CE2 Polars reprend des musiques de polars façon jazz, NdlT), et puis Rosette… Il y a aussi tous ceux qui passeront en apéro jazz qui sont des professionnels de la grande région.
Vous proposez à la fois une exposition photo, des concerts, des films. Pourquoi cette volonté de diversification des différents medium ? Est-ce pour vous une autre façon de mettre la musique en avant ?
Patrick Kader : Historiquement, il y a toujours eu du cinéma aux NJP. Soit des films ayant un canevas jazz, ou des documentaires comme Marley ou Benda Bilili ! qui seront présentés au Cameo de Metz et à celui de Nancy. Pour l’expo photo, on a presque quarante ans de festivals derrière nous, alors il y a des choses à montrer bien sûr, l’ambiance des NJP, les concerts… L’an prochain on espère mettre en place une édition de l’expo photo plus grande et plus ouverte. Même si j’ai un plaisir particulier à voir un tirage argentique, je sais que la plupart des photographes aujourd’hui sont passés au numérique pour des questions pratiques et de budget. Mais les œuvres tirées, ça a un coût, donc on recherche des partenaires pour que de jeunes photographes aient l’opportunité d’exposer aux NJP.
Propos recueillis par : Marine Pellarin