Les derniers temps ont été propices pour Lacuna Coil. En ces deux dernières années, le groupe a fait le tour du monde en tant qu’artistes vedettes et a accompagné des groupes tels que Megadeth, Motörhead, Volbeat, Sevendust et Paradise Lost. Aujourd’hui, ils reviennent avec « Broken Crown Halo », leur septième album studio et la très attendue suite de « Dark Adrenaline ».
Mais comme le suggère le titre, « Broken Crown Halo » ne parle pas de tout ce qui est bien, il s’agit là plutôt de tout ce qui est réel. En particulier, le monde tel qu’il existe en 2014. Le chanteur du groupe Andrea Ferro forme avec la chanteuse Cristina Scabbia, la combinaison vocale la plus détonante de la musique hard rock et metal. Nous avons parlé avec Andrea avant leur concert à la Rockhal le jeudi 6 novembre 2014.
Bonjour Andrea ! Cela fait 20 ans que vous faites de la musique avec Lacuna Coil et vos avez un succès incroyable aujourd’hui. Vous étiez-vous imaginés avoir un tel succès étant plus jeunes ?
Bonjour Nathalie ! Non, pas du tout ! On a effectivement eu un parcours pas très commun et rien ne nous prédisposait à avoir un tel succès. Nous sommes un groupe de metal mais on vient de Milan en Italie et en plus on chante en anglais. Inutile de te dire que la tâche n’était pas facile au départ. Le metal n’est pas le style de prédilection dans la région milanaise. Quand on a commencé à faire de la musique on aimait beaucoup Paradise Lost et on a voulu que notre musique sonne comme la leur.
Un grand nombre de groupes de metal à succès provient du nord de l’Europe, dont notamment les régions scandinaves ou allemandes. As-tu une explication à ce phénomène ?
Je suppose que l’environnement joue une grande influence sur la créativité. Dans le nord de l’Europe, il a le manque de lumière et les températures peuvent descendre très bas, ce qui fait que tu es peut-être plus enclin à l’obscurité et le côté dark que tu retrouves dans la musique metal. Pour moi, je trouve que la culture a une très grande influence. La culture peut jouer un rôle dans le type de metal que tu interprètes. Dans les pays scandinaves, tu retrouves souvent ce metal avec un côté un peu épique, avec de grands et beaux paysages dans les mélodies. Aux États-Unis, c’est plus un metal que j’appelle « dans ta face ». C’est brutal, c’est lourd et ça ne se veut ni épique, ni mélodieux. C’est plus direct et violent en somme. A Milan, on a la chance d’être à mi-chemin entre les pays scandinaves et le Sud de l’Europe. On a un son bien à nous je pense. Comme je disais tout à l’heure, je fais du metal car j’aime écouter du metal.
Comment avez-vous fait évoluer votre son au fil des années ?
Ça n’a pas été simple. Au début on voulait donc ressembler aux groupes qu’on écoutait. Au fil du temps, on a essayé de piquer des idées à gauche et à droite. On jouait un style de metal atmosphérique teinté de gothic metal mais aujourd’hui on évolue vers la sphère du metal alternatif. On nous appelait les « Godfather of Goth ». On fait toujours du goth mais on se développe dans différentes directions. On essaie de garder notre propre style en tant que groupe mais surtout notre propre son. On ne se compare plus aux autres et je pense que c’est la différence principale par rapport aux débuts.
La marque de fabrique de Lacuna Coil c’est en premier lieu vos deux voix, à toi et à Cristina. Comment avez-vous bâti cette complicité ?
Pour nous c’était important dès le départ de faire ce cheminement ensemble et de nourrir ce contraste bien particulier dans nos chansons grâce à nos deux voix. Il a fallu marcher pas à pas et laisser de côté nos égos respectifs. Il fallait voir en premier lieu les intérêts du titre et de la musique. Il n’y a aucune jalousie aujourd’hui, mais les gens ne sont pas des machines. On est amis maintenant et je pense que nous savons chacun quand il faut se donner un peu de temps, s’assoir, prendre du recul et discuter des problèmes lorsqu’ils apparaissent. Nous avons une relation mature, démocratique et amicale entre toutes les personnes du groupe.
Parlons maintenant de votre dernier album, Broken Crown Halo. Peux-tu nous expliquer ce que la couverture représente pour toi ?
En fait, si tu regardes bien, il y a deux couronnes sur cette couverture. La première, celle qui est au-dessus est une couronne féminine et celle du dessous est masculine. La première se retrouve un peu dans la deuxième est inversement, un peu comme dans un miroir. On a trouvé que cela reflétait parfaitement la dualité de notre groupe. En plus, moi j’aime bien le côté un peu futuriste de cette couverture, car de loin, on a l’impression que c’est un visage de machine qui porte une couronne. En tout cas, pour nous, c’est notre symbole parfait.
Cet album a une grande sensibilité cinématographique et il fait penser à bon nombre de B.O. de films d’horreur. Pourquoi cet hommage ?
Nous avons toujours été fans de films d’horreur et ce, depuis notre enfance. Nous avons aussi toujours été fascinés par les bandes son, les films d’horreur italiens surtout. Dario Argento est non seulement un de nos préférés, mais il est aussi un réalisateur mondialement culte. Des groupes comme The Goblin ont écrit les bandes son pour de nombreux films de ce type. C’était une scène très underground à l’époque, mais très développée aussi. J’ai toujours aimé les arrangements clavier, car c’est ce qui donne l’atmosphère du film. Jay Baumgardner, le producteur de l’album, a composé principalement en regardant des films d’horreur sans le son, c’est ce qui fait que cet album ressemble un peu à une bande-son de film. On a presque l’impression d’y voir les actions des différents personnages.
Nous sommes assez proches d’Halloween. Que faites-vous généralement ce jour-là ?
Quand j’en ai l’occasion, je reste chez moi et je regarde un film d’horreur classique. J’aime vraiment tous les films d’horreur, des plus anciens aux plus modernes. Cette année nous allons jouer ce soir-là. Lors de notre dernier concert, nous étions à Orlando et on est allé aux Universal Studios. Juste avant Halloween ils font tous les ans la « Halloween Horror Night » et tu peux te balader dans le « Walking Dead Maze » donc un labyrinthe où des zombies te poursuivent dans le noir. C’est vraiment effrayant et amusant à la fois. Je suis vraiment retombé en enfance.
Comment envisagez-vous l’avenir depuis le départ du batteur Cristiano « CriZ » Mozzati et du guitariste Cristiano « Pizza » Migliore ?
Ces deux membres sont partis parce qu’ils voulaient prendre leur retraite, donc nous le vivons plutôt bien. Ils ne sont pas partis pour jouer ailleurs, ils en avaient juste marre de la vie sur la route. Ils aspirent à un autre style de vie après 17 ans passés au sein de Lacuna Coil, ce que je comprends tout à fait. Nous sommes donc toujours amis et on se voit toujours dès que nous le pouvons. Pour nous, c’est bien sûr un peu triste mais on considère que c’est une nouvelle opportunité. C’était l’occasion pour nous de trouver de nouveaux musiciens très motivés et qui apportent une énergie nouvelle à notre musique et au groupe. Le prochain album sera donc là aussi sûrement très différent. Un chapitre se ferme mais un nouveau s’ouvre inexorablement.
Pour terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Je choisis les Beatles. La musique des Rolling Stones est probablement celle qui est la plus proche de ce que nous faisons, mais les Beatles étaient les meilleurs compositeurs. C’est vraiment rare de voir un ensemble de talents aussi productifs au sein d’un même groupe au même moment. Je trouve qu’il y a quelque chose de mystique là-dedans.
Propos recueillis par : Nathalie Barbosa