Interview : Jeff Mills

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Jeff Mills est loin d’être étranger des résidences en club. Sans pouvoir totalement le comprendre et l’expliquer, son parcours a coïncidé avec les moments décisifs de l’histoire de la dance music. Dès ses débuts, il est en charge de la sélection musicale de soirées régulières, avant de déménager à New York, où il devient résident du club  Limelight. Il a par la suite contribué à introduire la musique techno en Allemagne, juste après la Chute du Mur de Berlin au début des années 1990. Puis, sa présence et ses célèbres DJ sets au Japon l’ont mené jusqu’à sa pièce maîtresse, le CD « Mix-Up: Live At the Liquid Rooms ». Et la liste n’en finit pas. Jeff Mills, ainsi que tous les autres producteurs américains de musique techno issus de la ville de Détroit ont joué un rôle essentiel dans l’exportation, non seulement de la techno de Détroit, mais aussi du genre dans son ensemble. Tout comme les personnages de série télévisée, Jeff Mills a eu une étrange façon de tomber dans les périodes décisives juste au bon moment. Karma a eu la chance de pouvoir lui poser quelques questions, dont les réponses se situent entre ésotérisme, science et musique.

Retournons un peu en arrière. Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec la musique ?
Non, je ne m’en souviens pas. La musique n’a jamais été quelque chose que j’ai décidé d’explorer. Elle a toujours été là, autour de moi. Ça n’a jamais été un hobby comme lorsqu’on collectionne quelque chose. En fait, je l’ai toujours plus considérée comme une façon de communiquer.

Avez-vous eu des idoles dans votre enfance et encore aujourd’hui ?
Oui, bien sûr. Il y en a eu beaucoup, mais je ne suis pas certain que ces artistes jouent un rôle dans ce que je fais aujourd’hui. En tout cas je ne peux pas en être sûr et il n’y a pas de moyens réels pour le quantifier. Je me souviens surtout que je ne voulais pas être comme les autres. J’ai toujours été convaincu que d’être différent et trouver de nouvelles voies étaient les meilleures choses à faire.

Vous êtes considéré comme un pionnier de la techno en provenance de Détroit, mais aussi de la techno en général. Est-ce que c’est un « titre » qui compte pour vous ?
Non, cela n’a pas d’importance à mes yeux. Ce n’est pas une chose à laquelle je réfléchis. Je suis juste reconnaissant d’être encore actif dans cette industrie. De mon point de vue et aussi selon ma mémoire, il y a toujours eu beaucoup de personnes qui ont pleinement contribué à la manière dont la musique techno a évolué jusqu’à aujourd’hui. Je pense qu’il faut le reconnaître oui, mais il ne faut pas en faire une excuse pour arrêter d’essayer ou d’explorer encore de nouvelles voies.

Vous vie est jonchée de choix importants. Pourquoi avoir décidé de quitter le « Underground Resistance »
(ndrl : selon Wikipédia : « Underground Resistance, connu sous le sigle UR (à prononcer You Are), est un label de musique électronique et un collectif de producteurs, de musiciens et de DJ fondé à Détroit le 2 novembre 1989 par Mike Banks (dit « Mad Mike »), Jeff Mills, Robert Hood et Darwin Hall (alias « D-Ha »). ») ? Était-ce devenu trop politique ?
Non, pas du tout. On m’a offert la résidence permanente, donc un job permanent, dans un club de New York en 1992. J’ai dû quitter l’UR car j’étais occupé en permanence dans une autre ville.

Vous avez toujours été fasciné par les films de science-fiction dont notamment 2001, l’Odyssée de lespace. Est-ce pour cette raison que vous avez composé la musique du film Metropolis ?
Oui, c’est vrai, les films de science-fiction m’ont beaucoup influencé. J’aime les différents aspects du cinéma et cela passe notamment par les bandes originales. La B.O. de Metropolis a été le résultat de mon envie de montrer la musique techno dans un contexte différent et en dehors de celui du dance floor. Cette musique a été créée pour être un exemple de travail.

Vous semblez être fasciné par le temps qui passe. Si vous pouviez utiliser une machine à voyager dans le temps, où et à quelle époque iriez-vous ?
J’irais probablement très loin dans le futur, au moment où les êtres humains auront réalisé la vérité de ce que nous sommes et où nous nous situerons exactement dans « l’Humanité ». J’aimerais y être, car ce serait le moment où toutes les questions existentielles posées depuis des décennies auraient enfin une réponse. En ayant ces informations, l’Humanité pourrait enfin être capable d’évoluer vers une prochaine ère d’existence.

Vous revenez avec un nouvel album appelé « Emerging Crystal Universe ». Pourquoi avoir choisi ce titre ?
Comme nous parlions tout à l’heure du futur, l’Emerging Crystal Universe explore l’hypothétique moment où l’univers se réinitialise. Trois nouveaux univers s’alignent dans le but de créer un univers composite qui est basé sur la science théorique de l’antimatière. C’est le huitième chapitre de la série The Sleeper Wakes, qui ne se termine jamais.

 

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Vous avez aussi le projet Time Tunnel qui est constitué d’un livre et d’un documentaire. Pouvez-vous nous en parler ?
Le Time Tunnel est avant tout un événement dance qui explore le passé, le présent et le futur de la musique. Le projet est sorti il y a peu mais nous voulons l’amener au plus vite dans différentes villes dans les prochaines années.

Vous avez exploré pas mal de domaines artistiques dans tous vos modes d’expression. Avez-vous déjà voulu peindre ?
Non, jamais de peinture. Je suis assez satisfait par ce qui concerne ma musique.

Sur quels projets travaillez-vous en ce moment ?
En ce moment je collabore avec le pianiste français d’origine russe Mikhail Rudy pour une performance qui aura lieu au printemps 2015 et qui débutera au Louvre. Sinon dans un avenir proche, je vais collaborer avec un bon nombre d’artistes variés et de designers dans la danse contemporaine, avec des musiciens classiques, des créateurs de mode et des designers industriels.

Si vous pouviez inviter dix personnes, vivantes ou décédées, à votre table pour dîner, qui choisiriez-vous ?
Je pense que je choisirais dix personnes qui ont sacrifié leurs vies pour les autres. Pourquoi ce choix ? Je pense que ce sont ce type de personnes que la société devrait mettre sur un piédestal et qui devrait le plus être respecté.

Pour terminer : notre question rituelle. Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Ma réponse rituelle est : Chuck Berry ou Little Richard ? Car ce sont eux qui ont créé le rock’n'roll et pas les Beatles, ni les Rolling Stones.

 

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

 

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