À 25 ans à peine, Jacco Gardner a déjà joué sa pop psychédélique un peu partout dans le monde. Avec son premier album Cabinet Of Curiosities, sorti en 2013, ce jeune multi-instrumentiste hollandais a fait découvrir à son public son univers baroque et enfantin. Inspiré par la musique des sixties, Jacco Gardner remet au goût du jour avec talent des sonorités du passé auxquelles il redonne une nouvelle jeunesse. Avant de reprendre sa tournée début 2014, marquée notamment par un concert le 09 février prochain à l’EXIT07 au Luxembourg, il nous a accordé un peu de temps et a répondu à nos questions sur son drôle d’univers musical.
Tu as sorti ton premier album cette année. Est-ce que tu t’attendais à un tel accueil du public et de la critique ?
Jacco Gardner : On me pose souvent cette question… Si je dis que je ne m’y attendais pas, ça fait un peu genre, je n’y croyais pas, alors que si, mais je n’avais pas d’aussi grandes ambitions. J’espérais que les gens aimeraient ma musique, mais je n’imaginais pas toucher autant de personnes différentes. Je ne suis pas surpris, mais vraiment heureux qu’autant de gens aime ce que je fais.
La musique psychédélique n’est pas un genre de musique très répandu actuellement, es-tu fier de ramener ce style sur le devant de la scène avec ton album ?
C’est le type de musique que j’écoute le plus et je n’étais pas vraiment conscient qu’il n’y a plus grand monde qui joue encore ce genre de musique. Donc pour moi c’était juste une façon de faire la musique que j’aimais le plus. Je suis vraiment content que tant de personnes aiment ce style aussi. Je ne suis pas sur d’en être fier mais en tous cas, j’en suis vraiment heureux.
Peux-tu nous parler de tes influences ?
Je suis principalement influencé par les artistes de la fin des années 60 et du début des années 70. Mes plus grandes influences, ce sont des artistes comme Curt Boettcher, Syd Barrett et d’autres groupes qui avaient une vraie vision de ce à quoi la musique doit ressembler et qui écrivaient leurs chansons eux-mêmes, les produisaient eux-mêmes aussi. J’aime ce genre d’artistes qui expérimentaient les sons en studios et qui avaient une vraie vision de la musique dans les années 60.
D’où te vient l’inspiration quand tu écris tes chansons ?
Quand j’y pense, je crois que je suis principalement inspiré par ma vie. Mes chansons sont une sorte de reflet de moi-même. Parfois, je m’interroge sur des choses, sur ce que je ressens, pourquoi je le ressens, je me demande si je vais changer dans les années qui viennent ou pas, j’ai des rêves que j’espère voir se réaliser et tout ce genre de choses. Je pense que c’est vraiment ce qui m’inspire et la musique que j’aime est un outil, que j’utilise pour exprimer tout ça.
Y a-t-il des raisons particulières qui peuvent expliquer ton attachement à la musique des années 1960 ?
Ce qui me frappe avec les années 1960, c’est que les choses étaient psychédéliques et pour moi le mot psychédélique renvoie à la psychologie et à la réflexion sur soi-même, à ce qui te ramène aux émotions que tu ressentais quand tu étais enfant, comme le rêve, l’imagination. J’aime utiliser la musique pour ressentir ce sentiment, ces émotions-là. C’est quelque chose qui, pour moi, ressort vraiment de la musique des années 1960 et c’est la raison pour laquelle j’aime beaucoup cette période.
Tu es multi-instrumentiste. Est-ce que ça t’aide pour créer ta musique ?
Totalement. Je fais tout ce que je peux moi-même. Ça m’aide énormément pour traduire ce que j’ai en tête en musique. Je produis ma musique aussi et ça aide beaucoup à me rapprocher le plus possible de ce que je ressens.
Tu as joué dans des groupes avant de sortir ton album perso, qu’est-ce que ça change de jouer seul ?
Ce que je fais est beaucoup plus personnel, parce que je peux exprimer ce que je ressens et personne ne peux interférer sur mes émotions pendant la création. Donc créer ma musique moi-même m’a permis d’exprimer mes propres sentiments plus facilement.
Peut-on dire que tu es un artiste atypique ?
Ça dépend… Je ne sais pas vraiment comment les autres font leur musique. D’une certaine façon, peut être que je crée ma musique un peu comme eux, même si ça sonne différemment. Mais je ne sais pas trop, parce que je ne sais jamais vraiment dire quels genres de sonorités j’aime ou non… Je ne connais pas mes goûts en fait. Donc il se peut qu’il y ait des artistes que je ne connaisse pas mais qui travaillent comme moi, même si leur musique est très différente de la mienne. C’est difficile de dire si je suis le seul à travailler comme je le fais. Mais après, au niveau de la création, des sons et de la production, je crois quand même qu’il y a peu de gens qui en font autant de nos jours.
Est-ce que c’est facile pour toi de partager ta musique en live avec un public ?
Ça dépend du public. Parfois, les gens ne sont pas ouverts et ils attendent que je fasse tout moi-même, ils discutent entre-eux et ne font même pas vraiment attention au concert. C’est vraiment difficile de créer une ambiance live dans ces conditions. Et puis des fois, la plupart du temps même, les gens sont dedans et ils sont vraiment réceptifs à ce que j’essaie de faire passer. Quand je suis sur scène, j’essaie vraiment de créer un lien avec le public. Parfois, c’est compliqué, d’autres fois non.
Tu as joué de très nombreux concerts cette année (plus d’une centaine) partout dans le monde. Est-ce que c’est parce que tu aimes particulièrement la scène ou une obligation pour toi afin de promouvoir ta musique ?
Les deux. Mais après un certain stade, ça change un peu. Parfois, je me dis « aujourd’hui, je n’ai pas envie de monter sur scène », mais j’y vais quand même parce que je dois le faire, qu’il y a un groupe qui m’accompagne, qu’on a réservé une salle, donc on doit le faire. Et puis il y a de l’argent en jeu. Et d’autres fois, je me fiche totalement de l’argent et du reste, j’ai juste vraiment envie d’être sur scène. Je crois que ce n’est pas le même sentiment tout au long de la tournée. En ce moment, par exemple, on a tourné tellement longtemps et dans tellement d’endroits, que je me sens vraiment heureux d’être chez moi quelques temps et de pouvoir réfléchir à qui je suis, ce que je fais et ce que je ressens, plutôt que d’être sur la route tous les jours. Je crois que j’ai vraiment besoin d’une pause.
Y a-t-il un pays où tu aimes particulièrement te produire ?
Ça va te surprendre, mais j’aime beaucoup jouer en France (rires). Les Français ont l’air de vraiment comprendre ma musique. Même quand je parle avec des journalistes, ou que je suis interviewé à la radio en France, les gens semblent capables de dire avec des mots ce que j’essaie de dire à travers ma musique, ce qui n’est pas facile. Il n’y a vraiment que là que c’est possible, je n’ai pas vu ça ailleurs. Je suis vraiment content qu’en France, les gens me comprennent.
Tu seras à nouveau sur scène en 2014, mais ensuite, quels sont tes projets ? Y aura-t-il un nouvel album en préparation ou des prestations en festivals ?
Je vais prendre une pause, me reposer, écouter beaucoup de musique pour chercher l’inspiration, ce que j’aime d’ailleurs le plus faire mais que je peux difficilement faire quand je suis en tournée. Donc je vais enfin pourvoir prendre du temps pour ça quand je rentrerai chez moi en Hollande. Je veux vraiment dédier un moment à la recherche d’inspiration. J’ai déjà fais quelques maquettes sur la route sur lesquelles j’aimerais retravailler en studio. J’ai envie de tester de nouveaux instruments, de nouveaux sons et d’enregistrer un album, bien sûr.
Un petit mot sur des groupes du moment dont la musique peut ressembler un peu à la tienne ?
J’aime bien MGMT, il y a pas mal de ressemblances entre eux et moi. Ils parlent aussi de la vie dans leurs chansons et leur approche de la musique me correspond. Leur musique est parfois amusante. Je crois qu’ils utilisent des sons pour donner une dimension théâtrale à leurs morceaux. Leurs chansons sont vraiment cool, mais parfois je ne sais pas trop quoi en penser, si c’est censé être sérieux ou amusant. C’est la différence entre eux et moi. J’aime ce qu’ils font, mais mes chansons sont sérieuses.
La pochette de l’album reflète très bien ton univers. C’était important pour toi ?
C’était très important. Au début, il y avait une autre pochette de prête, mais je n’en étais pas satisfait du tout. Ça n’allait pas. On a donc travaillé avec un autre artiste qui a réalisé cette pochette, qui était bien plus proche de ce que j’avais en tête. C’est quand même différent de ce que j’avais imaginé, mais ça reste dans l’esprit de ce que je voulais, c’est surprenant, mais c’est cool.
Et dernière question, plutôt Beatles ou Rolling Stones ?
Oh, la question qui tue… Est-ce que je peux répondre The Zombies ? (rires)
Tu ne veux vraiment pas choisir ?
Si. Je veux choisir The Zombies. Parce que c’est un super groupe !
Mais si tu insistes, probablement les Beatles. Parce qu’ils ont de supers chansons, avec de super arrangements et ils ont repoussé les limites des technologies des années 1960 pour créer leur musique. Les Rolling Stones l’ont fait aussi, mais ils étaient plus dans la rébellion et il y a beaucoup d’autres groupes que j’aime bien plus, comme les garage bands dans années 1960, qui étaient aussi dans cet esprit de contestation. Les Beatles, c’était des musiciens de studios. Ils avaient de très bonnes idées sur comment utiliser les technologies de l’époque en studios pour créer de nouveaux sons. Ils ont créé beaucoup de choses nouvelles pour leur époque et je crois que les Rolling Stones n’ont pas fait autant.
Propos recueillis par : Manuella Binet