Interview : Francesco De Gregori

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Influencé par Bob Dylan et Leonard Cohen, Francesco De Gregori a connu la gloire avec le titre Il Principe dei cantautori qui figure sur son album de 1975 appelé Bufalo Bill, album dont Francesco dira plus tard qu’il a été le plus accompli. Mais la gloire lui sera définitivement acquise avec l’album suivant tout simplement intitulé De Gregori. Cet album qui met en vedette la chanson mémorable Générale, ouvrira des portes pour son auteur bien au-delà des frontières de son pays d’origine. Francesco De Gregori, qui n’a jamais caché son penchant pour les idées et idéaux de gauche, était passé par le Luxembourg le 12 novembre 2014 dans la salle de l’Atelier et nous prouve encore ici qu’il n’a pas la langue dans sa poche.

Vous avez été signé sous votre premier label en 1971, donc cela fait 43 ans que vous êtes dans le business de la musique. Quel est votre secret concernant votre longévité ?
Je pense que ce sont la chance et le talent mais je ne sais pas exactement à quel pourcentage. Je crois que d’avoir pu faire de la musique pendant si longtemps dépend du plaisir que cela m’a toujours procuré, indépendamment du succès. Le succès peut aller et venir après plus de 40 ans de travail mais après un certain temps vous devez apprendre à le considérer comme quelque chose qui ne doit pas vous conditionner.

Vous avez sorti votre dernier album en 2008. Travaillez-vous sur un nouveau projet en ce moment ?
Je me débrouille toujours pour dire que le prochain album est un enregistrement des « covers de moi-même ». Ce sont 28 chansons écrites au cours d’une longue période de ma vie artistique, certaines plus célèbres que d’autres, que j’ai voulu enregistrer pour témoigner les changements qui sont intervenus dans ma tête, dans le groupe qui m’accompagne, l’évolution des arrangements. Je considère que la chanson est quelque chose dotée d’une vie propre et qui ne peut pas être confiée pour toujours uniquement à la version discographique « originale ». Les versions du nouvel album sont très proches de la façon que nous nous sommes appropriés en les jouant lors de nos concerts. J’avais envie de montrer et de faire sentir tout cela.

Quel est le dernier album que vous ayez acheté ou téléchargé ?
Le dernier album de Cohen. C’était un cadeau d’un ami, mais j’aurais été l’acheter de toute façon. Je l’ai trouvé très soigné dans les arrangements (peut-être un peu trop) mais malgré tout c’est un disque extrêmement inspiré. Comme d’habitude sa voix parvient à raconter le temps et le monde d’une façon émouvante. Je l’écoute souvent et je ne m’en lasse pas, chose toujours moins fréquente dans ma vie d’auditeur de musique d’aujourd’hui.

On vous dit souvent influencé par Cohen ou Dylan, mais que pensez-vous de Patti Smith (ndlr : en interview pour le Magazine Karma ici) ?
J’ai toujours aimé l’indépendance intellectuelle de Patty Smith. Pour être honnête, je n’ai pas tous ses disques mais sans sa voix, la scène musicale des dernières quarante années ne serait pas la même. Elle occupe une place qui lui est propre, personne ne lui ressemble. On ne peut pas dire cela de beaucoup d’artistes.

Quels conseils donneriez-vous à un artiste indépendant qui voudrait se lancer ?
Aujourd’hui un artiste émergent a beaucoup de possibilités de faire connaître son travail. Le réseau offre une série de chances infinies à un jeune musicien. Il peut enregistrer chez lui ses chansons et les mettre en ligne, il peut produire ses vidéos à bas coût, s’il le désire. Il peut aussi enregistrer une partie à la guitare dans sa maison à Rome, une partie de basse par son ami de Montréal et de la batterie par un batteur de Harlem. Tout cela peut avoir une diffusion mondiale à travers le web. Même les spectacles d’artistes amateurs sont une occasion importante, si l’on parvient à rester soi-même dans une telle circonstance. Mais je crois aussi que si vous n’apprenez pas à jouer devant un vrai public, peut-être dans un petit club ou devant un groupe d’amis, il sera difficile de croître. Je dirais que c’est peut-être la seule chose dont un artiste ne peut se passer.

Notre question rituelle. Si vous deviez choisir entre les Beatles ou les Rolling Stones, qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Quand j’allais à l’école, j’étais pour les Beatles. Aujourd’hui, je dirais les Stones. Mais si je réécoute Sgt. Pepper ou Rubber Soul, je l’écoute encore du début à la fin. Et peut-être même que je vole quelque chose ici et là.

Une variation spéciale de cette dernière question pour vous : Bob Dylan ou Leonard Cohen et pourquoi ?
Sûrement Bob Dylan. Leonard Cohen est un grand artiste, mais, en lui, tu trouves uniquement Leonard Cohen. En Bob Dylan, tu trouves toute la musique qui m’a toujours plu, du rock au folk ou au blues, de Robert Johnson à Hank Williams, d’Elvis à Sinatra. Et sa voix d’aujourd’hui, sa façon de chanter actuelle me clouent devant les enceintes.  Que ce soit en écoutant ses disques ou que j’aille dès que je peux écouter l’un de ses  innombrables concerts toujours différents les uns des autres.

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

Traduction faite par Mirella Fontanelli-Filippini et Paola Wagner-Cieri

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