Interview : Fauve

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Deuxième rencontre avec le collectif Fauve, en la personne de leur chanteur, s’adressant toujours au nom du collectif, à l’occasion de la sortie de leur deuxième album, Vieux Frères – Partie 2. Ils seront également de passage au Galaxie d’Amnéville le 22 mai 2015.

Votre nouvel album est sorti ce lundi 16 février. Tout se passe bien jusqu’ici ?
Fauve : Oui, on est content que ça soit sorti, qu’il existe. Nous, le disque, ça fait un bout de temps qu’il est fini. On commence à avoir du recul dessus. On a l’impression d’avoir fait un disque qui nous ressemble, dans la continuité du premier mais avec une volonté de progression. Il y a pleins de choses à parfaire.

Vous avez dit dans une interview que vous aviez le sentiment que ce deuxième album était perçu « de la bonne manière » par la presse. C’est-à-dire ?
Tu ne sais jamais trop quand tu fais un disque comme ça. La partie 1 était dans la continuité, on s’est donné peu de temps pour le faire et on était peut-être plus dans l’urgence. Là, on s’est ménagé une session de travail et d’écriture en avril dernier, puis pendant la tournée et en septembre. On l’a fait de manière différente, ce qui joue. On voulait creuser certaines choses. Faire des instrus plus variées, aller chercher dans la voix et les textes, avoir des champs différents. Et puis on avait l’impression d’avoir une espèce de liberté à exploiter, quitte à faire un disque moins accessible, plus complexe, moins évident au premier abord. Les gens continuent de nous reconnaître.

Tu parlais de l’écriture des paroles. Comment se passe ce travail ?
En fait, on commence par les textes. Une personne centralise, mais chacun n’écrit pas non plus dans son coin. Chacun vit des trucs, dans le collectif, en dehors, on échange sur le sujet et c’est centralisé à l’image d’un greffier ou d’un scribe, afin de faire un agrégat de nos vies. Chacun a sa casquette dans Fauve. Certains s’occupent plus de la vidéo, d’autres de la guitare, etc. Moi je m’occupe des textes. Je suis celui qui met en mot ce qu’il se passe. En répèt, on bosse surtout les instrus, je n’écris pas en direct ou très peu. Je fais ça en étant seul.

Parlons de l’album à présent. Peux-tu nous en dire plus sur le premier morceau ?
C’est une chanson qui parle du plaisir d’un sentiment retrouvé. Un sentiment de légèreté, un sentiment d’innocence, que tout est possible. Comme quand tu es plus jeune. Ce sentiment, on avait l’impression qu’il avait un peu disparu, en grandissant, en travaillant. Avec Fauve, ce sentiment revient, on a presque l’impression de rajeunir.

Qu’est ce qui a guidé l’écriture de la chanson Bermudes ?
Ça fait partie des morceaux un peu lourds de l’album, qu’on a besoin de  faire pour évacuer des trucs. Là, t’évacue tout, d’un coup. C’est un catalogue de choses que tu vois, que tu vis et que tu as besoin d’exorciser.

J’ai l’impression qu’un sujet revient depuis le début dans Fauve, à savoir votre rapport aux relations et à l’amour. Vous n’avez pas l’impression qu’il y a une certaine génération en perte de repères à ce sujet ?
On aime pas parler pour des gens qu’on ne connait pas…on parle que de nous-mêmes. On a l’impression que ça peut être compliqué, on est une génération qui attend de l’engagement. On a à la fois peur de la solitude mais aussi de s’engager. En ce qui nous concerne, on est en recherche de quelque chose de sain, de beau, de lumineux, de solide. On ne cherche pas quelque chose de destructeur, une passion. On partage ça entre nous. On n’est pas si en perte de repères que ça, en ce qui concerne Fauve.

L’album se termine par Hautes-Lumières et un certain message d’espoir… vous avez réfléchi à l’après ?
Là, on est carrément dans les répèts, la tournée, mais on commence à réfléchir à la suite. Ça fait un bout de temps qu’on en parle, entre nous. On va faire une longue pause. On ne sait pas ce qu’on fera. On a des envies, mais on se dit que ce sera bien aussi de mettre Fauve en silencieux pendant un moment, définitivement ou non. C’est très prenant comme projet. Il faut savoir se ménager.

Qu’est-ce qui a guidé le choix de produire deux albums séparés ?
La question s’est posée en commençant à enregistrer le premier album. On avait trop de titres en chantier. On a séparé les titres, une minorité étant gardée pour le deuxième album. On voulait garder une même histoire d’un album à l’autre. Mais le premier album l’année dernière était prévu dans tous les cas. On voulait sortir quelque chose à ce moment-là.

Qu’est ce qui se cache derrière le titre TRW ?
C’est un hommage à un musicien noir des années 1970, qui s’appelle Gil Scott-Heron, il a un morceau qui s’appelle The Revolution Will not be Televised. D’où les lettres.

Pourquoi ce choix de jouer dans la majorité des principales salles de concert de Paris ?
On avait envie de changer par rapport à l’année dernière où on avait fait des séries de Bataclan. On trouvait marrant de faire ça. Ça fait un challenge, on va jouer tous les soirs dans une salle différente, du gros, du moyen, du petit. On voulait aussi revenir dans les salles où on a commencé.

En tournée, vous allez notamment jouer – parmi les grosses salles – au Galaxie d’Amnéville, qui a une jauge maximum de 15 000 personnes…
Oui, alors, le but n’est pas de faire une jauge maximale. Si on est à 3000, c’est déjà bien. Faut pas que ce soit non plus le salon de l’agriculture. On est obligé, en fait. On ne voulait pas refaire les mêmes salles que l’année dernière, la tournée des SMACS. Du coup, là, on voulait faire moins de dates mais des salles plus grosses, par conséquent. En France, il n’y a pas trop de salles de 3000 places. On passe tout de suite d’une SMAC de 1500 à un Zénith. On a voulu faire ça à la Fauve du coup, intelligemment, en apportant un plus, faire des « nuits fauves » avec les décos, le babyfoot et les copains, pour faire une soirée kermesse plutôt qu’un concert.

Vous approchez les 500 000 likes sur Facebook. Comment on s’adresse à autant de gens ?
En restant pareil, comme quand on s’adressait à 50 personnes. On n’a jamais changé là-dessus. Les personnes qui t’écoutent, même si le public s’agrandit, c’est le même échantillon qu’au début. Il y a juste plus de gens.

Quelques mots sur ce qui vous attiré chez le groupe lorrain Grand Blanc ?
C’est marrant, on était avec eux hier soir sur France Inter. C’est un groupe qu’on a découvert l’année dernière, qui nous a vraiment vraiment impressionnés. Leur esthétique, leur son, leurs paroles. Ils sont supers sympas et très investis dans ce qu’ils font. On a trouvé des résonnances par rapport à Fauve. On est hyper content de pouvoir jouer avec eux, on va recommencer sur cette tournée. C’est un groupe qu’on soutient à fond. C’est un des groupes les plus intéressants pour le moment.

Qu’est-ce que ça représente pour vous la musique ?
C’est une thérapie de groupe. Une façon d’expulser des trucs qui peuvent être pesants et de sacraliser les belles choses. Un genre d’avatar de nous-même qui nous permet de nous décharger de pleins de choses.

Beatles ou Rolling Stones ?
Pendant longtemps on était vraiment Beatles à fond, et puis finalement les Stones c’est cool aussi. Dans les Stones, il y a un côté canaille qui coule et qui est super inventif, comme tu peux entendre dans les Pixies. Au début, tu te dis que ce n’est que du « rock’n’roll », et puis tu te rends compte que c’est beaucoup mieux troussé que ça, c’est brillantissime. Les Beatles, c’est plus intuitif. Là, notre choix serait un peu les deux, mais plus les Beatles, de manière historique. Mais il faut écouter les Stones dans les années 1980, il y a des trucs très bien !

Propos recueillis par : Ugo Schimizzi

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