Sho-Bro, le nouvel EP six titres composé de deux titres inédits et de remix de Chill Bump, Al’Tarba ou encore DJ Nu-Mark, du groupe Chinese Man vient de sortir en vinyle et en format digital. L’occasion de parler au téléphone avec Zé Mateo, l’un des DJs du trio de ce nouveau projet.
Si on est là, c’est forcément pour parler de votre nouveau projet « Sho-Bro » sorti récemment. Vous avez déjà eu des retours j’imagine ?
Oui, on l’a diffusé sur Internet. Pour l’instant les retours du public sont très positifs, il y a beaucoup de commentaires, de partages. C’est cool, on est plutôt content mais on verra sur la durée comment ça se passe mais pour l’instant c’est plutôt positif.
« Sho Bro » ne sort qu’en format digital ou sur vinyle, pourquoi ce choix de ne pas le sortir sur CD ?
D’abord, c’est un petit projet six titres. C’est vrai que l’on a plutôt tendance à favoriser le vinyle, pour de multiples raisons. Le CD on essaie de le garder sur des projets un peu plus gros. Surtout en termes d’organisation, de logistique, comme on fait tout nous-mêmes, en tant que label indépendant, on a plutôt privilégié le vinyle et le format digital. Ce sont des choses qu’on maîtrise bien, on partage direct sur notre site internet et pour la vente, notre distributeur connaît bien aussi ces formats-là. Et pour ce projet là on s’est limité à ces formats pour un accès exclusif au support.
Que pensez vous de certains nouveaux modèles économiques : comme les mixtapes gratuites ou le fait de laisser le public mettre le prix qu’il veut pour se procurer l’album ? Un peu comme Run The Jewels l’a fait récemment ?
C’est sûr qu’aujourd’hui les mixtapes, on fait un peu plus de focus dessus, ça fait très longtemps que ça existe. En terme de promos, ou même d’échanges et de partages c’est quand même sympa pour communiquer, pour faire parler de soi. Après au niveau économique, il faut qu’il y ait un peu d’argent dans le système de la musique. De là à dire que c’est la bonne ou la moins bonne solution, j’en sais rien. Ce qui est sûr c’est qu’il faut trouver de nouvelles façons de faire tourner les projets, pas forcément d’une manière démesurée, mais de manière à ce qu’il y ait quand même une suite. Je pense que l’ancienne école ne marche plus ; c’est à dire on sort un disque, on tabasse à fond de promo partout, on achète des espaces gigantesques. Les gens sont plus actifs qu’avant, ça veut dire qu’ils ont aussi cette démarche d’aller chercher sur Internet. Et quand ils ont vraiment envie, ils achètent soit un vinyle soit un CD, soit ils viennent aux concerts. Après, nous, on est toujours à même de s’intéresser à ça quand on l’a entre les mains, et à l’échelle de ce que l’on est capable de faire aussi. C’est à dire que pour le label Chinese Man Records, la musique a toujours été d’abord la priorité. De pouvoir en même temps revenir avec de nouvelles idées et de nouvelles innovations. Les majors ne travaillent pas de la même manière, car il y a les actionnaires derrière et qu’il faut trouver des manières de mettre la pression pour faire acheter les albums.
Sur « Sho-Bro » on retrouve A-Plus, Knobody et Pep Love des Hieroglyphics, des artistes qui ont déjà de la bouteille et ils ont toujours autant la forme ! Comment c’était de travailler avec eux ?
Malheureusement on a fait un enregistrement à distance. On était en contact pendant plusieurs mois avec eux pour leur proposer le projet, avec des échanges et des discussions. On a un copain qui est un MC de la Côte Ouest avec qui on travaille qui nous a permis de nous mettre en contact avec eux. Ca s’est fait un peu dans un réseau intermédiaire mais ils ont adoré le morceau, ils ont fait des propositions, et après le temps que l’on finalise ça a pris un peu de temps mais dans l’ensemble c’était vraiment super. C’est vrai que ce sont des rappeurs avec de la bouteille mais c’est un peu nos générations, c’est à dire qu’ils restent des artistes très actifs. C’était la grande classe de bosser avec eux.
Et au contraire, on retrouve sur l’EP une collaboration avec Al’Tarba, un artiste qui fait pas mal parler de lui en ce moment.
On l’a croisé aussi par des intermédiaires, des réseaux musicaux. On était déjà en contact avec d’autres artistes avec qui on avait l’habitude de travailler et quand on a pensé cette idée des remix, on s’est orienté un peu vers certains artistes français avec qui travailler. Il y avait bien sûr Nu-Mark avait qui on parle déjà depuis quelques années. Et Al’Tarba ça s’est un peu imposé naturellement pour un remix. On lui a fait écouter des morceaux des Groove Sessions 3 et il a choisi Hancock. On était très content et d’ailleurs le projet de remix est super je trouve, c’était génial d’avoir tous ces retours positifs autour de cet EP de tout le monde.
J’ai toujours l’impression en écoutant vos disques, que peu importe les noms prestigieux qui viennent faire des remix, des featurings, tout colle facilement, comme si tous faisaient parti d’une grande famille. C’est aussi ce à quoi vous aspiriez à vos débuts ?
Ce qui est sûr c’est qu’il y a une famille musicale. On écoute énormément de choses et il y en a beaucoup qui nous plaisent et d’envies qui naissent pour des nouveaux projets d’actualités. Je pense qu’au départ il y avait un rêve un peu fou sur d’éventuelles collaborations. On a eu de la chance par moment, des fois non. Sans parler de famille, je dirai que c’est l’écho qu’il peut y avoir avec ce type de musique, à la fois avec des artistes hip-hop, un procédé électronique, en samples. Après, personne ne s’est jamais forcé à travailler avec nous, il n’y a pas d’ambitions commerciales primaires sur des collaborations. Les gens le font plutôt car ils trouvent le morceau cool, l’idée du projet leur plaît, ça crée peut être un environnement favorable à ça. Avec une cohérence pour nous.
Du coup, pourquoi ce titre « Sho-Bro » ? Ca rejoint un peu ce que vous venez de dire ?
C’est en rapport avec le côté graphique, les visuels, les vidéos qu’on développe depuis plusieurs années. Ce projet repose encore sur Julien Lois, Fred & Annabelle, et d’autres artistes et ce qu’on développe autour de Chinese Man ; le graphisme, une densité cinématographique. Du coup les Shaw Bro’(thers) font des films depuis des décennies, et il y a un lien qui a pu se faire, avec les idées de Julien Lois sur l’artwork. Ce qui a donné ces effigies sur le projet Sho-Bro mais aussi le lien qu’on avait envie de faire avec ces films très forts et qui ont un impact certain.
Le clip de « Sho-Bro » est encore bourré de références cinématographiques, comme pour vos autres projets. Vous vous faites des petites sessions ciné avant de travailler sur quelque chose de nouveau ?
(rires) Pas vraiment. On se consulte pas mal quand même en dehors du studio. Avec High Ku et SLY on est fan de ciné depuis longtemps. On essaie d’entretenir cette culture là aussi, de prendre le temps de saisir des moments, pour les sampler par exemple. Il y a beaucoup de supports sur lesquels on essaie de faire ça quand on se retrouve face à nos machines.
Etre mélomane et cinéphile ne serait donc pas trop éloigné ?
En tout cas nous, ça nous aide. Je pense qu’à partir du moment où on choisi un sample, c’est qu’il nous plaît, mais c’est aussi parce que ça a une portée dans l’imaginaire. Après le cinéma est utile particulièrement pour créer une image, une esthétique. On est assez sensible à ça tous les trois.
Cet EP explore toujours pleins de styles de musiques différents, mais si on reste dans l’univers du rap, et notamment de ce qui se fait beaucoup aujourd’hui, vous pensez quoi de la trap music ?
Je sais que dans le groupe? on est plus ou moins sensible à ça. Pour ma part ce n’est pas ce qui me touche le plus. Même si certains titres vont me plaire quand même. Mais cette vague fait du bien au hip-hop. Après c’est toujours pareil, lorsqu’il y a un nouveau style, on l’a vu avec la dubstep il y a quelques années, au bout d’un moment ça propose beaucoup de choseS. Il faut faire le tri, comme dans tous les styles de musique. High Ku serait peut être plus apte à t’en parler, vu que ça m’a moins touché. Mais je trouve quand même ça cool.
Ugo vous avait déjà posé la question, concernant les Beatles et les Rolling Stones. Du coup nouvelle question, 2Pac ou Biggie ?
(rires) 2Pac. Mais maintenant j’hésite du coup ! Je suis un peu coincé car j’aime les deux et ils ont chacun un style et une symbolique très forts.S’ils ne venaient pas chacun de la Côte Ouest et de la Côte Est, on ne se poserai pas la question. Je vais rester sur 2Pac. Mais demain ça sera peut être Biggie (rires).
Propos recueillis par Nathan Roux