L’attente devenait presque insoutenable. Depuis la diffusion du trailer fin 2012, le documentaire Un Jour Peut Etre, Une Autre Histoire du Rap Français se fait désirer. Heureusement, le jeudi 6 novembre, L’Autre Canal à Nancy a pu satisfaire quelques chanceux, en diffusant le film de Romain Quirot, Antoine Jaunin et François Recordier.
C’est d’abord l’histoire d’un long-métrage plein de promesses mais qui n’a pas été vu massivement jusque-là. La faute à une diffusion exclusive lors de soirées à travers la France, la Belgique et la Suisse. Depuis l’avant-première de Paris à la Bellevilloise, le 13 janvier 2014, en présence de tous les acteurs du film, 25 dates se sont succédées. Certes, ce chiffre est honorable, qui plus est étalé sur toute une année et dans certains festivals, mais il y a de quoi se sentir tout de même lésé par la promotion. A ce jour, aucune commercialisation du projet n’est prévue, ni même un crowdfunding. Cela peut s’expliquer par l’implication du journaliste Jaunin et du réalisateur Quirot, qui souhaitent garder cette indépendance sur leur œuvre.
Un Jour Peut Être : Une Autre Histoire du Rap Français n’est pas, comme son nom l’indique, uniquement sur un mouvement, mais aussi sur les rouages d’une industrie. Ainsi, c’est un sentiment de regret, voire d’amertume qui domine chez les artistes filmés lors de ces 50 minutes. Devant un tel casting, difficile d’imaginer ressortir de la salle avec une telle image. Surtout, qu’il leur offre une occasion de s’exprimer sur leurs dix années passées dans le rap français et ce qu’ils ont pu y apporter. Telle est la force du film : apporter un point de vue et des avis différents sur une partie de la musique française qui reste, encore aujourd’hui, bien méconnue du grand public.
Tekilatex, Grems, Fuzati, James Delleck ou encore Gérard Baste nous font alors découvrir leurs souvenirs de tournée, le temps passé en studio, leur sentiment sur les médias. Le tout avec une sincérité et un franc-parler qui permet de s’immerger dans cette autre dimension du rap hexagonal. Car il est bien question d’une branche jugée différente. Bourré d’expérimentations, appelée à tord « rap alternatif » ou « rap de blancs » par le spécialiste Olivier Cachin, ce circuit qui a émergé à l’aube du nouveau millénaire était avant tout en ébullition, et ne demandait qu’à être soi-même. Tous les rappeurs du film sont d’accord sur ce point : ils ne se reconnaissaient pas dans la « ghettoïsation » de leur musique qui commençait à tourner en rond en se rapprochant dangereusement des normes imposées par les maisons de disque. Ces artistes souhaitaient donc prouver qu’une autre musique était possible tout en n’acceptant pas d’être mis à l’écart. Contradiction d’un discours qui se veut à la fois sincère, drôle en anecdote mais aussi amer en repensant au passé.
Composé de cinq chapitres, le projet suit une histoire sous forme de chronologie entrecoupée d’images d’archive, d’interviews et d’extraits musicaux. L’occasion de parler de projets marquants comme la compilation l’Antre de la Folie, TTC ou encore les deux albums du Klub des 7. De quoi rendre nostalgiques ceux qui ont connus cette époque. Il est vrai que le film montre bien le talent de chaque intervenant et rend accessible cette mouvance qui a vu l’électro et les textes farfelus se mélanger au rap, tout comme les personnalités les plus dingues se côtoyer. Un Jour Peut Être n’est pourtant pas un plébiscite de cette époque passée. Il ressemble plus à un constat sans fard d’une musique qui aurait du percer mais qui au final n’est restée qu’au stade de succès d’estime.
Les médias généralistes sont montrés du doigt, les maisons de disque critiquées, l’industrie répudiée. Fred Musa de Skyrock fait d’ailleurs une intervention, balançant un peu l’aigreur et les idées similaires des protagonistes. Même si son postulat ne semble pas facile à défendre. Le documentaire finit tout de même sur un point optimiste. Ils sont présentés comme des pionniers d’un genre ayant ouvert des portes à une nouvelle scène qui semble s’être inspirée, intentionnellement ou non, de leur héritage. Quoiqu’il en soit, ce type de documentaire est nécessaire, ne serait-ce que pour la mémoire d’une musique, qu’un jour peut être, le grand public connaîtra mieux.
Article : Nathan Roux