Gesaffelstein, c’est un nom et une musique qui nous déroute. « De la bonne berlinoise ? », se dit-on, trop peu méfiant. Un clubber parmi les clubbers ? Un pratiquant des musiques savantes depuis la prime enfance ? Il n’en est rien. On est un peu désorienté mais on reste attentif, parce que ça nous a l’air bien agréable.
Gesaffelstein est en fait Lyonnais et commence la musique à 16 ans. Il livre, dans une récente interview donnée à France Inter, qu’il n’est pas vraiment capable de nommer les notes sur le clavier d’un piano mais qu’il sait le son qu’elles vont produire en fonction de la manière dont il les actionne. “j’étais plus passionné par la manière dont on crée un son que par la musique elle-même« confie le machiniste qui mise avant tout sur son intuition. Technophile au sens musical du terme, il trouve quand même que Bowie est un mec doté d’une « perfection incroyable ».
Gesaffelstein, ça vient de « Gesamtkunstwerk », morceau de Dopplereffekt qui désigne un concept allemand du XIXe siècle signifiant « œuvre d’art total ». Plus qu’une référence à cet audacieux concept, c’est aussi un clin d’œil au groupe de Détroit qui marqua, notamment, dans les années 1990, le milieu des musiques électroniques. L’autre partie de ce nom nébuleux, il la devrait à Albert Einstein. Pourquoi pas.
Notre jeune lyonnais croise donc un jour le chemin de The Hacker, fameux producteur de techno qui mise sur son talent et en tire, en 2008, un maxi via le label Goodlife Records. Mais c’est lorsque le morceau Video Exposition tombe entre les mains de Brodinski que la gloire n’est plus très loin. Le jeune premier crée très vite avec les plus grands et travaille notamment pour le morceau Black Skinhead de Kanye West, avec son acolyte Brodinski mais aussi un certain groupe nommé Daft Punk.
Sa tendance à mettre la charrue avant les bœufs ne nous fâche pas trop puisque nous attendions son premier album avec impatience. « Aleph », première lettre de l’alphabet hébreu, marquerait ainsi un certain commencement. 14 titres sombres et millimétrés recouvrant une techno défiant la techno, une techno donc déviante, bien que l’essence de la techno réside dans la déviance. Déroutant.
Les clips qui en sont issus (pour les morceaux Hate or Glory et Pursuit) n’en sont d’ailleurs pas moins intrigants. Il n’est d’autre mot que « chelou » pour les décrire, à moins que l’on s’adonne aussi à quelques références de cinéma bizarre et sombre comme Gaspard Noé ou Romain Gavras, ce qui n’est pas tout à fait étonnant quand on sait que ce dernier a réalisé des clips, pour Justice par exemple.
Ambiance, donc, que celui que l’on surnomme – à tort ou à raison – « le prince noir de la techno » devrait nous faire partager pour quelques dates, notamment à l’Olympia le 30 janvier prochain et le 7 février 2014 à L’Autre Canal à Nancy. D’ici là, on se tient prêt et on écoute tranquillement Aleph dans l’attente de la déflagration.
Article : Lucile Bitan
Concerts :
Gesaffelstein – Olympia (Paris) – 30 janvier 2014
Gesaffelstein – L’Autre Canal (Nancy) – 7 février 2014