Live Report : Sting – Le Galaxie d’Amnéville – 10 novembre 2012
À 61 ans, dont 41 passés à écumer les scènes du monde, des plus petites aux plus grandes, Sting choisit de revenir à ses premières amours, à l’instrument qui a fait décoller sa carrière : la basse. Et pour l’occasion, ce n’est pas à New-York que l’Englishman fait une escale, mais au Galaxie d’Amnéville. Dernier appel pour les passagers, embarquement immédiat !
Ne nous leurrons pas, tout le monde a déjà entendu ou fredonné un morceau de Sting. De ses plus grands succès avec The Police, So lonely par exemple, à ses compositions personnelles comme Englishman in New York, Sting a su, à un moment ou un autre, faire raisonner en nous les notes de ses morceaux. Et pour cause. Avec 41 ans de carrière au compteur, on peut dire que l’anglais en a vu. Tantôt membre de son groupe, puis leader de sa carrière solo, il s’est même permis quelques apparitions remarquées au cinéma (son rôle dans Dune de David Lynch étant probablement le plus connu). En survolant sa carrière, on se demande sincèrement à quoi Sting n’a pas touché ?
Et si, après tant d’années, les changements se sont succédés, il y a quelque chose qui n’a jamais varié d’un pouce : son amour pour la basse. Instrument de prédilection pour l’artiste, cela faisait pourtant plusieurs années qu’il n’en avait pas joué sur scène lors de ses prestations en solo, lui préférant la guitare. C’est pour cette raison qu’en cette année 2012, alors qu’il décide de repartir en tournée mondiale, Sting reprend en main sa « quatre cordes » et se lance à corps perdu dans son Back to Bass Tour.
En cette humide soirée automnale, nous nous rendons donc tous au Galaxie d’Amnéville pour assister à ce qui s’annonce comme une grande soirée. Mon entrée en poche, c’est dans une salle à moitié remplie que je m’installe, debout confortablement au milieu des quadras et autres quinquas qui semblent s’être tous donnés rendez-vous ici ce soir.
Et oui, car si la musique de Sting est bel et bien grand public, il n’en reste pas moins que la star a obtenu ses lettres de noblesse vers la fin des années 70, le début des années 80. Ces millions d’adolescents et de jeunes adultes hystériques qui les acclamaient, lui et les membres de The Police, sont aujourd’hui pères et mères de familles, grands parents même à n’en pas douter pour certains, et suivent toujours leur idole, souvenir d’une jeunesse pas si perdue. C’est donc tout naturellement qu’ils composent la majorité du public de la star ce soir.
Lorsque s’éteignent les lumières, avec un petit quart d’heure de retard, ce sont de véritables hurlements qui se mêlent aux applaudissements fournis d’une salle presque remplie qui trépigne d’impatience. Alors que les membres du groupe s’installent, je me surprends à noter que, ce soir, il n’y aura pas de première partie. Qu’à cela ne tienne, la soirée sera tout de même bonne !
Les premières notes de If I Ever Lose My Faith In You résonnent et déjà le public se met à chanter avec la star. La première remarque qui puisse être faite sur Sting, c’est que le temps ne semble pas avoir d’emprise sur lui. Le visage souriant et peu marqué par les années amène à se demander s’il a réellement passé les soixante ans.
Avec un début de set relativement calme et posé, un peu trop tranquille diraient même certains, Sting prend le temps de s’échauffer correctement, restant relativement discret entre les morceaux. Une minute est tout de même prise, le temps de présenter, en français, les membres de son « band », composé d’un guitariste, d’un batteur, d’un claviériste, d’une chanteuse pour les chœurs et d’un jeune violoniste quelque peu effacé derrière ses mèches de cheveux.
Les morceaux s’enchaînent et laissent rapidement résonner à nos oreilles, plus ou moins connaisseuses, les notes du très célèbre Englishman In New York. La réaction ne se fait pas attendre et le public s’enflamme, marquant le premier tournant du concert : la température ne fait que commencer à monter.
Alors qu’arriveront par la suite des titres tels que I Hung My Head et The End Of The Game, le deuxième souffle se fera ressentir lorsque Peter Tickell, le jeune violoniste caché en fond de scène, s’avancera jusqu’au niveau de Sting et se lancera dans un solo de violon renversant. D’une précision et d’une propreté rarement observées à cette vitesse, il enchaînera les notes dans une démonstration de technique et d’émotion nous donnant à tous la chair de poule. Son talent ajouté à son intervention complètement inattendue aura l’effet escompté : électriser encore un peu plus le public, redonnant un nouvel élan à ses compagnons de scène. La locomotive est définitivement lancée, désormais plus rien ne l’arrêtera.
Au bout d’environ 1h20 de show endiablé et de commentaires amusés de Sting, faisant de son mieux pour s’exprimer toujours au maximum dans la langue de Molière, c’est sur un magistral Roxanne entrecoupé d’une rapide « jam session » entre les musiciens que se terminera la setlist principale du concert.
À peine une minute après sa sortie de scène, Sting reviendra pour attaquer le premier rappel composé de trois morceaux dont l’envoûtant Desert Rose et le mythique Every Breath You Take repris en chœur par une foule qui n’en peut plus de la tonne d’émotion qui lui est transmise.
Un second rappel, plutôt rapide, et arrive enfin l’ultime retour sur scène du géant de la basse. Les lumières, toujours plutôt discrètes pendant l’ensemble du concert, se tamisent complètement, laissant trois cônes de lumière descendre sur Sting, qui, pour la dernière de la soirée, laissera de côté sa « quatre cordes » la remplaçant par une guitare acoustique. Alors que résonnent les paroles de Fragile, je me prends à noter que l’éclairage, aussi simple soit-il, reflète parfaitement les paroles du refrain « Like tears from a star » : Sting semble tout simplement se tenir au croisement des trois branches d’une étoile (star en anglais).
Nous ayant fait voyager des confins de la mélancolie avec son poignant Shape of My Heart aux colorés et joyeux horizons de De Do Do Do De Da Da Da, Sting a su faire naître en chacun de nous, des plus jeunes aux plus vieux, une palette de sentiments que seuls peu d’artistes sont capables de manipuler avec un tel talent. L’accompagnement de ses musiciens et tout particulièrement de Dominic Miller à la guitare (qui nous fera d’ailleurs l’honneur de sa deuxième erreur sur scène en 20 ans avec Sting) et de Peter Tickell au violon, n’aura servi qu’à sublimer la prestation quasi intime d’un artiste depuis toujours engagé et qui, après tant de temps, semble encore prendre autant de plaisir à être sur scène. Et rien que pour ça, on le félicite.
Article : Dom Panetta