Live Report – Dionysos – Nancy Jazz Pulsations 2012
Sur scène comme dans la salle, le festival Nancy Jazz Pulsations réuni chaque année des mélanges improbables. Ce soir, c’est donc les rockeurs français de Dionysos qui croisent le fer avec les Wayfarer et Eiffel. En face, Môssieur Louis et Cédric se partagent la tâche de vous ramener un live report fidèle au climat et à leurs habitudes !
Les bonnes librairies se font aujourd’hui aussi rares qu’un haut-fourneau en état de marche. Les best-sellers se vendent désormais en supermarché, parfois offerts pour l’achat de deux paquets de lessives. Cependant, un petit tour à « L’Autre Rive » me réconciliait avec la profession. J’en sortais avec une réédition des « Nouveaux Mystères de Paris », compilation des enquêtes de Nestor Burma, écrites par un Léo Mallet soucieux de rendre hommage à chaque arrondissement de la Capitale. Malheureusement, je n’avais pas le temps de commencer à feuilleter la crème des polars à la française puisque j’avais rendez-vous avec la crème du rock français sous le Chapiteau de la Pépinière.
Après avoir récupéré l’accréditation qui m’était destinée, l’avoir bien mise en évidence sur ma veste afin d’être considéré avec déférence par les petites mains du festival, j’entrais dans l’arène du Nancy Jazz Pulsations, bien décidé à enquêter sur l’existence d’un rock à la française.
Le concept a toujours de quoi étonner le « rockophile » que je suis puisqu’il existe peu de référence hexagonale crédible à se mettre sous l’oreille. Notre Johnny national étant plus utile au commerce des tatoueurs de provinces qu’au rock’n’roll.
La soirée commençait avec une vieille connaissance de votre serviteur : les Wayfarer. Originaire de l’agglomération nancéienne, le jeune groupe de rockàbilly progressait en notoriété à la vitesse d’un Sébastien Loeb en retard au chrono. Difficile de les comparer à la référence du genre puisque, sur scène, ils préféraient rendre hommage à Nino Ferrer ou Jacques Dutronc qu’aux Forbans. Pour les avoir déjà croisé sur de plus petites scènes lorraines, force était de constater qu’ils avaient gagner en professionnalisme. Le set était carré, propre, les effets scéniques étaient bien utilisé, le chanteur dépensait une énergie telle qu’on pouvait deviner aisément quelle était la reconversion des médecins de l’ex équipe cycliste de Lance Armstrong. Tout juste pouvait-on regretter de ne pas assez comprendre les textes qui pourtant décrivent un univers proche des polars de poche (poche comme celle qui nous permet de ranger la monnaie et non pas comme le diminutif de « pochetron ». Un polar de pochetron se résumerait bien vite à « j’ai commencé mon enquête mais j’avais oublié le nom de la victime et après j’ai vomi ».)
Dans tous les cas, ils avaient suffisamment chauffé le public pour le groupe Bordelais Eiffel. Le combo souffrait, ou profitait d’ailleurs, de la comparaison avec feu Noir Désir. En tout cas, ils aimaient à s’en plaindre dans la presse. Après avoir constaté que le chanteur ressemblait drôlement à Bertrand Cantat, qu’il chantait de la même manière, qu’ils avaient arrangé les morceaux comme à la belle époque de « Tostaki » et qu’ils étaient copains comme cochon avec le puncheur lituanien au point de l’avoir invité sur scène lors d’un concert précédent, j’avais quand même la forte impression qu’ils se foutaient un peu de la gueule du monde. Les recettes ayant fait le succès de Noir Désir nous étaient resservis avec une différence notable : si Noir Désir enflammait les scènes rock, Eiffel m’endormait carrément. Comme si le premier groupe s’était reformé pour faire une tournée des maisons de retraite avec comme consigne de ne pas réveiller les pensionnaires. Mon enquête fut vite bouclée : Eiffel était coupable de plagiat sous Lexomil.
Pour le coup, je regrettais que les Wayfarer n’aient pas eu l’opportunité de jouer à leur place afin de bénéficier d’une audience plus nombreuse qui méritait de bouger un peu plus, juste avant les stars américaines (comme on disait dans les années soixante) du jour : Dionysos.
L’enquête préliminaire m’apprenait que le nom du groupe faisait référence au Dieu grec du vin. Ayant arrêté la consommation d’alcool depuis trois ans pour cause de système digestif défaillant, il m’était impossible de me conditionner à écouter leur musique en titubant, faisant la conversation avec un poteau à propos du dernier roman de pochetron sorti aux éditions de « La Craffe ».
Le code couleur scénique était pourtant bien cohérent puisque les musiciens portaient tous des costumes noirs avec cravate rouge ; le jeu de lumière faisait également baigner la scène et le public dans une couleur éthylique. N’étant pas fan du groupe, mais pas réfractaire non plus, je ne pouvais pas, à l’instar de mes nombreux voisins, chantonner les tubes qui se succédaient. Cependant, mon genou blessé par un obus croate, réclamait son indépendance et remuait frénétiquement, comme celui d’un suspect interrogé en garde-à-vue par un agent de police visiblement éméché, bien que chauve, et qui avait visiblement en aversion sa version des faits.
Le rock était servi de manière buccolique, quelques jolis textes étaient interprétés comme des ballades mais à chaque fois Dionysos augmentait le tempo comme les battements de cœur du même suspect de tout à l’heure, toujours en garde-à-vue et observant l’agent de Police retirer sa ceinture mystérieusement.
Le public était visiblement ravi. Les chansons les plus connues du groupe furent interprétées, l’ambiance fut survoltée, des vapeurs de sueur sortaient du Chapiteau comme de celle d’un vestiaire de rugby à la mi-temps.
Cependant, même si je n’avais pas passé une mauvaise soirée, je n’avais toujours pas trouvé le rock’n’roll ce soir-là. J’avais l’impression de m’en être plus approché parfois dans quelques bars mal famés de Nancy face à des groupes parfaitement inconnus. Le rock’n’roll nécessite, à mon sens, un grain de folie et de démesure, une démarche quasi-suicidaire que je n’avais pas retrouvé ce soir.
Je quittais donc le Chapiteau plutôt content de ma soirée. L’enquête était bouclée pour ce soir. Ma quête du french rock’n’roll continuait cependant et ressemblait de plus en plus à la quête d’un graal fantasmé par le public et les médias spécialisés.
Je rêvais de le trouver un jour afin que l’on puisse me surnommer « L’homme qui avait mis le mystère du rock Français Knock-out ».
Article : Môssieur Louis