Musique et cinéma : Gone Girl

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Sorti le 8 octobre dernier, Gone Girl est le dixième long métrage de David Fincher. Le réalisateur de Seven, Fight Club ou encore Zodiac compose un nouveau thriller virtuose qui nous plonge dans un récit quasiment impossible à anticiper. Épaulé, une nouvelle fois, par ses acolytes Trent Reznor et Atticus Ross, qui signent la bande originale, Fincher se joue des spectateurs pour leur livrer, in fine, sa vision apocalyptique du couple.

Adapté du best-seller Les Apparences par son auteure, la romancière américaine Gillian Flynn, Gone Girl suit de manière non chronologique les étapes de la relation de Nick (Ben Affleck) et Amy (Rosamund Pike). Alors que les tourtereaux se sont rencontrés puis mariés à New-York, ils décident de déménager dans le Missouri, état natal de Nick, pour s’occuper de sa mère malade. Le matin de leur cinquième anniversaire de mariage, il signale la disparition de sa femme à la police…

Gone Girl se construit comme un jeu de piste dans les méandres des problèmes conjugaux de Nick et Amy. Plusieurs fois dans le film, des retournements de situations en bouleversent les enjeux, ce qui finit étrangement par remiser la passionnante critique du mariage qu’il augurait pour laisser place à une étude stérile du désastre que peut provoquer une personne dérangée dans un couple.

Gone girl

Crédit photo : 20th Century Fox

Seule faiblesse du long métrage, cet aspect bizarrement simpliste du scénario (qui réactive par ailleurs certains clichés misogynes et masculinistes) n’empêche pas de se délecter de tout le reste. À commencer par la musique, qui souligne en nuance le malaise distillé tout au long de l’histoire. Il s’agit de la troisième collaboration de Trent Reznor, connu depuis les années 1990 pour son projet de metal industriel Nine Inch Nails, et de son complice Atticus Ross avec David Fincher, après les bandes originales de The Social Network et Millénium. Moins frénétique que la première et moins angoissante que la deuxième, cette nouvelle partition ne détonne pas de l’univers musical du duo tout en sonnant à priori comme sa plus lumineuse.

Mais, dès le début du film, chaque morceau laisse transparaître une certaine inquiétude. Les tonalités sont changeantes, rien ne s’installe, le doute s’immisce. Un comble pour des pistes composées à partir de nappes de sons cristallins et aériens. Progressivement, bruits de sonar et interférences diverses viennent troubler ces mélodies éthérées et doucement mélancoliques (What have we done to each other ?, Sugar Storm…). Au fur et à mesure des révélations sur le couple et de la descente aux enfers de Nick, harcelé par les médias et suspecté du meurtre d’Amy par la police, la musique s’affole, se dérègle dès le début des morceaux.

Les compositeurs vont jusqu’à s’autoriser une embardée grotesque et jouissive lorsqu’ils soulignent une scène sanglante à la fin du film, manifestement encouragés par la surenchère parodique d’hémoglobine à l’écran. Sur le morceau Consummation, ils semblent appuyer de tout leur poids sur la même note de synthé après chaque fondu au noir, au moment où une nouvelle image choc  apparaît. L’effet comique produit contribue à faire basculer Gone Girl du côté de la farce macabre, achevant de nous prouver la folie du personnage à l’écran. Cumulé avec ses méfaits passés, l’événement annule la possibilité d’un propos universel sur le mariage pour se focaliser sur un cas très particulier.

Cela ne discrédite pas pour autant l’ensemble des réflexions véhiculées par le film. Les problématiques liées à l’usure du couple et à la volonté inconsciente de façonner l’autre à l’image de son propre idéal fonctionnent toujours rétroactivement, même après les révélations finales. Insidieuse, la musique de Reznor et Atticus continue de résonner sur le générique final en nous maintenant dans l’incertitude : What Will We Do ?

Texte : Timé Zoppé

 La bande originale du film est éditée par Columbia et en écoute sur Deezer : http://www.deezer.com/album/8709085

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