Un mois après le concert du groupe à la Rockhal au Luxembourg et alors que le groupe vient de terminer sa tournée européenne, retour sur un concert qui a marqué les esprits et sur lequel les rédacteurs du Magazine Karma sont divisés. Retrouvez ici les avis de Thibaut, Guillaume et Ugo ainsi que de Yuko, notre envoyée spéciale japonaise tout spécifiquement rattachée à la France depuis quelques mois (le concept est particulier, on vous l’avoue !)
Yuko :
Le concert n’était somme toute pas mal. Comme « Imaginaerum » est un album encore jeune, j’étais pleine de doutes. Peut-être que beaucoup de gens préfèrent Tarja et c’est vrai que sa voix et ses manières sont complètement différentes, mais je trouve que la voix d’Anette a le mérite d’être très active. On peut regretter qu’il n’y ait pas de solo de chaque instrument, à l’exception de la cornemuse qui sortait du lot et c’était bien. A titre personnel je n’aime pas trop ce nouvel album mais enfin c’était assez amusant. Les effets techniques, les lumières et les confettis étaient au rendez-vous, mais l’atmosphère dégagée par l’écran était confuse et parfois incompatibles avec le rendu sonore.
Guillaume :
Déçu par le dernier opus du groupe, c’est sans plus de motivation que j’allais voir Nightwish à la Rockhal le 21 avril dernier. Bilan d’un concert en demi-teinte :
Arrivé trop tard pour apprécier la première partie, mon premier contact avec la scène est un rideau déchiré d’un goût douteux. Alors que le groupe fait son entrée, il laisse heureusement apparaître une scénographie étudiée et soignée, inspirée par le visuel du dernier album. L’entrée en scène sur Storytime, l’un des derniers morceaux fait son effet même si les vidéos projetées sont du même goût que le rideau. Apparemment soucieux de motiver son public, le groupe enchaîne directement avec deux morceaux plus anciens, Whish I had an Angel et Amaranth, diablement efficaces. S’ensuivent quelques morceaux du nouvel album, qui font un peu retomber l’ambiance, notamment Slow, Love, Slow, aux accents jazzy qui laissent le public assez consterné.
Le morceau suivant, I Want My Tears Back (seule composition du dernier album méritant une note au-dessus de la moyenne) marque l’entrée en scène de Troy Donockley et de sa cornemuse. Le show prend alors une autre dimension et le métal lourd des derniers Nightwish se retrouve étoffé d’accents celtiques du meilleur effet. Il faut d’ailleurs bien cela pour masquer la performance vocale catastrophique d’Anette sur Nemo. On comprend maintenant pourquoi le groupe limite au maximum les reprises de la période Tarja Turunen.
Le second temps fort du concert viendra avec Last of the Wilds, composition épique de l’album précédent, qui a en outre le mérite d’être instrumentale… et après Nemo on ne s’en plaindra pas ! Dead to the World et la reprise Over the Hills and Far Away de Gary Moore concluent ce concert sur une note positive. On comprend difficilement que le groupe ait choisi de jouer trois morceaux du dernier opus en rappel. D’autant que ceux-ci ont une fâcheuse tendance à être calqués sur le même modèle (intro symphonique – rythmique saccadée et grosse distorsion), si bien que le non initié les reconnait difficilement les uns des autres.
Malgré de nombreux écueils, et notamment une setlist trop axée sur le dernier album, le concert s’en sort honorablement, notamment grâce à l’apport indéniable de Troy aux nouvelles compositions du groupe (et à un Last of the Wilds épique, je le répète). Reste que si Nightwish continue sur sa lancée en se détachant de plus en plus de ses origines, il risque bel et bien de se mettre à dos les quelques fans de la première heure qu’il lui reste.
Thibaut :
« Du sang, de la sueur et des larmes ». Quand Churchill parlait de Nightwish à la Rockhal, il avait déjà tout compris. C’était sanglant, transpirant et triste. Nemo revisité par la voix geignarde d’Anette et Over the hills and far away sacrifié sur l’autel de la pyrotechnie, c’était sanglant. Des animations d’écran psycho-épileptiques à en faire saigner les yeux, dignes d’un perroquet qui mange des arcs-en-ciel, ça aussi c’était sanglant. Anette en robe de cocktail et bustier mal ajusté qui ne prend même pas la peine de se chauffer la voix à son entrée, saccageant violemment Wish I had an Angel, c’était transpirant. De la pyrotechnie statique et un bridage massif de toute improvisation et intimité, ça aussi c’était transpirant. Et enfin bailler lors de The Islander, regarder sa montre pendant Slow, love, slow, et compter les plumes du faisan qu’Anette a sur la tête au lieu d’applaudir, c’est triste. Voir la différence entre une Anette des débuts, volontaire et pleine de fraicheur, reprenant le flambeau de Tarja avec humilité et Anette de la Rockhal en 2012, ça aussi c’est triste.
La rédemption n’est pourtant pas loin. Du groove jazzy ambitieux, de la cornemuse et des nouvelles saveurs, Nightwish n’est certes plus à la fournaise musicale de ses débuts, soufflant les murs d’une salle par une double pédale olympienne, mais la démarche est bien réelle. Simplement dommage qu’elle n’ait pas été là à la Rockhal.
Ugo :
Nightwish était moins en forme qu’à Bercy. C’est indéniable. La prestation d’Anette était passable, vraiment mauvaise dans les pires moments. Au-delà de ça, Nightwish a été bon ce soir même si certains choix peuvent être discutés. Bien sûr, le groupe a basculé dans un virage nettement plus pop. Certaines chansons sont donc l’apanage de ce nouveau style et en ont lassé plus d’un rapidement. D’autres chansons continuent cependant de perpétuer l’esprit de Nightwish, selon ce que semblait vouloir à ses débuts son compositeur Tuomas Holopainen. Ainsi, Last Of The Wild, The Islander, ou, I Want My Tears Back paru sur le dernier album « Imaginaerum », font de ce concert un moment loin d’être désagréable. Il faut bien préciser que passer le concert en compagnie d’une troupée de rédacteurs n’aide pas à l’objectivité, ni dans un sens, ni dans l’autre.
Toutefois, indéniablement, Nightwish a plutôt assuré sa partition, invitant au passage Troy Donockley, excellent musicien et vecteur d’une énergie nouvelle, complétée par quelques effets pyrotechniques appréciables.
Photos : Sebastien Neurohr / Ugo Schimizzi