A l’occasion de la sixième édition de la Nuit Blanche à Metz, nous avons également eu l’opportunité de nous voir proposer de co-interviewer le groupe Granville, en compagnie de l’équipe de ZKM Radio. Après quelques minutes de préparations, tous supports numériques dehors, nous nous jetons dans l’exercice de l’interview (quasi) improvisée.
Magazine Karma : On a vu que vous venez de Caen, vous vous appelez Granville, et vous parlez de Jersey. Quel est votre rapport à la géographie au final ?
Sofian : Le rapport il est dans nos vies. On vit sur un territoire et on parle de choses qu’on connait, de notre vécu. Et pour le coup, situer géographiquement nos chansons et bien ancrer nos propos sur une carte nous permet d’imaginer notre musique plus facilement. Il est important pour nous de transporter directement l’auditeur dans un lieu précis. Et puis, comme on écoute beaucoup des groupes US comme Best Coast, ou plus anciennement Beach House, avec lesquels on se sent directement en Californie, on avait envie d’apporter ça, d’« implanter » notre musique sur un territoire, pour faire voyager ceux qui nous écoutent.
Karma : Justement, quelles sont vos principales influences musicales, qu’est-ce qui vous guide dans vos créations ?
Mélissa : On est très fans de la scène pop indé américaine. On avait envie de partir de ça, en apportant quelque chose de plus, quelque chose de français. On est très fans des textes des années 60.
Sofian : Oui, les chanteuses comme Françoise Hardy, France Gall, mais aussi Serge Gainsbourg. Et du côté américain, comme on l’a dit Best Coast, Tennis, Blood Orange, Grizzly Bear. Et en remontant un peu le temps, dans les « papas » de ces groupes là, on écoute un peu tout ce qu’il y avait autour de Phil Spector, la scène pop US des années 60-70, avec des groupes comme les Mamas and Papas, les Beach Boys.
Karma : On sent que vous avez un grand attachement à la culture française. Qu’est-ce que ça vous fait d’être programmé dans un événement tel que la Nuit Blanche, qui est l’une des vitrines de la culture et de la création en France ?
Sofian : C’est chouette de participer à ce genre d’événement. C’est comme la fête de la musique et tous ces événements culturels qui ont été instaurés en France. On fait partie d’un pays qui a une histoire culturelle assez riche et la défendre dans notre musique c’était important aussi, de pouvoir apporter notre vision du truc et continuer à notre mesure et sans prétention à écrire un peu l’histoire de la culture française. Nous, on est très portés sur la culture anglo-saxonne. Du coup, là où eux nous apportent tellement au niveau musical et cinématographique, on a voulu également apporter notre histoire à nous, Français, et enrichir le spectre de cette culture-là, bien évidemment à notre mesure.
Karma : Justement, vous vous êtes fait connaitre sur Internet, un important moyen de diffusion. Selon vous, c’était une meilleure façon d’émerger vis-à-vis de médias plus traditionnels ?
Sofian : Nous, on est des enfants des années 1990, (1994 pou Mélissa, 1990 pour Sofian ndlr) du coup on a appris la musique plus par internet que par nos parents. Il nous paraissait plus naturel de passer par ce média. On s’est dit que par Internet, la musique pouvait voyager plus facilement, qu’on n’était plus obligés d’habiter à Paris pour réussir à se faire connaitre. On a pu remarquer que sur Internet, les groupes viennent d’un peu partout dans le monde, peu importe la langue dans laquelle ils chantent. Internet nous a permis d’avancer plus sereinement, plus rapidement. 8 mois après la création du groupe, on a posté « Le Slow » sur Internet en téléchargement gratuit. Quelques secondes plus tard, le morceau était diffusé en radio au Québec, et deux mois plus tard on a halluciné quand on a appris qu’on parlait de nous sur le site des Inrocks. Du coup c’est bien grâce à Internet qu’on a pu aller aussi vite.
ZKM : Et au niveau de votre album de 12 chansons « Les Voiles », vous avez mis du temps à le produire ?
Melissa : On a fait une première fois deux semaines de studio, on enregistrait piste par piste. Mais on s’est vite rendu compte que ça ne marchait pas, du coup on est revenu sur une version live des morceaux. On en a conclu que c’était notre formule à nous et on y a passé un mois.
Sofian : Un mois pour l’album et pour la composition. On a créé le groupe en février 2011 et deux mois plus tard, on avait composé une trentaine de morceaux. C’est allé super vite, le courant passait très bien entre Arthur le batteur, Mélissa et moi. C’était super naturel de composer, d’où cette rapidité. On a une bonne cohésion au sein du groupe, ce qui est super important.
ZKM : On remarque que votre site internet est vraiment soigné, de belles illustrations et beaucoup de couleurs, ça fait plaisir et ça donne envie d’écouter. Vous êtes encore en tournée ?
Sofian : Ouais là c’est la formule totale. On a commencé le 13 septembre au Zénith de Caen pour les 20 ans de la salle. Et la tournée va se poursuivre jusqu’en décembre, ensuite on repartira sur les routes à la fin de l’hiver, début du printemps, pour une tournée…d’hiver-printemps
ZKM : Vous prévoyez des dates à l’étranger ?
Melissa : Pour l’instant on reste en France mais on a envie de partir.
Sofian : On a été à Montréal. Notre album est sorti là-bas en juin, on pense y retourner, on aimerait aussi aller en Angleterre, il y a un bel écho à nos chansons la bas. Puis pourquoi pas Belgique Luxembourg, Suisse. L’Allemagne est un pays qu’on adore aussi, on a eu la chance d’aller jouer là bas l’an dernier. Mais pour l’instant on s’attache à aller aux quatre coins de la France, parce qu’on a eu une année riche en concerts, on a surtout fait le grand tour Est français, de Lille à Perpignan, en passant par Metz évidemment.
Karma : Vous vous êtes donc retrouvés propulsés sur les radios avec vos premiers titres, puis tout aussi rapidement sur scène. Quel est votre rapport au live et au public ?
Melissa : Il nous a fallu du temps pour nous trouver. Depuis peu, on a un nouveau guitariste qui nous accompagne sur la tournée. On sent le live se roder de plus en plus. On a hâte de faire toutes ces dates pour nous améliorer.
Sofian : On est un jeune groupe, c’était compliqué, en un an et demi, de sortir du salon, d’enregistrer un album, le sortir et d’avoir un tel accueil, auquel on ne s’attendait pas. Et toute la presse qui suit. Aller rencontrer Laurent Ruquier sur son plateau, t’as l’impression de regarder la télé, t’as envie de zapper des fois parce que c’est chiant mais tu ne peux pas, parce que t’es dedans. On a vraiment halluciné. On n’était pas fait pour ça, mais c’est un honneur d’avoir la chance de vivre ce genre d’expérience. Ça nous met la barre super haut et par conséquent la pression. Parce que du coup, les gens s’attendent à voir des mecs super pros sur scène, mais on est des gamins de 19 à 22 ans qui débutent à ce niveau. Mais de date en date, de résonance en résonance, l’assurance arrive et maintenant ça se passe super bien, la rencontre avec le public est top. On veut cette rencontre et voir ce qui se passe dans les yeux des gens.
Karma : Pour finir la question rituelle de Karma : Beatles ou Rolling Stones ?
Sofian et Melissa : Beatles !
Sofian : Mais moi, je garderai les Beach Boys !
Propos recueillis par : Matthieu Henkinet
Retranscription : Lauriane Fox