Live Report : Jardin d’Hiver du Michel 2012 – L’Autre Canal (Nancy)
Entre la fin du monde dans une dizaine de jour et l’avalanche de neige de la semaine dernière, on avait bien besoin de se réchauffer un peu le cœur au sein du Magazine Karma. Ça tombe bien, Michel nous avait préparé un cocktail détonnant avec les fleurs de son Jardin d’Hiver. La distribution se déroulait à l’Autre Canal à Nancy ce 8 décembre 2012 et je suis allé voir ça de près.
Souvent quand un festival choisit de faire un évènement l’hiver, c’est pour éviter de se faire oublier. Un petit truc convivial pour rappeler l’ambiance de l’été, avec une petite affiche locale, parfois un peu low cost.
Avec le Jardin du Michel par contre, on ne se relâche pas. L’affiche a de la gueule, elle est variée. Et même si on reste majoritairement sur des formations françaises, ce ne sont pas les premiers venus. Il ne reste plus qu’à saupoudrer le tout avec deux noms légendaires du hip-hop made in USA et on a la clé d’une soirée à succès.
Pour commencer celle-ci en douceur, ce sont les chansonniers d’Acorps de rue qui nous accueillent dans la grande salle.
Tandis que certains sont encore devant l’entrée à vider leurs bouteilles, la fosse se remplit petit à petit. Et même si peu sont venus pour entendre des chansonnettes, ils y prêtent volontiers attention. Côté scène, c’est très simple, deux musiciens, deux micros, des guitares, un accordéon. Le set est bien maîtrisé, les voix s’accordent parfaitement sur des textes qui donnent le sourire. Entre les morceaux, le duo s’adresse régulièrement au public, on apprend notamment que, bien que nancéiens, c’est leur première date à l’Autre Canal. Ils en sont ravis et ça se voit, les compères apparaissent résolument sympathiques. Ils terminent leur set en donnant rendez vous une prochaine fois, et avec le sourire, « pourquoi pas en tête d’affiche du JDM dans 5 ans ».
Je ne sais pas pour la tête d’affiche, mais en tout cas ils m’ont convaincu d’aller les voir une autre fois.
Question organisation, tout est bien cadré chez Michel, les lumières se rallument, je passe le couloir pour rejoindre la seconde salle, j’y entre, j’allume mon appareil photo, les lumières s’éteignent et les Kanka montent sur scène. Le premier s’installe au mix, l’autre attrape une basse. Difficile de faire une meilleure synchronisation. Je partais avec d’énormes a priori concernant cette formation, n’étant fan ni de reggae ni de dub, ça s’annonçait compliqué. Les sonorités sont basées sur du reggae, mélangées à de l’électro, sur certaines pistes on retrouve du chant. Le public se tasse dans le club, qui semble d’un coup trop petit, et d’inévitables fumées illicites s’échappent rapidement de l’audience.
A mes yeux les morceaux se suivent et se ressemblent un peu trop… Je préfère après quelques morceaux aller découvrir comment Michel a investi les lieux. Dans les couloirs se trouvent plusieurs affiches faisant la promotion du début de programmation du festival d’été 2013, fraîchement annoncé, ainsi que des écrans diffusant des vidéos live des artistes en question, en tête de file, les légendaires rappeurs d’IAM.
Impossible d’échapper à l’info, tout a été mis en place pour faire monter la sauce et faire patienter jusqu’à la prochaine annonce en mars. Michel a été jusqu’à investir, malgré le froid, la cour arrière de l’Autre Canal pour y installer son « Comptoir ». Ce dernier est rempli, y sont vendu des remèdes au froid : des t-shirts du festival, mais surtout du vin chaud et du pâté lorrain. Autant dire qu’on y est comme à la maison.
C’est au tour de Maniacx de monter sur la scène principale. A ce moment là, je ne le sais pas encore, mais je vais me prendre la claque de la soirée. A peine arrivé dans la zone photo que l’équipe est déjà en train de saluer la foule. Le décor déployé pour l’occasion est original, une haie cache l’avant d’une platine, une autre est camouflée en chariot de vendeur de hot dog, un BMX traîne dans un coin. Les gars sont quatre sur scène, un d’entre eux tient le micro en permanence tandis que les autres alternent entre avant scène et platines avec une énergie si débordante qu’elle contamine le public qui lève les bras, crie, danse au rythme du hip-hop déjanté des Cannais.
Au niveau des morceaux, c’est très changeant. Certains beats sont très rock’n'roll, d’autres profondément hip-hop, tout ça se teinte d’électro par endroits. Le plus bluffant dans tout ça réside dans le fait que les voix semblent s’adapter à l’infini aux changements de registre, autant dans le rythme que dans la texture. Pour ajouter à la folie ambiante, le frontman propose l’apéro au public avant de jouer « Alcohol » et appelle un certain « Farou » pour s’occuper du service. Il arrive équipé d’une sorte de Kärcher rempli d’alcool qu’il projette avec une lance (équipée d’une gopro, le rendu des images doit être assez spécial) dans le public.
Quelques compos plus tard, le set se termine. Mais comme on pouvait l’attendre, le public en veut encore et les Maniacx reviennent sur scène, l’un d’eux affublé d’un casque en forme de boule à facette et une keytar à la main (sorte de synthé en forme de guitare), pour quelques morceaux avant de quitter définitivement la scène.
Turnsteak en live, c’est un peu le genre d’expérience qui fait dire à la ménagère de 50 ans que les jeunes sont tous tarés. Il y’a plus de fumée que d’oxygène dans la salle, les musiciens arrivent sur scène éclairés au stroboscope, des flashs de lumière blanche de tous les côtés, et donnent d’entrée la couleur. Un son efficace, puissant remplit nos oreilles. A la table des deux Djs, on retrouve pas mal de matériel, des boutons dans tous les sens, mais ils se partagent principalement platines et séquenceur sampler pour nous proposer de l’ »esthétique glitch », une musique qui se base sur le mixage de bruits. Visuellement, le show est bien pensé.
Là où de nombreux DJs se contentent de rester dans l’ombre et tout miser sur les lumières de la salle, on retrouve ici une sorte de nuage d’orage derrière eux, il sert de support à des projections mouvantes. Tantôt géométriques, tantôt apocalyptiques, elles s’accordent aux morceaux et sont accompagnées de flashs de lumière homogène, rendant le tout relativement hypnotisant. Le cocktail semble plaire au public, mais ça ne l’empêchera pas de quitter la salle avant la fin du set pour aller attendre la tête d’affiche dans la grande salle. Une attitude décevante face à un show d’une telle qualité. Un des deux DJs lâchera d’ailleurs entre deux morceaux, « Vous pouvez rester ils ne commenceront pas tant qu’on a pas fini », en vain…
Je rejoins pour la dernière fois la salle principale, pour assister au show de Method Man & Redman, avec un peu de pression sur les épaules, les américains qui n’ont plus grand chose à prouver ne sont pas toujours accueillants avec la presse, particulièrement avec les photographes qu’ils n’acceptent pas toujours. En gros, ce soir, je n’ai pas intérêt à me louper. Les lumières s’éteignent, la foule hurle… Et ce n’est ni Method Man ni Redman qui monte sur scène, mais Ready Roc. La « première partie luxe » de la tête d’affiche. Il se chargera plus tard d’assurer les backings sur certains morceaux en compagne de Streetlife, mais pour l’instant il se charge de défendre quelques unes de ses créations solo.
Après ça, retour au noir. DJ Dice et DJ Mathematics s’installent derrière leurs platines respectives, alors que la foule reçoit un message teinté d’accent américain depuis les coulisses « Bonsoir, j’aime fumer, et vous ?! ». Redman déboule sur scène armé de son micro, suivi de près par Method Man armé lui d’un blunt. Le décor est posé, l’ambiance n’a pas changé depuis How High. Je vois la moitié de la première chanson avant que la sécurité ne me montre la sortie de la zone presse. C’était prévisible, les chansons jouées par Ready Roc en ouverture ont compté dans les trois chansons que j’avais le droit de photographier. On m’envoie déposer mon appareil photo au vestiaire, avant de venir me rechercher pour me dire « en fait non, vous pouvez encore photographier ». En définitive j’aurai pu shooter une chanson et demi au lieu de trois.
Bref, je retourne dans la salle alors que sur scène est joué un morceau du Wu Tang Clan, que Redman conclut en se jetant dans la foule survoltée. Les tubes s’enchaînent et les refrains sont scandés par la foule. Jusqu’à ce que Method Man prenne plusieurs minutes pour parler de l’époque ou le hip-hop ne se prenait pas la tête avec des histoires de bagnoles et de cash et ne faisait que parler de fumer de la weed et de « bonnes meufs ». Autant dire qu’on va rester sur la lancée old school. Il assure alors que lui et son compère ne sont pas les rappeurs moyens qu’on voit partout, et que ça se traduit par leur énergie scénique et la clarté de leur voix, avant d’en faire une démonstration a cappella.
C’est à ce moment que je remarque qu’un des DJs semble s’ennuyer profondément. DJ Mathematics en arrière plan est en train de manger des chips en buvant allègrement dans une bouteille, qui, je pense, doit contenir du vin. Forcément, deux DJs alors qu’il suffit de lancer des samples, ça fait beaucoup. C’est justement le moment de leur laisser la place pour une battle. Malheureusement loin d’être convaincante. Entre les chansons, les mecs ont tendance à faire crier n’importe quoi au public, on notera par exemple un « Fuck you Redman » scandé jusqu’à ce que le concerné finisse par balancer en riant un « Fuck you too ! ». Ou, encore plus farfelu, Redman demandant aux filles du public ayant la « chatte propre » de crier. On apprend aussi que l’album Blackout 3 est en préparation et que How High part 2 arrivera prochainement (en même temps ça fait pas mal d’années qu’ils le disent).
Arrive alors la fin du concert, Redman se met à slamer frénétiquement sur le public pendant que Method Man se met sur la foule. Une dizaine de t-shirts sont envoyés, avant d’entamer une ultime chanson sous les acclamations du public pour conclure une soirée bien remplie et surtout réussie.
Rendez-vous à présent en juin pour une nouvelle édition du Jardin Du Michel qui s’annonce excellente !
Article : Matthieu Henkinet