Interview : Mass Hysteria – janvier 2013
Depuis la sortie de leur septième album, L’armée des ombres, Mass Hysteria avalent les kilomètres sur les routes de France pour aller à la rencontre de leurs fans et leur faire partager 1h30 de folie Furieuse. Leur tournée, dont le point culminant sera la date anniversaire des 20 ans à l’Olympia le 5 avril 2013, les fera s’arrêter au 112 de Terville, qu’ils connaissent déjà bien, le 8 février prochain. Entretien avec Mouss Kelai, chanteur du groupe, qui revient avec nous sur ces 20 années de carrière et ce que les prochaines dates nous réservent…Après ces 20 années dans le groupe, où réussis-tu à trouver l’inspiration pour écrire tes textes ?
Disons que ce qui se passe en ce moment dans le monde donne de plus en plus envie de se révolter, il y a vraiment de quoi dire. La musique est un bon vecteur pour dire de belles choses et de moins belles choses. Exprimer son mécontentement et sa révolte notamment. En plus, au-delà de « comment va le monde », on en discute souvent, nous-mêmes on est très étonnés, au sein du groupe, d’être encore là 20 ans après. On se dit qu’en fait ce qui nous fait avancer c’est d’être toujours complice. Il n’y a pas de leadership dans Mass Hysteria, les décisions se font à mains levées et la majorité l’emporte. Donc il n’y a pas de hiérarchie, d’ascendant d’une personne sur un autre membre, et c’est ce qui nous fait être encore là, je pense. Il y a aussi ce sentiment presque inexplicable d’être sur scène et d’avoir une foule qui peut te renvoyer la pareille, qui est conquise, qui a une interaction avec toi. C’est inexplicable de pouvoir faire de la musique, d’avoir un groupe, de faire un disque ensuite et des concerts. Ce n’est pas donné à tout le monde, il y a beaucoup de chance dans tout ça et on est conscient que c’est un privilège. Même si depuis quelques années on est obligé de travailler à côté pour le garder. Des groupes ont mis la clé sous la porte. Les temps sont durs mais on a encore la chance d’avoir un label qui croit en nous et nous permet de faire des albums. La scène nous motive à chaque fois. On se rappelle en permanence le privilège incroyable que l’on a de pouvoir le faire. Comme on dit dans une chanson, « Je goûte au stupéfiant le plus puissant, le bruit d’un public impatient » (Killing The Hype). C’est un sentiment que tout artiste de théâtre, de musique ou de n’importe quel métier du spectacle connait avant de monter sur scène. C’est ce qui nous transcende, ce qui crée un deuxième « moi » sur scène. On se sert aussi de la scène comme d’une salle de sport, on veut mouiller le maillot complètement. On espère être resté authentiques. On le paye un peu de notre personne mais c’est ce qu’on essaye de faire.
Et justement, du point de vue physique, qu’est-ce qui a changé entre une sortie de scène de Mass Hysteria il y a 20 ans et aujourd’hui ?
Il y a toujours la satisfaction d’un travail bien fait, on se reproche le travail mal fait et on se dit qu’on n’a pas le droit à l’erreur le lendemain si l’on joue. Mais quand on a trois ou quatre dates d’affilées, avant on pouvait faire la fête tous les soirs mais maintenant ce n’est plus du tout le cas. Ca fait un moment que, par discipline, on ne le fait plus. Mais là quand on se met une bonne caisse le dernier soir des trois ou quatre dates, on le sent passer (rires). C’est beaucoup plus raisonnable après les concerts et on est plus en forme pour le lendemain. En plus il y a la route, c’est assez éreintant. Avec l’expérience on anticipe. Et du coup le lendemain on dort moins dans le camion, on parle plus, on s’intéresse plus à tout ce qui entoure le groupe, l’association, les réseaux sociaux. C’est un vrai travail à plein temps. Donc je ne dis pas qu’on ne fait plus la fête, mais c’est clair qu’après les concerts, maintenant Mass Hysteria, c’est un peu plus calme. On s’est assagis !
Comment vous conciliez le groupe et vos vies professionnelles puisque vous avez tous repris un autre emploi « normal » ? Pas trop difficile ?
On est motivé, on le fait pour réaliser notre rêve, faire de la musique. On en rêve depuis qu’on a 10 ans. En tout cas moi c’est sûr. On a tous joué d’un instrument très tôt, on a tous eu nos groupes au collège et on a tous toujours rêvé de faire des grosses scènes quand on écumait les bars de nos villes respectives à l’époque. Donc voilà il faut travailler deux fois plus, mais ce n’est pas « difficile ». Comme je te disais, le prix vaut la peine d’être payé. Si ça nous saoulait, on ne le ferait pas, on ne se forcerait pas et on gagnerait surement largement mieux notre vie à faire autre chose. On le fait pour que tout ça continue, qu’on puisse rester proche des Furieux (nom donné au fans du groupe, ndlr), de tous ceux qui nous suivent, que ce soit depuis 20 piges ou moins. Si il faut mettre de notre personne pour alimenter et conserver ce privilège, on le fait. C’est quelque chose qui n’a pas de prix. Ce sentiment grisant… On revoit de temps en temps des membres d’anciens groupes qui ne font plus de scènes et qui gagnent très bien leurs vies maintenant en faisant autre chose. Leurs groupes n’ont malheureusement pas survécu et en discutant on se rend compte qu’ils ont perdu quelque chose qui ne s’achète pas. L’avant-scène. Partir en tournée avec une bande de potes… Le Rock’n’roll quoi ! Donc voilà on le fait sans rechigner. Notre leitmotiv dans Mass Hysteria c’est de penser aux gens qui bossent sur les chaînes de montage et de se dire qu’on n’en est pas là, que c’est pas un sacrifice qu’on fait mais un privilège qu’on a. Respect à tout ceux qui en bavent, qui se lèvent tôt et qui en ch*ent de plus en plus pour gagner de moins en moins.
Quand on écoute l’Armée des Ombres, on se sent à la fois nostalgique d’entendre à nouveau votre son « classique » et en même temps on a l’impression d’écouter quelque chose de complètement nouveau. Selon toi, qu’est-ce qui vous a permis de perdurer musicalement parlant ? Qu’est-ce qui fait que les gens aiment toujours autant votre musique alors que d’autres groupes qui ont commencé en même temps que vous ou après ont disparu, comme certains groupes de la Team Nowhere (Pleymo, Wunjo) par exemple ?
Je pense qu’on n’a jamais voulu mettre de barrière musicale. Il y a un mélange de tout, un peu de métal, de rock, d’électro… On ne s’est jamais sclérosé dans un style. Tu parles un peu de la Team Nowhere, il y avait aussi le collectif Sriracha avec Lofofora etc. Il y avait ces deux collectifs sur Paris et on n’a jamais voulu les intégrer. On préférait rester neutre. Ca ressemblait à des mouvements teenagers et on ne s’y retrouvait simplement pas. Ce n’est pas un mal en soi mais ce n’était pas nous. Et du coup je me demande si notre longévité ne tient pas à cette façon qu’on a eu de se tenir à l’écart des effets de modes, des collectifs. De faire ce qu’on avait à faire de part nous même. Et je pense aussi qu’on a toujours eu une rigueur de fond dans l’esprit du groupe, dans ce qu’on voulait dégager. On ne voulait pas être des benêts démagos à dire des inepties sur la paix dans le monde, la sauvegarde des bébés phoques… Ca se respecte quand même bien sûr, mais on ne voulait être ni démago, ni benêt. Quand on envoit des messages, qu’ils soient positifs ou alarmistes, on a toujours essayé d’avoir de la retenue et de la rigueur dans la musique également. Il y a peut-être une discipline dans ce que l’on fait et ce que l’on veut donner tout en ne se mettant aucune barrière. Sans vouloir faire de la variété on veut parler au plus grand nombre. On a des gens qui viennent nous voir depuis 20 ans et on a une deuxième génération, leurs gamins de 10, 12 ans qui viennent slammer à nos concerts ! C’est même devenu un rituel, à chaque concert on fait slammer les gamins des premiers fans ! La roue tourne et continue de tourner. On a quand même pris des risques sur des albums : après Contraddiction on n’a pas fait un Contraddiction Bis, on a fait un album complètement différent, on ne voulait pas se répéter. Mais comme tu le dis sans trop vouloir le dire, tu analyses qu’on en revient à nos premiers amours. Et c’est ce que les gens aiment. Ils nous ont toujours soutenus. Parfois un peu moins, mais ils ne nous ont jamais complètement lâchés ! Les gens continuent d’aimer et c’est ça qui justifie notre longévité. Et c’est vrai que pour les deux derniers albums, Failles et L’Armée des Ombres, on est peut-être enfin devenu complètement des « bonhommes ». On s’est affranchi de notre adolescence sans pour autant perdre cette innocence. On n’a plus l’âge de venir « lookés » comme des teenagers à faire des poses sur scènes ou dans les magazines. On s’en est amusé quand on était jeunes, après on s’en foutait un peu. On est resté authentiques et intègres.
Vous êtes en plein dans la tournée des 20 ans, officiellement celle de l’Armée des Ombres, avec notamment un passage au 112 de Terville, est-ce que vous avez réservé des surprises à votre public ?
(Rires) Oui, on essaie de changer sans arrêt de setlist. Ça nous a valut quelques déboires d’ailleurs puisqu’à force de trop changer, on en oublie la construction d’un set. Il y a un rythme, une construction à suivre sur 1h30 et, au bout d’un moment, on l’a un peu zappé. Sur cette tournée on a voulu ne jamais proposer la même setlist de week-end en week-end… et même parfois de soir en soir dans la même région. On sait qu’il y a des gens qui vont venir nous voir deux ou trois fois de suite et, même s’ils ne représentent pas une majorité, ça nous embêtait que certaines personnes entendent trois fois la même chose donc on chamboulait pas mal. Et au final on se retrouvait à perdre en efficacité rythmique durant le concert. Mais voilà, pour les surprises, je ne vois pas quoi proposer d’autre que notre énergie et le choix des morceaux en jouant parfois des vieilleries qu’on ne jouait même pas, ou peu, à l’époque des anciens albums. On les ressort un peu du formol, on se fait plaisir. Pour l’instant, puisque ça ne fait que commencer, je ne peux pas tout te dire, mais on travaille beaucoup la date de l’Olympia, le 5 avril, parce qu’il faut un budget et qu’on aura une captation DVD également ce soir-là. On va faire un concert assez exceptionnel pour nous et je pense qu’on gardera des surprises qu’on aura faites à l’Olympia pour la suite de la tournée. Je ne peux pas encore te dire quoi parce qu’on n’a pas encore tout choisi mais on va agrémenter un peu la scène après cette date.
On entend de plus en plus parler, sur les réseaux sociaux, de recrutement de l’Armée des Ombres. Est-ce que pour toi, on peut distinguer les anciens fans et les nouveaux en parlant de Furieux et de l’Armée ?
Je n’ai pas réfléchi en ces termes à vrai dire (rires). Je sais qu’il y a des réunions qui se font et qu’ils veulent monter cette « Armée » comme un support logistique au groupe, essayer de créer un rapport humain avec des gens prêts à nous soutenir, une sorte de fratrie en fait. On en avait déjà fait une, à l’époque, qui avait bien marché. Et puis, changement de label, manque de budget, bref on relance. Je n’en sais pas encore beaucoup mais c’est un appel que l’on lance pour un soutien logistique. On le lance pour voir ce qu’il est possible de faire avec des gens motivés et impliqués et ça peut déteindre sur d’autres groupes. On ne sait pas encore comment on va utiliser toute cette énergie. Il y a de belles choses à faire au-delà du simple tractage. On peut imaginer des invitations, des pass à vie pour nos concerts… À voir ! Une street-team avec un côté plus humain, plus proche. C’est toujours ambitieux de vouloir réunir plein de gens mais c’est super excitant. On lance ça, on ne sait pas trop comment ça va se faire, mais on est tous motivés et on en saura un peu plus par la suite. J’espère que ça va déboucher sur d’autres choses.
Comme le veut notre tradition, ma dernière question sera : Beatles ou Rolling Stones ?
Pour moi la question ne se pose même pas, c’est les Beatles. Les Stones ont des bons morceaux, mais je n’ai pas eu le même feeling… Ils font n’importe quoi, pour moi ils sont morts en 1975, depuis c’est la tournée des dinosaures ! J’adore Keith Richards par contre, c’est un grand bonhomme. C’est un tueur et je l’adore. Mais pour moi, ça reste les Beatles.
Propos recueillis par : Dom Panetta