Le psychédélisme n’est pas toujours là où on l’attend. Il a su traverser les décennies tout en sachant évoluer avec son temps. Loin de s’être arrêté à l’époque colorée des années 1960, on le retrouve aujourd’hui jusque dans le rap américain. Démonstration avec le duo The Underachievers et leur premier album Cellar Door : Terminus Ut Exordium, sorti le 12 août dernier.
Originaires de Flatbush, à Brooklyn, Issa Gold et AK représentent la nouvelle garde d’un rap américain plus bariolé que jamais. En seulement trois ans, ils ont su attirer les regards grâce à des travaux de qualité et une communication maîtrisée, bien aidés à leurs débuts par des rencontres décisives.
Les premières interviennent même avant la formation du duo. Gold était ami d’enfance avec les futurs Zombie Juice et Meechy Darko, deux membres du groupe Flatbush Zombies, trio composé en 2010 et nouvelles personnalités du hip-hop New-Yorkais. Issu du même quartier, le collectif Pro Era, mené par Joey Bada$$ et Capital Steeze, deviendra à son tour proche des deux rappeurs. L’entente entre les trois formations coule tellement de source, que le supergroupe Beast Coast voit le jour pour rassembler ces nouveaux talents.
En plus de la musique, c’est bien le même engouement pour la marijuana et les drogues hallucinogènes qui va rassembler et souder les deux partenaires. Sujet central de leurs paroles et source d’inspiration intarissable, elles se retrouvent même dans leur musique. Point commun avec leurs compères Zombies. Avec leurs productions planantes, atmosphériques et rêveuses, pas étonnant que Flying Lotus en personne les signe sur son label, Brainfeeder, en 2012.
Avec déjà des titres très bien vus sur iTunes et dans les charts, des clips vidéos à plusieurs millions de vues sur Youtube, la sortie de mixtapes était évidente. Indigoism et Lords of Flatbush, sorties toutes deux en 2013, consolident leur renommée et l’appel d’un premier album se fait sentir. Ce sera chose faite avec Cella Door : Terminus Ut Exordium.
Avec simplement douze titres pour seulement quarante minutes, le format du disque se prête à une entrée en douceur dans l’univers des deux MCs. Un monde que la pochette aux têtes de félins, aux couleurs criardes et aux effets miroirs aura vite fait de définir. Cela avant même la première écoute. Que les réfractaires à un hip-hop violent, dur et cru se rassurent, il n’y a rien de tout ça dans le rap des Underachievers.
Inspirée de la old school des années 1990, mixée aux dernières influences comme la trap music, leur musique se vit comme un trip sous acide sans les effets secondaires. Fusion entre hip-hop, électro ou musique ambient, leur style peut convenir aisément autant aux amateurs comme aux néophytes. Grâce notamment à ces basses abondantes, aux cordes généreuses et les notes de piano délicates. Seule la batterie peut sembler parfois puissante mais ce n’est que pour mieux accentuer le rythme et la force se dégageant des flows des deux artistes.
Comme sur Chrysalis, par exemple, où la batterie résonne au milieu de chants cristallins et mystiques et des phrasés rapides des protagonistes. Plus doux et tout en apesanteur, c’est la basse cette fois qui cogne dur sur Nebulous alors que sur le chaud Quiescent, on se croirait dans un aquarium. En plus d’avoir un flow qui colle parfaitement à chaque production, les deux rappeurs n’hésitent pas à modifier leur voix. Preuve à l’appui, les titres Sonorous et Caprice, comme si soudainement le combo créait ses alter égos musicaux. Le bad trip guette à plusieurs moment et des titres comme Incandescent ou Ethereal sonnent un peu plus sombres que d’autres, mais jamais jusqu’à l’overdose.
L’ensemble est toujours très bien dosé et la production donne une véritable identité à un groupe en pleine ascension. Reste à voir sur la durée et avec un album plus long. Mais déjà avec ce premier opus, le duo rend un travail loin d’être inachevé. A faire tourner de toute urgence.
Article : Nathan Roux
