Papa Roach – The Connection

En ce mois de mars, toute l’actualité musicale semble tourner autour de David Bowie, c’est pourquoi on ne parlera pas de David Bowie ici. Ni du futur nouveau pape, à part s’ils choisissent Monseigneur Arauche. Le pape Arauch. Papa Roach, vous avez compris ? [le rédac’ chef débarque et jette la chroniqueuse par la fenêtre]

On revient en 2010. 10 ans après le mythique Infest, le groupe sort un album justement titré Time for Annihilation, un live ponctué de nouvelles pistes que Tobin Esperance (bassiste, songwriter) qualifie de turning point. C’est la fin d’une décade, la fin d’une période pour Papa Roach, qui pond un album live pour tourner la page et se remonter les manches. Après leurs déboires avec leur ancien label Geffen, qui a décidé de sortir un best-of dans leur dos sans leur lâcher un kopeck (un peu comme une ex qui revendrait ta PS3 sous prétexte qu’elle était un peu à elle aussi), Jacoby Shaddix et ses acolytes aux noms un peu moins marrants se trouvent un nouveau label et signent chez Eleven Seven Music. Le nouvel album, très attendu, avait été annoncé pour l’été 2012, mais ne sortira qu’en octobre de la même année. Papa Roach et Eleven Seven sont fiers de vous présenter l’arrivée du petit The Connection.

 

The Connection

Comment ça se présente ? The Connection, pour le groupe, c’est « la connexion entre le public et Papa Roach, la connexion via la musique, la connexion qu’il existe lors de nos concerts ». Un album de 13 pistes, 15 pour le Japon (pourquoi les japonais ont toujours plus de chansons sur leurs éditions ?), 15 pour la version deluxe, un peu maigre comme bonus. La grande nouveauté côté édition, c’est la sortie d’une belle version vinyle, une première pour le groupe et un effort appréciable pour les puristes du son. On a vu beaucoup de fans interloqués devant la pochette de l’album : un visuel réussi mais très graphique, qui laisse présager une référence à l’electro. Et l’electro, c’est le grand débat de cet album.

 

Papa Roach, de l’electro ? Pardon ?

Débarqué en pleine période nu metal, Papa Roach est connu et reconnu pour toujours pondre un son violent mais propre. Largeur des influences oblige, leurs albums précédents ont démontré leur capacité à mêler hard rock, rap et nu metal pour se forger une identité reconnaissable et constante. Alors quid des claviers et des sons synthétiques ? On avait eu un aperçu de ce nouvel intérêt pour l’electro avec le synthé d’intro de la chanson Even if I Could, enregistrée pour la B.O. du film The Avengers, titre très efficace mais musicalement assez anonyme. Une intro au synthé, soit, pas de quoi fouetter une mouche. Mais pour ce qui est de l’album, ça va beaucoup plus loin.

C’est ce que nous dit d’emblée Engage, la première piste, qui a de quoi laisser perplexe : si on ne vous dit pas que c’est du Papa Roach, vous allez penser que vous êtes tombés sur une piste instrumentale d’un vieil E.P. de Fun. On attend l’explosion de batterie et les riffs de guitare après la fin, mais non, c’est bel et bien fini. Coup de stress. Les accusations des détracteurs de l’album se vérifieraient-elles ? Papa Roach, opportunistes de l’explosion electro actuelle, ou pionniers d’un nouveau genre cohérent avec son passé ?


Grosse révolution

Un peu des deux, finalement. Soyons honnêtes, le combo electro/notes hautes/chœurs/envolées du chant font parfois penser à du Linkin Park. Mais soyons honnêtes bis, ça ne ressemble pas tant que ça à du Linkin Park, parce que cet album est un véritable OVNI. Le résultat général est indéniablement intéressant et novateur, malgré des choix très casse-gueules. On n’a pas perdu l’esprit du groupe, qu’on retrouve dans les grosses gueulantes, les ponts lyriques et rappés et la saturation. Techniquement, toujours aussi propre, carré et efficace. Sachant que durant le temps passé en studio, le chanteur Jacoby Shaddix se trimbalait un nodule aux cordes vocales dont il n’a été opéré qu’après la fin de l’enregistrement, on aurait pu s’attendre à une faiblesse du chant, mais que nenni. C’est puissant, quoique un peu moins sombre dans le ton, et on reconnaît la logique de construction des parties instrumentales. En greffon, un paquet d’arrangements electro parfois discrets et bien maîtrisés, d’autres fois complètement déconcertants. Le  premier single extrait de l’album, Still Swinging, représente parfaitement The Connection : un mélange nu metal/electro assez abrupt dans les passages de l’un à l’autre, le début synthétique des chansons ne laissant jamais présager du reste du titre. On fait face à une construction complètement inhabituelle et osée qui confère à l’écoute une impression de grandiose exacerbée par les passages digitaux, mais pourrait perturber pas mal d’auditeurs.

Des titres comme Where Did The Angels Go et l’excellent Give me Back my Life exposent déjà leur potentiel de stage songs, parsemées d’explosions hargneuses qui semblent écrites pour la scène. Côté paroles, de l’introspection, des regrets, de la rage d’aller de l’avant : que du symbolique qui accentue ce renouveau et cimente la cohérence de l’album. Passée la surprise des accents electro, on retrouve bel et bien la logique Papa Roach. The Connection est clairement un de ces albums qu’il faut écouter trois fois pour se mettre dedans. Difficile d’accès puisque déconcertant, mais avec un peu de bonne volonté, ça se savoure comme de la glace au kiwi.

Pour les fans de l’album, ça ne ressemblera à rien de connu jusque-là, pour les déçus, ça ne ressemblera à rien tout court. En tout cas, il y a de quoi débattre sur cette révolution auditive qui ajoute l’electro au medley nu metal/hard rock/rap metal qui faisait l’identité de Papa Roach. Le turning point a été pris, et sans être un 180°, ça reste un virage assez sec et couillu que je salue. De quoi perdre quelques fans et en attirer de nouveaux. Le reste se demandera si ce genre de mélange inattendu ne ferait pas une bonne bouée de sauvetage pour d’autres groupes qui font la même chose depuis vingt ans.

 Article : Marine Pellarin

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