Live Report : Soirée de soutien aux Sidérurgistes avec Zebda, Bernard Lavilliers – Trocadéro (Paris) – 06 avril 2012

De l’espoir.
De l’espoir et de l’émotion. Beaucoup de fatigue, encore plus d’encouragements, d’applaudissements. Des heures de luttes, des jours de marche, 350 km avalés entre Florange et Paris pour rejoindre la capitale, au pied d’un bijou envié par le monde entier que l’Acier Lorrain a forgé. Avec ses hommes, sa sueur, ses morts et son travail. Ce dur labeur qui ce soir s’est transformé en appel à la fête, à la manifestation, aux sons de la musique qui résonne, la musique ce « cri de l’intérieur » dixit Bernard Lavilliers venu soutenir les Sidérurgistes mosellans sur la scène du Trocadéro.

« On lâche rien » scandent-ils, ces 17 marcheurs, tous syndicats confondus, venus déposer leurs tripes sur l’hôtel du profit. Bien sûr, Karma n’est pas le journal de la politique ni le rendez-vous de la polémique économiste. Mais Karma ne peut que saluer une entreprise où l’Homme est au centre de la machine, où la musique est venue saluer le courage d’un peuple, l’énergie d’une lutte, le besoin de révolte et le désir de subsister et tout simplement de travailler.

Plusieurs groupes se succèdent ce 6 avril, vendredi saint en Moselle et jour férié depuis l’annexion allemande. Et pourtant, « tous ensemble » ils sont là, 16 cars ont fait le déplacement de l’Est de la France vers « Paname ». Une foule immense rassemblée ce soir. Du respect, de la compréhension, des remerciements. Le cœur et les jambes sont lourdes mais la soirée est dédiée aux mélodies, à la fête, la joie d’une mission accomplie. L’impression aussi d’être entendus, comme ce fut le cas plus tôt dans l’après-midi avec le passage de Jean-Luc Mélenchon, le leader du Front de Gauche, dont la visite a toutefois été accueillie de façon mitigée. Des promesses encore ? Ces hommes-là n’en peuvent plus. Alors ils ont laissé parler la musique à leur corps, à leur esprit.

La soirée, envoyée de main de maître par Son Altesse Calixte de Nigremont, a été lancée par Dorsal(e) aussitôt après la prise de parole des marcheurs. Une chanson en forme d’accueil du public avant de laisser se joindre à la fête les Thionvillois de RIC. RIC, aka le Roots Intention Crew existe depuis 10 ans et a déjà 600 concerts à son actif, des featurings de renom ( Bernard Lavilliers, U-Roy) et une bonne humeur endiablée. Trois voix, quatre instruments et une énorme envie de se changer les idées. Voilà le concept délivré en quelques chansons et beaucoup de vitamines et d’énergie.

Didier Porte nous offre une chronique salée dont il a le secret avant de céder sa place au crew DDM – Drôles de Mecs. Un quatuor entre sketch, danse hip-hop et sampling au poil. Issus de la rue, aujourd’hui sur scène au Trocadéro, « à la maison », passés par le Off d’Avignon, ils seront à La Passerelle de Florange le 20 mai prochain.


Ton plus solennel ensuite. Bernard Lavilliers entre en scène.

Une pincée de souffre, le vent qui se lève afin d’ajouter un soupçon de théâtralité à l’affaire. L’homme ne cache pas sa joie d’être là, encore et toujours pour le peuple des Hauts-Fourneaux. Lui, l’ouvrier et fils d’ouvrier endosse la guitare pour une première Fensch Vallée. Une poignée de chansons s’ensuivra, toutes orientées vers cette lutte particulière. Entre deux, quelques mots glissés avec pudeur, un rire franc et profond et une gestuelle étudiée. On the road again prend tout son sens au crépuscule et alors que la nuit tombe, Les Mains d’Or ravivent la flamme dans les yeux des sidérurgistes.

Ce sont enfin les Toulousains de Zebda qui animent le concert de soutien avec professionnalisme.

Le groupe, revenu depuis peu sur scène avec dans ses bagages un nouvel album, n’a rien perdu de sa vivacité et de son accent. Leurs succès s’enchaînent et le final se fait sur leur chanson Motivés reprenant pour partie le Chant des partisans. A cet appel, les marcheurs, « le cauchemar du gouvernement », montent sur scène, invités par le groupe, afin de terminer la soirée en beauté.

Plus qu’un concert, plus qu’une soirée de soutien, en venant déverser angoisse et tristesse, une ville et plus largement, une région est venue rappeler ce vendredi 6 avril sa force, sa ténacité, son histoire. L’histoire d’origines brassées, d’une mixité de population tournée autour d’une même envie, celle du travail accompli : la fierté industrielle.
« Heureusement, il y a le tourisme » soulignait Reiser en couverture de Charlie Hebdo il y a trente ans, alors que la France mettait (déjà) la sidérurgie au placard…

Article & Photos : Ugo Schimizzi

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