Live report : Détroit – Olympia – 14 octobre 2014

Du 13 au 15 octobre 2014, l’Olympia faisait salle comble pour la venue de Détroit, le nouveau projet de Bertrand Cantat et Pascal Humbert. Plongée au cœur du renouveau annoncé d’une star déchue.

En première partie de cette seconde date, c’est George Sound qui occupe la position de chauffeur de salle. Engouement certain du public et belle démonstration du trio, qui n’hésite pas à envoyer les décibels (un peu trop parfois). Niveau paroles, on sent que la formation a des choses à dire, tiraillée par des sujets de société. Bon choix pour lancer ensuite Détroit, précédé d’une ovation méritée pour George Sound.

On embarque ensuite pour deux heures de scène, dans une ambiance souvent tamisée, avec Bertrand Cantat et ses compères. La foule compacte a le cheveu grisonnant (mais pas que) mais possède également l’envie intacte de voir celui qui a essuyé tellement de critiques ces dernières années. Le rockeur décroche rarement de son micro et entre peu en interactions avec ses partenaires, même si quelques signes trahissent une certaine complicité. Chacun est concentré, plongé dans sa partition et rend une copie propre, jamais dénuée d’énergie.

On s’étonne d’une consigne spécifique, concernant les photographes : « pas de photos de face » beugle le gorille de service à la solde du groupe. On le verra ensuite sortir sans ménagement et grâce à une belle clé de bras une frêle jeune fille, poursuivit par son compagnon, désemparé. Ledit gorille repassera ensuite, fendant la foule sans ménagement. Il sera imité quelques minutes plus tard par un agent de sécurité en pleine strangulation d’un spectateur un peu trop virulent, avant de le sortir sans ménagement en le traînant par les pieds. Niveau pub, on fait mieux. Heureusement, en se concentrant ensuite sur un couple plongé (en apnée) dans le concours du plus long french kiss donné en concert, on retourne quelque peu à la magie de l’instant.

Car, avouons-le, les moments de communion n’ont pas manqué entre Noir Désir et le public, y compris lorsque le groupe reprenait des chansons de Détroit. Non. Pardon. Les moments de communion n’ont pas manqué entre Détroit et le public, surtout lorsque le groupe donnait à la foule ce qu’elle était venue principalement chercher : des bribes de ce qui subsiste de l’esprit de Noir Dez’. Même si l’ensemble de la setlist est parfaitement cohérent dans sa manière d’être interprétée et que la patte de Cantat rayonne dans l’ensemble de ses écrits, toutes époques confondues, c’est bien lorsque résonne les vieux refrains que l’Olympia hurle à corps et à cris. Cependant, Cantat, peu bavard, ne mentionnera jamais le nom de ce vieux souvenir, fini court-circuité après sa longue traversée du désert à l’Est de l’Europe. Sur 19 morceaux, 10 proviendront tout de même de ce fonds de commerce efficace, une autre chanson étant empruntée aux Stooges, proposant une très belle version de Gimme Danger…pleine de sens.

Derrière, la formation bosse ardemment pour mettre en lumière son héros, tout sourire, les musiciens déployant un son lourd, ronflant bien porté par la voix bonifiée par le temps du leader. On ressent presque une pointe de moquerie et d’accusation sur une version radoucie de Un jour en France, tandis que de vieilles images acides remontent en écoutant attentivement les paroles de Droit dans le soleil. On ne peut se départir de certaines pensées, éloignées de la musique, que le principal intéressé aura lui-même du mal à oublier, une ombre passant sur son visage à la fin du morceau.

Peu fan de l’accent anglais du Bordelais, on apprécie tout de même Null and Void et Glimmer in your Eyes. De leur côté, Ernestine, A ton étoile, Lolita nie en bloc ou encore Le Vent nous Portera donnent à cette soirée toute l’ampleur qu’elle mérite et embarquent les chanceux du soir dans un beau voyage perdu entre aujourd’hui et les années 1990, proposant des versions revisitées avec brio. Les cris de Cantat résonnent jusqu’au toit de la salle, sa joie est certaine même si elle semble encore emprisonnée dans un carcan de pudeur.

Le tout volera en éclat et laissera transpirer la passion et l’énergie du quinquagénaire sur les très attendus Tostaky et Comme elle vient, clôturant le concert avec la rage d’un homme connaissant sa chance de pouvoir remonter sur scène, toujours acclamé par sa horde d’admirateurs.

C’est peut-être finalement le plus gênant dans ce concert, cette impression d’être venu voir le mythe d’antan plutôt qu’une nouvelle formation qui semble encore trop faite d’individualités, écrasée par le poids de l’histoire et l’influence d’un homme fait de passions… ne renonçant jamais à son désir de lutter et de se battre, notamment socialement, comme il a pu le rappeler avant Un autre jour en France (et ses « quelques fascisants autour de 25% ») mais aussi en citant le Discours de la servitude volontaire de La Boétie en introduction de Sa majesté.  Battant le fer de la célébrité tant qu’il est encore en plein essor, Détroit en profite d’ailleurs pour sortir d’ici à la fin de l‘année un CD/DVD live un peu surprenant pour un groupe aussi jeune, mais qui saura ravir les nouveaux venus et les anciens amoureux nostalgiques. Une rémission à suivre, donc.

Article et photos : Ugo Schimizzi

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