Lisa Simone à l’Arsenal de Metz, 1er octobre 2014

Ce soir, direction Metz et son Arsenal pour une soirée qui promet d’être riche en énergie et émotions. En effet, Lisa Simone se produit ce soir en terre mosellane. L’accueil est comme toujours au top à l’Arsenal (personnel souriant, toujours prêt à nous informer, orienter ou aider) et la place au premier rang, même si un peu sur le côté, est un must non négligeable.

J’imagine que le nom de l’artiste ne vous a pas laissé indifférent et que si vous ne le savez pas déjà, il vous a mis la puce à l’oreille. Lisa est tout simplement (car elle-même le présente ainsi, sans artifice) la fille de Nina Simone, la grande chanteuse de jazz des années 1960, très impliquée aussi dans la lutte pour les droits civiques mené entre autres par Martin Luther King avec d’autres artistes comme Harry Bellafonte, Isaac Hayes ou même James Brown.

Après un rappel de sa carrière, d’abord vouée au souvenir de sa mère et qui aujourd’hui prend une nouvelle dimension avec la sortie ce mois-ci de son propre album All is Well (Laborie Jazz, 2014), Lisa entre en scène, vêtue d’une robe dos nu bleu roi resplendissante, le sourire vissé au visage et nous transmet instantanément du bonheur. Elle est accompagnée sur scène d’un trio de musiciens issus d’horizons différents et qui l’accompagne depuis la réalisation de son album : Hervé Samb à la guitare, Reggie Washington à la basse et la contrebasse et Sonny Troupé aux percussions et à la batterie.

Elle entame son concert par le titre éponyme de l’album, All is Well, et dès les premières notes, la douceur de sa voix nous emporte. Elle enchaîne avec un second titre écrit celui-ci pour sa mère, Child in Me, où elle évoque la douleur de vivre loin d’elle pendant sa jeunesse. On sent que celle-ci est toujours très présente dans son cœur et son esprit. Son troisième titre se nomme Revolution et sa puissance vocale est ici toute démontrée. On sent toute la volonté de résister, de renverser les choses et me fait penser à nombre de chansons écrites pendant les 60’s ou les 70’s et la lutte pour les droits civiques.

Lisa, qui habite en France, interagit avec le public dans la langue de Molière mais, riant de ses petites erreurs, demande de l’aide pour se perfectionner et n’hésite pas à aller s’assoir à côté d’un spectateur du premier rang pour lui demander conseil. Tout le monde est conquis. Revenue sur scène, elle enchaîne avec un classique de la chanson française adaptée du poème de Prévert, Autumn Leaves/Les Feuilles Mortes, en rendant hommage aux interprètes passés illustres (Montand par exemple) français et américains. Je dois confesser avoir eu un frisson et une montée de larmes dès la première note chantée. Puissante et douce à la fois, son interprétation est émouvante au possible. Sa voix, bien que dans un autre registre, plus haut et plus doux que sa mère, est tout aussi merveilleuse. Elle fait même chanter le public qu’elle accompagne, assise en son sein, dans les gradins. On assiste à un moment d’intimité intense alors que résonne toutes ces voix.

Enchantée par la réaction du public, elle enchaîne avec brio sur une reprise du répertoire de sa mère, Ain’t Got No, puis avec Take me Away, chanson écrite par sa fille Réanna, alors âgée de  12 ou 13 ans. Cette chanson est interprétée avec douceur dans un premier temps, ressemblant presque à une berceuse, me rappelant parfois I Will Always Love You de Whitney Houston puis enchaîne sur un tempo plus jazzy. Vient ensuite Hardest Part.

Elle remercie le public pour son accueil. C’est en effet la première date de la tournée pour son album et nous promet qu’elle gardera Metz pour toujours dans son cœur. Elle sait tenir en haleine son public avec ses rires, blagues et anecdotes. Elle rend hommage, en deux temps, aux grands du jazz qui nous ont quittés et y ajoute des figures plus récentes telles que Michael Jackson ou Amy Winehouse et imagine un paradis où cela swinguerait toute la journée tout en rappelant qu’ici-bas, il faut continuer à vivre, jouer et chanter, coupant finalement court à tout épanchement nostalgique contrastant avec le bonheur de tous d’être là.

Elle entame alors New world Coming, seule avec son guitariste, morceau qui a été écrit dans la plus pure veine des grandes voix du jazz et des grandes chanteuses afro-américaines. Après Don’t Wanna Go (en bonus sur certaines éditions de l’album), c’est au tour du batteur de se distinguer par un solo monstrueux. Rapidité et précision sont au rendez-vous et sans sembler faire un effort trop important, il impressionne bien des spectateurs. Lisa et ses deux autres musiciens en profitent pour s’éclipser quelques minutes et le laissent seul en scène. Rien ne vient perturber son show.

Elle revient ensuite, précédée de Reggie et Hervé, se rafraichissant autant que jouant avec un éventail qui vient compléter sa tenue au style asiatique. Elle interprète alors une version du classique de Leonard Cohen, Suzanne, aux sonorités des îles avant de faire à nouveau appel au public comme chœur sur Take It To The Father qu’elle harangue depuis les gradins et  elle accompagne son chant de pas de danse dans le plus pur style des chanteuses de chez Motown, descendant sur ses genoux, nez pincé.

On approche alors à petits pas de la fin du concert et l’heure des rappels sonne. Le choix est donné au public entre un morceau swing et un morceau blues. Le vote est sans appel : les deux ! Elle éclate de rire et entame le blues en premier, Soothing Kinda Love (autre titre bonus de son album). Elle agite une écharpe devant elle qu’elle abandonne vite en la lançant à son bassiste, mort de rire.

Elle nous abonde d’anecdotes sur la période de sa vie où elle chantait à Broadway et sur son rapport avec sa mère, puis entame le rappel de la soirée par trois titres : Big Spender sur laquelle le public claque des doigts en rythme, puis le swing Work Song de Oscar Brown Jr, déjà repris par sa mère, et enfin son Finally Free, sorte d’hymne dédié à la délivrance du poids de son passé et de son héritage. Elle est libre et le revendique haut et fort. Cette chanson est d’ailleurs une sorte de résumé de sa vie, tant personnelle qu’artistique et qu’elle présente en deux parties aux rythmes différents, entrecoupées de nouveaux hommages à de grands artistes qui l’ont marquée.

Après une acclamation et de forts applaudissements de la part de l’Arsenal, Lisa a signé pendant plus d’une heure et demie son album, agrémenté de photos et de moult sourires avec tous ceux qui le souhaitaient. Une artiste remarquable, modèle, tout en simplicité et humanité. Rendez-vous le 18 octobre à l’Abbaye de Neumünster au Luxembourg pour un nouveau moment d’enchantement.

Article et photos : Cédric Mathias

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