Interview : Shaka Ponk

BAND03

On connaît le magnétisme propre aux « black albums », du Velvet Underground à Jay-Z en passant par Prince et Metallica. On sait qu’ils relèvent toujours de l’extrême comme si la couleur noire appelait la mise en danger. Celui de Shaka Ponk appelé The Black Pixel Ape, ne déroge pas à la règle avec une douzaine de nouveaux titres synonyme d’immersion obsessive dans le fracas des riffs et des beats. Car c’est une formation bataillant avec l’adversité que révèle cette rafale d’inédits aussi velus qu’abrasifs où les guitares se fraient un chemin en tronçonnant dans le vif du sujet. Ici, pas de ballade, pas de temps morts, nulle diversion. 

Le groupe viendra présenter cet album noir mais aussi sa version « white » à l’énergie contagieuse le jeudi 12 mars 2015 à la Rockhal. Steve, le claviériste de Shaka Ponk, nous en parle ici.

109_116

Bonjour Steve ! Vous avez dit dans une de vos interviews que « le concert, c’est une récréation ». Ça veut dire que tout le reste vous saoule ?
Bonjour Nathalie ! (rires !) Non, pas du tout ! Quand nous ne sommes pas en tournée, nous sommes un peu en apnée dans les fonds sous-marins. Il est bon parfois de remonter à la surface. On est souvent asphyxiés par notre propre suractivité. C’est de notre faute, on est tout le temps en train de se lancer de nouveaux défis : de nouvelles compos, de nouvelles battles, de nouvelles impros. On s’auto-fout dans la merde avec tous ces challenges, en fait ! C’est pour ça que j’ai l’impression d’être en vacances ou en colo quand nous sommes en tournée. A part les deux heures de sport sur scène presque tous les soirs, sur les tournées on a moins la pression car on se la met beaucoup moins surtout !

Moi qui pensais que le succès vous avait blasés, ce n’est pas le cas alors ?
Non pas du tout. Faire des interviews, tout ça, ce n’est pas gonflant. Bon, ok, ça dépend des journalistes, mais la plupart du temps c’est plutôt cool. En fait, on a toujours fait les choses qu’on voulait faire. Si on n’avait plus envie de faire de tournée, on arrêterait. Aussi, en ce qui concerne les différentes tâches de chacun, on est comme ça. Avant, je m’occupais plus de Monkey TV et maintenant moins. On ne s’impose pas de trucs. C’est l’avantage-même du collectif et c’est hyper motivant. Frah est assez hyperactif ce qui fait qu’il est, des fois, la locomotive pour tout le monde. Quand on a un coup de mou, le collectif pousse au cul et les gens prennent le relai. J’aime cet élan collectif. Pour revenir au succès du groupe, on ne s’en rend pas bien compte encore. La dernière fois, on était les derniers à passer dans un festival et on s’est dit « tiens, il n’y a pas de tête d’affiche… », alors que c’était nous les têtes d’affiche ! On n’a pas vu le truc monter.

Comment votre façon de vous organiser et votre façon d’être sur scène a-t-elle changée depuis vos débuts à Berlin ?
Dans le fond, pas grand-chose ! Une des différences majeures et que maintenant nous avons plus de monde qui nous aide lors de nos tournées. Avant, on partait à l’arrache avec une camionnette, notre matos, le matin aux aurores et on arrivait pour la balance l’après-midi, on était vanné. Le soir sur scène, on se donnait à fond, mais c’était nettement plus crevant que maintenant. Aujourd’hui, c’est nettement plus cool. On voyage en autobus avec toute notre équipe. On n’a plus besoin de monter notre matos. Quelqu’un se charge de la balance pour vous : c’est un vrai luxe ! Souvent le soir, la première note que je joue, c’est la première note que je joue de la journée ! Tout ça fait que nous pouvons nous impliquer dans d’autres choses, comme par exemple les décors ou les relations avec les fans. Avant on faisait tout, de A à Z !

Le fait de tout vouloir faire, c’était aussi une manière de tout contrôler, non ?
Aujourd’hui, cela nous permet de contrôler ce que nous voulons contrôler. Avant, c’était principalement parce que personne ne voulait le faire à notre place (rires) ! Et aussi parce qu’on n’avait pas le blé pour le faire faire par quelqu’un d’autre. Lors de notre dernière tournée, on a eu pas mal de soucis avec notre décor. Je pense qu’on a eu un vrai problème de communication et on aurait été plus rapide si on l’avait fait nous-mêmes. On a perdu vachement de fric ! On avait demandé un genre de Shiva en trois dimensions, mais finalement on a eu un Teletubbies, c’était assez affolant. On ne s’en est rendu compte que quand le décor était quasiment terminé et finalement on a dû le refaire nous-mêmes. On travaille vite et notre travail n’est pas léché mais c’est notre manière d’être depuis le début. Ça a un sens et les gens nous aiment aussi parce qu’on est comme ça. Quand on fait de la musique, on n’a pas un son léché non plus. J’ai essayé une fois de faire un truc plus propre au niveau de la prod, mais ça devenait de la variété et ça m’a fait très peur, alors j’ai arrêté. Je pense qu’on n’a peut-être pas rencontré les bonnes personnes. On s’en est déjà rendu compte quand on a voulu faire faire un clip par des professionnels. On leur disait ce qu’on voulait qu’ils mettent dans le clip et ils nous disaient qu’il y avait trop d’idées pour un seul et même clip. Qu’il fallait se cantonner à une idée principale et construire le clip autour de cette idée. Ça ne nous plaisait pas comme approche. Ce n’est tellement pas nous !

Sur tous les articles que j’ai lus sur vous, on vous décrit principalement comme un « groupe de scène ». Est-ce aussi ton avis ?
Je pense que ça peut vouloir dire beaucoup de choses. Ça peut vouloir dire un groupe qui dépote sur scène. Ou alors qui s’est construit sur scène. Je suis assez d’accord avec ça. La plupart des artistes font d’abord un album ou un EP, attirent l’attention de la presse ou de la télévision et ensuite partent en tournée. Nous, c’était carrément le cheminement inverse. On vient de la scène. On s’est rapidement rendu compte que la scène est un putain de média, un peu comme internet l’est aussi. La télévision et la presse ont commencé à s’intéresser à nous à partir du moment où on a rempli un premier Zénith, sans grand tintamarre médiatique conventionnel. Ça s’est fait d’ailleurs car on a un manager qui est fou. Il s’est dit un jour « je vais leur réserver un Zénith » et donc du coup on a dû bosser pour le remplir avec nos petits moyens. Tout est parti de notre Web TV. Aujourd’hui, on hallucine quand on sait qu’on est double disque de platine. On est assez content quand on repense à toutes ces personnes qui ont voulu nous mettre des bâtons dans les roues au début et qui ne croyaient pas à notre projet. C’est une belle revanche !

Comment vous est venue l’idée d’un album blanc et noir ?
Alors au début de l’histoire des Shaka, on avait déjà pensé à faire un album blanc et un album noir…

Sérieusement ?
Euh, non pas du tout (rires) !

Ah zut ! J’étais déjà en train de prendre des notes ! Alors dis-moi, pourquoi ce concept ?
En fait, au début, on voulait faire un album blanc, un album noir et un album arc-en-ciel. On voulait créer un album électro, un album rock et le troisième serait un mix des deux. On a vite abandonné l’histoire car on s’est rendu compte que ce serait l’enfer à produire. Pour nous, l’idée du noir et blanc était logique, car nous concevons la musique comme une image. On voyait tout de suite comment on pouvait l’exploiter. Aussi sur scène, ça se prête bien à des concerts, ce contraste. Au début, on voulait même faire un double album, qui serait toujours séparé, mais qui sortirait à la même date. Finalement ça n’a pas pu se faire comme ça.

109_80

A quoi peuvent s’attendre les gens qui vont venir vous voir à la Rockhal justement ?
Notre show, il est conçu pour être montré en salle. Il y a une intro, un déroulement et une fin. Le tout fait à peu près deux heures. Le rythme c’est avant tout la salle qui l’impose. On est déjà venu au Luxembourg pour un festival. On avait déjà pris pas mal de matos à ce moment-là, mais on est toujours un peu plus restreint en matière de temps, surtout. Je voulais faire une remarque sexuelle mais je ne sais pas si je peux…

Lâche-toi !
Bon, ben si vous nous avez vus en festival, c’est un peu comme des préliminaires. Un concert des Shaka Ponk c’est, en comparaison, une vraie nuit d’amour !

C’est dit ! Pour terminer notre question rituelle : Beatles ou Rolling Stones ? Et pourquoi ?
Je ne connais pas bien les Stones mais je suis un vrai fan des Beatles. C’est chelou et je sais que devrais dire l’inverse, mais je vais choisir donc les Beatles, car je pense que j’arriverais largement à vivre sans les Stones.

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

BAND05

Be first to comment