Interview : Robben Ford

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Robben Ford a eu une carrière très diversifiée. Il apprend la guitare à 13 ans et Mike Bloomfield est considéré comme sa première influence. A 18 ans il s’installe à San Francisco pour former The Charles Ford Band (nommé d’après son père, qui était aussi un guitariste), et il est rapidement engagé pour jouer avec Charlie Musselwhite pendant neuf mois. Robben joue avec Jimmy Witherspoon (1972-1973), le LA Express avec Tom Scott (1974), George Harrison, et Joni Mitchell. En 1977, il est membre fondateur des Yellowjackets, dont il est resté membre jusqu’en 1983, ayant simultanément une carrière solo et travaillant comme un guitariste de studio. En 1986, Robben fait des tournées avec Miles Davis et a deux périodes distinctes (1985 et 1987) avec Sadao Watanabe, mais il semble vraiment se retrouver en 1992 quand il revient à ses racines: le blues. Il revient aujourd’hui avec « Into The Sun », un album soul lumineux produit par Niko Bolas et mettant en vedette des apparitions par ZZ Ward, Keb ‘Mo’, et Warren Haynes, album qui est sorti le 30 mars 2015 en France. Il nous en a parlé ici.

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Bonjour Robben ! Peux-tu nous dire s’il y a un concept spécifique dans ce nouvel album appelé « Into The Sun » ?

Bonjour Nathalie ! En y réfléchissant bien, je pense que le seul terme qui me vient à l’esprit est « moderne ». En écoutant ce que les gens font de nos jours, j’ai tendance à croire que beaucoup essaient de faire dans le « old school », alors que moi pas du tout. C’est d’ailleurs le seul effort particulier de cohérence que j’ai fait avec cet album. J’ai voulu qu’il soit moderne.

Tu avais dit de ton précédent album que tu voulais faire un album avec lequel tu puisses t’assoir avec une guitare et jouer pour quelqu’un. Est-ce toujours le cas ici ?

Je n’avais pas vraiment cette idée en tête ici. Pour moi l’écriture est un artisanat. Il demande beaucoup d’effort. Je n’avais pas de grande vision pour cet album. J’avais juste envie d’écrire mes morceaux comme bon me semble avec l’inspiration du moment. Cet album, c’est un Polaroid de mes efforts d’une année.

L’écriture est un artisanat pour toi. Tu écris donc de manière mécanique ?

J’ai décidé d’écrire des morceaux assez tôt en faisant du blues, mais je n’écrivais pas les paroles. Cela a vraiment été choix un matin. Je voulais vraiment écrire mes propres paroles et voir ce que cela donnait. Comme tout artisanat, cela peut devenir un art avec le temps, même si je pense ne pas être assez bon dans ce domaine pour appeler cela de l’art aujourd’hui. J’ai dû apprendre comment faire : j’ai lu des bouquins, j’ai demandé de l’aide, j’ai écouté ce que les paroliers écrivaient. Je n’ai jamais été parolier donc pour moi c’est un gros effort et même une forme de dévotion en fait. Pour mon album « A Day in Nashville », je l’ai écrit très vite, l’inspiration étant présente et la source fraiche. Je me sentais comme un enfant et son nouveau jouet. Aujourd’hui je suis heureux d’avoir découvert une nouvelle façon de m’exprimer. Avant je prenais ma guitare et c’est grâce à elle que j’exprimais mes sentiments les plus profonds. Avec les paroles, j’essaie de me rapprocher de cet idéal. Je peux désormais écrire pour quelqu’un d’autre, ce que je ne pouvais pas faire au départ. J’ai l’impression d’avoir trouvé une nouvelle chambre dans ma maison et là je suis en train de découvrir ce qui s’y passe.

L’écriture n’est donc pas un besoin chez toi, mais un choix. C’est assez surprenant comme approche !

Absolument ! D’ailleurs je n’écris pas que sur moi, mais sur les choses de la vie, qu’elles soient personnelles ou pas. Je suis dans ce métier depuis assez longtemps maintenant, j’ai les connaissances pour écrire des morceaux, mais c’est vrai que de ne pas écrire les paroles, cela me frustrait. Tu es toujours dépendant de quelqu’un d’autre.

Tu as invité pas mal de monde à jouer avec toi sur cet album. Comment se sont faits tes choix de « guests » ? 

Il y en a une partie qui m’a été proposée par mon management ou mon label. Il y a donc eu des choix très logique comme pour Keb’ Mo’ ou Warren Haynes (Gov’t Mule). J’avais très envie de bosser avec Sonny Landreth et j’ai profité de l’occasion pour l’appeler. J’avais le morceau idéal pour Robert Randolph et je l’ai appelé pour ça aussi du coup. ZZ Ward et moi, on a le même manager et quant à Tyler Bryant, c’est le petit jeune de l’album. Il a 23 ans et c’est encore un bébé, mais c’était intéressant pour moi de l’impliquer, comme c’est la nouvelle génération de guitaristes. 

Est-ce que la notion de « Guitar Hero » a de l’importance pour toi ? 

Je pense que c’est une sorte de slogan. J’ai eu pas mal de « Guitar Hero » comme idoles dans ma jeunesse. Je comprends son utilisation mais je ne l’appliquerais pas à moi.

Quels sont tes « Guitar Hero » ou quels sont les artistes que tu admires ? 

J’en ai beaucoup dans ma vie : il y a eu BB King ou encore John Coltrane. Aujourd’hui je suis aussi inspiré par d’autres types d’artistes et pas nécessairement des guitaristes en fait. J’aime beaucoup Maurice Ravel par exemple. J’adore ses orchestrations et ses mélodies et elles m’inspirent tous les jours.

Tu as aussi dit que de toutes les expériences professionnelles que tu as eues dans ta vie, celle qui t’a apporté le plus c’était de jouer avec Joni Mitchell. Pourquoi ? 

J’ai travaillé avec elle pendant deux ans et grâce à elle j’ai énormément appris. Je n’avais que 22 ans et elle était déjà une musicienne très sophistiquée. A l’époque je la considérais comme une déesse vivante. J’ai eu la chance d’être à ses côtés au meilleur moment de sa carrière : elle était heureuse, belle et pas du tout aigrie, comme elle l’a été plus tard.

Tu as aussi travaillé avec George Harrison. Comment était-ce ? 

C’était à un moment intéressant en 1974, malheureusement la drogue jouait un très grand rôle. C’était un mec bien et il a toujours été gentil avec moi, alors que j’étais très jeune et très inexpérimenté. Je suis parti avec lui sur un des seules tournées qu’il n’ait jamais faite. Mais comme je disais, il y avait trop de drogue partout.

As-tu eu des soucis avec la drogue ? 

J’en ai pris comme tout le monde, mais ça n’a jamais été une vraie addiction, comme pour beaucoup de mes acolytes. Je me souviens notamment avoir pris de la cocaïne, mais c’était pour le fun, pas pour la défonce.

Quelle relation as-tu avec tes guitares ? 

J’aime beaucoup mes guitares mais je ne leur parle pas par exemple. J’en ai une grande variété mais je les considère plus comme des outils de travail. Il y en a deux ou trois auxquelles je suis vraiment attaché. Mais attaché comme à un chien par exemple, pas comme à une femme ! (rires !)

Te souviens-tu de ta première guitare ? 

Pas vraiment. C’était une guitare japonaise pas chère que mon père m’avait achetée pour Noël. Je devais avoir 13 ans.

Pour finir à Karma nous avons une question rituelle : préfères-tu les Beatles ou les Rolling Stones? Et pourquoi ?  

Les Beatles pour la simple et bonne raison qu’il y avait beaucoup plus de talents différents dans ce groupe. Ils étaient doués en mélodies et leurs paroles étaient excellentes. Paul McCartney et John Lennon sont pour moi les meilleurs mélodistes de tous les temps.

 

Propos recueillis par : Nathalie Barbosa

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Il sera en concert en France le 26 juin 2015 à Carpentras au festival Auzon Le Blues.

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